Soutien permanent à Tent of Nations

TENT OF NATIONS
Sur une colline, à 950m d’altitude vit la famille Nassar, des fermiers propriétaires de leurs terres depuis 1916.
Ce sont des chrétiens protestants palestiniens de plus en plus menacés par les colonies qui grossissent autour d’eux, les encerclent et veulent les expulser. TON est en zone C, sous contrôle israélien.


Les colons cherchent à les isoler avec une quadruple stratégie :
• Légalement, en occupant de plus en plus de terres (les 5/9 des terres ont été déclarées « terre d’état »). La famille est en procès depuis plus de 20 ans !
• En exerçant des menaces, des pressions physiques ; dernièrement, ils sont venus scier 250 oliviers, l’armée empêchant les propriétaires de prendre des photos…qui leur ont pourtant été réclamées lors du dépôt de plainte…Avec des volontaires, ils en ont replanté 2 fois plus !
• En les tentant avec de l’argent ou en leur disant qu’en tant que chrétiens, ils sont isolés au milieu des musulmans (ils feraient mieux de s’éloigner des musulmans): le village de Nahilin dont dépend leur ferme est musulman, leur intégration n’est pas toujours facile. Pourtant, les femmes de la famille y animent des ateliers (photos, broderies, poteries, ateliers d’écriture, musique) pour les femmes du village (et les enfants), ateliers qui commencent à rencontrer un réel succès…
• En bloquant la route d’accès à la ferme. Cette route est déjà bloquée depuis plusieurs années par un gros bloc de pierre les obligeant à des détours de plusieurs kilomètres. L’autre projet de bloquer la route 60, principale route qui conduit de Bethléem à Hébron, est, lui aussi, déjà bien avancé . La future route « palestinienne » en construction passe en dessous de la route 60 créant un état d’apartheid où Israéliens et Palestiniens ne se croisent pas. Quand ils bloqueront totalement la route 60, les habitants des villages alentour devront faire un grand détour pour aller à Bethléem qui n’est pourtant qu’à 8 kms, sans compter les heures d’attente au cheik-point. Beaucoup de ces villageois, en particulier ceux de Nahilin perdront leur emploi. Par ailleurs la poursuite de la construction du mur aggravera leur isolement en les encerclant. Ce mur isolera aussi les villages de Husan, Battir, Wadi-Fukin.
Face à cette situation (à celle de tous les Palestiniens en fait !), Daoud nous dit qu’il y aurait 3 options :
• réagir avec la violence
• se désespérer et se résigner
• partir, fuir…
Ils en ont choisi une 4ème : résister avec de la créativité et surtout avec la non-violence : dès l’entrée et sur tout le terrain, on trouve des messages de paix !
« We refuse to be enemy ».
Selon Daoud, quand les chrétiens palestiniens perdent espoir, ils émigrent et quand les musulmans palestiniens perdent espoir, ils deviennent fanatiques.
« On peut élever des enfants dans la haine ou, au contraire, les élever dans l’espérance. Il est important de dire aux gens qu’il ne faut pas attendre que les choses changent, on peut tous faire des choses, même petites, pour le changement » (voilà qui rappelle l’histoire du colibri, chère à Pierre Rabhi !).
Daoud et sa famille refusent toute forme de violence, ils ne participent pas à des manifestations, en particulier celles contre le mur, qui peuvent dégénérer au moindre jet de pierres. Ils rappellent les morts de Billin, d’El Massara. Pour eux la violence n’est pas contrôlable .Ils préfèrent planter des oliviers. « TON is the peacefull response to injustice ».
Ils souhaitent investir leurs frustrations d’une façon positive et être un pont entre les peuples. Ils participent à la défense des villages alentour. Si TON est détruite, une colonie sera construite sur la colline et les Israéliens contrôleront les villages alentour et Nahilin mourra. Les différentes colonies alentours ont le projet de se rejoindre en s’étendant : Betar Illit, , 45 000 habitants et Neve-Daniel, en formant des ponts . En arrivant à TON, nous avons d’ailleurs vu des poteaux électriques installés, qui présagent de nouvelles constructions. Daoud dit avoir de grosses responsabilités, défendre sa propriété mais aussi les villageois voisins. Les Israéliens disent que TON est « un caillou dans la gorge ».
En regardant la carte, on voit qu’il sera très difficile de faire un état palestinien compte tenu du morcellement, des colonies, des réquisitions par l’Etat.
La ferme est une terre d’accueil, une terre de culture (10% de terres cultivées au début, plus de 50% à 60 % maintenant), 1200 arbres plantés l’an dernier (« planter un arbre, c’est croire en l’avenir », car un olivier met 10 ans avant de produire.
Ils ont creusé 14 citernes qui collectent 600m3 d’eau (attention à la diffusion des informations concernant leur construction). Ils en avaient une seule en 2001. Ils ont installé des toilettes sèches, envisagent d’installer des éoliennes, de produire du biogaz et filtrent les eaux usées. N’ayant pas droit à un permis de construire, ils creusent la roche pour avoir une chapelle, des salles de réunion, des hébergements pour accueillir les visiteurs (6.000 venus du monde entier l’an dernier ; plusieurs groupes passent pendant notre séjour). Ils viennent pour la journée, pour un ou trois mois ou pour un an (volontaires du service civil allemand) ou lors de camps d’été pour les jeunes (cueillettes d’abricots en juin, d’amandes en juillet, de raisins en août, de figues en septembre, d’olives en octobre).
Il est important d’avoir un but ambitieux mais d’y aller pas à pas !
Ils comptent sur :
• le soutien international : lors d‘une de leurs dernières menaces d’expulsion, exécutoire au bout de 5 jours, ils ont reçu des milliers de mails et la justice aussi sans doute qui a dû « repousser » sa décision ; de même, l’organisation allemande qui leur a offert leurs panneaux solaires a écrit à Israël pour qu’elle ne les détruise pas, disant qu’ils leur appartenaient ! Devant les panneaux solaires, une citation tirée de l’Evangile de St Matthieu « Vous êtes la lumière du monde ; une cité sur une colline ne peut pas être cachée ; que votre lumière brille devant les hommes pour qu’ils puissent voir tout le bien que vous faites et glorifient votre Père dans les Cieux ». Ce système d‘énergie solaire est une aide pour l’autosuffisance; il a été sponsorisé par l’organisation « Green Helmet » représentée par le Dr Ruppert Neudeck, importé par la compagnie Shirasol…et installé par…
• les financements par les repas et les hébergements
• la vente des produits de la terre
Ils espèrent que d’ici 5 ans, les deux derniers financements leur permettront d’être auto-suffisants.
Ils ont aussi le projet de faire une école, incluant l’enseignement de la non-violence et de l’agriculture, un centre de formation sur les énergies renouvelables, de faire du vin.
Un atelier de mécanique a démarré.
Tout argent proposé par des internationaux est destiné à un projet précis : solaire, eau, biogaz …et même pour financer leur défense lors de procès où il leur est demandé 20 000dollars (cf menaces de démolition).
Les camps d’été depuis 2002, rassemblent une cinquantaine d’enfants des camps de réfugiés et des villages arabes .Cela représente un gros investissement journalier en transport. Ils ont le projet d’acheter un minibus. Les enfants des camps peuvent aussi venir juste une journée pour voir.
Des formations à la non-violence sont dispensées aux jeunes des camps de réfugiés.
Anecdotes de non-violence :
• Une patrouille de soldats en tenues de camouflage et maquillés, arrête Daoud un soir alors que ses 3 enfants dorment dans la voiture et exige malgré sa demande qu’il les réveille et les fasse descendre…Alors Daoud s’adresse à ses enfants en anglais pour que l’officier comprenne : « Réveillez-vous, mais n’ayez pas peur de l’accoutrement des soldats car ils sont amicaux ! ». Une demi-heure plus tard, l’officier lui rend clés et papiers et lui demande de présenter ses excuses à sa famille car il se rend compte qu’il a mal agi…
• Daoud nous dit aussi que les jeunes (voire très jeunes) soldats venus du Nord d’Israël et effectuant leur service dans les territoires occupés retournent ensuite chez eux très affectés psychologiquement…
• Il y a aussi le mouvement des mères de soldats qui viennent du Nord pour voir aux check-points si leurs fils se comportent bien !
Mais en période scolaire, les enfants de Daoud logent à Bethléem car il y a trop de tensions sur la colline pour faire le trajet quotidien…
Quand des colons essaient d’entrer de nuit par effraction sur les terres, Daoud leur demande de revenir dans la journée, qu’il leur offrira un café pour discuter ! C’est d’ailleurs un colon qui leur a installé les toilettes sèches et ensuite, il n’a pas voulu rester dans la colonie.
Amal, qui travaille aussi le jour comme kinésithérapeute dans un hôpital de Bethléem, nous parle de la santé des enfants. Beaucoup souffrent de malnutrition, d’hypothermie, de problèmes respiratoires, de maladies dues à l’eau qui devrait être potable, mais qui est souillée par les eaux usées déversées par les colons … De même, Israël « oublie » de ramasser les ordures du village, ce qui donne lieu à des décharges « sauvages », des détritus emportés par le vent et permet d’accuser les Palestiniens d’être sales !
Des consultations de pédiatrie sont assurées par des médecins étrangers de différentes spécialités.
Les bébés abandonnés ne peuvent pas être adoptés car ils sont tous considérés comme musulmans et certains grandissent à la pouponnière de l’hôpital, puis en crèche, en villages d’enfants où ils seront scolarisés, et bénéficieront par la suite d’une formation professionnelle.
Il n’y a pas de centre pour les enfants handicapés qui sont nombreux en raison des mariages consanguins. Ils sont élevés dans leur famille avec parfois une rééducation à domicile comme la pratique Amal.
Amal et Daoud voyagent à l’étranger pour témoigner de leur vie, de leur engagement non-violent, des pressions que subissent les Palestiniens. Ils se présentent comme « arabes, palestiniens, chrétiens ». A la suite de leurs conférences en Europe et en Amérique du Nord, de nombreux internationaux sont venus à TON. Et cette présence éloigne les attaques des Israéliens.
Daoud souhaiterait que se crée en France une association : « Les amis de Tent of Nation » …
Nahilin et le centre des femmes de TON
Le village de Nahilin.
Nahilin est un village palestinien de 7000 habitants situé en contrebas de Tent of Nations qui, lui, occupe le sommet et le flanc d’une petite colline. Nahalin, comme la plupart des villages palestiniens, est situé en fond de vallée, près des sources d’eau ancestrales. Les colonies, quant à elles, sont installées en haut des collines avoisinantes. Au Nord de Nahilin, l’une d’elle, Beitar Illit, implantée depuis 1985, est maintenant à quelques encablures de Nahilin. Beitar Illit est une ville d’environ 40 000 personnes qui étale ses logements de 4 étages aux toits rouges sur plusieurs km² (colonie ultra orthodoxe, 2/3 d’enfants, le plus fort taux de natalité d’Israël).
La plupart des habitants de Nahilin ont cessé de rejeter les colons, ils sont fatigués, résignés. Les jeunes de Nahilin travaillent souvent dans les colonies qui jouxtent le village. Un jeune peut ainsi construire une maison pour les colons sur sa propre terre ! Mais il ne s’agit nullement d’intégration, les ouvriers sont « déposés » et « ramassés » dans la colonie, directement sur le chantier. Certains habitants de Nahilin cultivent encore leur terre, la famille Nassar est l’une d’elle.
http://www.presstv.ir/detail/2013/03/08/292600/israeli-settlers-harassing-palestinian-villagers-near-bethlehem/
Et pourtant, ce village de Nahilin que l’on pourrait croire asphyxié par un avenir très incertain, continue de s’étendre. Construire est une marque de résistance. A la périphérie de l’espace habité, de nouvelles maisons cubiques blanches sont en chantier, presque toujours sans permis de construire. Le coeur de Nahilin est en zone A, sa périphérie Ouest en zone B, sa périphérie Est en zone C (Tent of Nations en fait partie), une zone placée entièrement sous contrôle civil et militaire israélien, y compris l’administration de toutes les questions liées à la terre. Il est extrêmement difficile pour les Palestiniens d’obtenir des permis de construire dans la zone C, alors même que les colonies continuent à s’étendre. Un ordre de destruction menace donc ces constructions (même situation qu’à Tent of Nations).
http://www.presstv.ir/detail/2013/03/08/292600/israeli-settlers-harassing-palestinian-villagers-near-bethlehem/
Avec le temps, les villageois de Nahilin sont de plus en plus isolés du monde extérieur. Les routes d’accès à Nahilin portent lourdement les traces de la colonisation. La route de l’Est, qui permettait un accès rapide à la route principale n°60, est fermée depuis bien longtemps : d’énormes blocs de pierre empêchent la circulation et le passage vers Nahilin (et vers Tent of Nations). L’autre route, celle du Nord, est en bien mauvais état. Elle serpente dans le village voisin d’Hussan, passe et repasse sous la belle grand-route qui dessert la colonie de Betar Illit. Sur certains tronçons, l’apartheid dans toute sa splendeur : entre la misérable route réservée aux palestiniens, et le large ruban de bitume réservé aux israéliens, un couloir, une zone interdite faite de barbelés enlacés. Cette route misérable rejoint la célèbre route n°60 pour s’engouffrer sous terre…
CARTE issue http://www.btselem.org/map
Difficultés de déplacement, repli sur soi, chaque village se bat seul contre l’occupation…. ou ne se bat plus, tant la tâche est immense.
Le centre des femmes
C’est dans ce village de Nahilin, que la famille Nassar, seule famille chrétienne du village, a ouvert un centre des femmes. Johan, la femme de Daoud, y intervient très souvent et coordonne les différentes activités qui font appel aux compétences des volontaires internationaux.
Les enfants sont accueillis pendant que leurs mères participent aux activités proposées : informatique, cours d’anglais, artisanat (fabrication d’étoiles, bijoux, sacs, broderie, peinture), cours de recyclage, jardinage, atelier musique avec fabrication d’instruments de musique, cours de chant en anglais et même en japonais avec une volontaire japonaise. En entrant dans le centre, on découvre une salle d’expression libre où les enfants et les femmes ont écrit et dessiné leurs rêves : voyager, voir la mer, vivre dans une Palestine libre, jouer dans un club de foot, avoir un beau métier, agir librement, etc…
Les enfants sont heureux de participer aux ateliers d’artisanat et d’expression libre et veulent revenir. Il est important de les laisser s’exprimer. Ils ont beaucoup de questions qui concernent leur situation, beaucoup de « pourquoi » : pourquoi on n’a pas d’eau, pourquoi on n’a pas d’électricité, pourquoi on a tué mon père, pourquoi j’ai faim. On leur explique que nous vivons sous occupation, que nous ne sommes pas libres, mais que nous avons une terre, que nous devons être à la fois forts et non-violents. A la question « Que veux- tu faire plus tard ? », un enfant répond d’abord « Je veux mourir », son père a été battu et tué devant lui, il veut le rejoindre. Après quelques temps passés au centre, il dit « Je veux être médecin ou artiste ». Dans ce centre, on cherche à aider les enfants à grandir sans haine.
Les enfants ont aussi un atelier d’écriture où ils ont raconté par exemple l’irruption des soldats dans leur maison, cassant tout et emmenant leur père en prison. Ils ont mis leur récit en dessin, y figurant une fin heureuse avec une branche d’olivier et une colombe.
Les jeunes femmes y acquièrent une certaine liberté de pensée au cours d’échanges répétés. Elles commencent à penser qu’elles ne sont pas obligées d’épouser le mari imposé. Récemment une femme du village s’est suicidée avant son mariage refusant le mari choisi par ses parents.
Le travail fait dans le centre n’est pas toujours bien accepté par les villageois. Les femmes reparlent en famille de ce qu’elles font au centre. Certaines n’y reviendront pas au bout de 2 ou 3 fois. Pour d’autres, au contraire, leur mari accepte la participation de leur femme aux différents ateliers et souhaiteraient même des cours d’informatique ou d’anglais pour eux.
Enfin, sont dispensés des cours d’éducation sanitaire, avec formation aux premiers secours, conduite à tenir devant une fièvre du nourrisson, principes d’hygiène, etc… Ces différentes formations sont assurées par des locaux et des internationaux. Des dessins très parlants sur la prévention des accidents domestiques sont affichés sur les portes.
Ce centre est laïc, on n’y parle pas de religion. Il a été ouvert avec 4 femmes, elles sont maintenant 20 à le fréquenter régulièrement. Les dépenses courantes sont financées par Tent of Nations qui loue les locaux à l’année. Pour les femmes, c’est gratuit.
Ce centre est un bel exemple de rencontres et de savoirs partagés.

http://www.tentofnations.org/