UNE INTERVENTION DE SIMON ASSOUN Intervention de Simon Assoun au meeting juif international du 30 mars 2024

S’il est question maintenant de parler de la « réinvention de nos diasporas », c’est-à-dire, finalement, de réfléchir à ce que c’est qu’être juif, à ce qu’est le monde dans lequel nous vivons et à ce que doit être notre place dans ce monde, alors il est difficile, voire impossible, de ne pas prendre comme point de départ de cette réflexion, la violence inouïe qui se déploie en ce moment même à Gaza et les crimes qui y sont commis. Car cette violence, ces crimes, certes nous n’en sommes pas coupables, mais parce qu’ils sont commis par un État dont la prétention identitaire fermée à être l’État juif, l’État des Juifs, nous interpellent et nous obligent, ils abiment notre humanité collective, et, alors que certains, enfin, parlent de « risques génocidaires » à Gaza, il nous revient en premier de regarder la réalité en face et témoigner de ce que cet État, inflige à la population palestinienne, devant les yeux du monde entier, et de dire : oui, un génocide est commis, le crime n’est pas à venir, mais déjà là. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : il y aura un avant et un après Gaza 2023 et il nous revient de décider d’y faire face et de prendre nos responsabilités devant l’histoire.

 

C’est pourquoi je crois que, se poser la question de notre rapport au monde et de notre subjectivité collective, revient d’abords à se demander : comment en sommes-nous arrivés là ? De quelle histoire sommes-nous le produit ?

 

Réinterroger le passé à la lumière du présent apparaît comme le point de départ de tout changement et de toute tentative de jeter les bases d’une alternative culturelle et politique. L’histoire moderne des Juifs, c’est-à-dire l’histoire des relations entre la judéité et la modernité, ne se laisse pas facilement appréhender. Et cette difficulté tient notamment à ce que, dans cette histoire, nous comptons parmi les vaincus, et que ce sont les vainqueurs d’hier qui continuent aujourd’hui d’écrire l’histoire. Si le sionisme s’est si profondément ancré dans les affects de larges parties de nos communautés, c’est qu’il porte la prétention de racheter des siècles d’oppression, d’ouvrir un chemin vers la dignité et de sortir de ce statut de vaincus.

 

Et tout le drame de cette proposition, ce qui fait qu’elle n’est pas ce qu’elle prétend être, c’est qu’elle prend pour espace la Palestine, une terre peuplée par un peuple, le peuple palestinien, dont la dépossession et l’oppression est la condition de réalisation de cette prétendue autodétermination.

 

Il est courant de faire débuter cette histoire moderne avec la Révolution française, qui malgré ses apories et ses contradictions, marque l’entrée des Juifs dans la modernité et ouvre une page particulièrement riche et vivante, intellectuellement, artistiquement, politiquement, de l’histoire juive. Un siècle et demi plus tard, Auschwitz, la destruction quasi-totale des Juifs d’Europe, marque la fin de la modernité juive, et résout dans la mort et la destruction l’antagonisme entre la construction des États-nations européens, cœur de la modernité, fondé sur l’homogénéité ethnique et culturelle, et une altérité juive insoluble dans ce cadre trop étroit.

 

Le paradoxe du sionisme, c’est qu’en même temps qu’il se veut une réponse et une solution à l’antisémitisme, historiquement à l’antisémitisme moderne occidental, il se fonde sur les mêmes postulats politiques et idéologiques. Il s’inscrit dans la même vision du monde de ceux pour qui les Juifs, comme beaucoup d’autres, comptaient parmi les « peuples sans histoires », survivance d’un passé révolu et condamnés à disparaître dans la grande marche du progrès ; de ceux qui, convaincus de la supériorité européenne et de la suprématie blanche, voyaient dans les terres du sud des terres disponibles à l’accaparement brutal, et dans les population qui les peuplaient, des êtres insignifiants ; de ceux pour qui la survie des Juifs comme collectivité, à travers des deux millnaires d’existence sans Etat-nation, était une anomalie et la marque d’une dégénérescence à corriger.

 

Oui, cette histoire est difficile à regarder. Oui, nous sommes des vaincus déguisés en vainqueurs par le colonialisme israélien.

 

En France, après l’affaire Dreyfus, parmi les évènements marquants de l’histoire des Juifs, nous pouvons notamment citer : l’immigration de Juifs d’Europe de l’Est au début du XXè siècle, la seconde guerre mondiale et la déportation de plus de 80 000 juifs, la fondation de l’État d’Israël, la guerre des Six jours, l’arrivée de Juifs d’Afrique du nord pendant et après la guerre d’Algérie. « Chacune de ces étapes, de façon modeste ou marquée, transforma la manière dont les Juifs de France se perce­vaient eux-mêmes ou étaient perçus par le reste de la population. » (Marienstras Richard)

 

Oui, notre histoire est celle de l’antisémitisme et du colonialisme. Elle est celle du déplacement de la question juive – au lieu de son dépassement – à la question palestinienne et du transfert de la violence antisémite qui l’accompagne.

 

Un examen critique ne sera jamais un but en soi. La critique ne sert à rien si elle n’obéit pas au principe de responsabilité à l’égard du passé comme à l’égard du présent, si elle ne se prolonge pas par l’action de rompre avec les structures d’oppressions et d’aliénations, si elle ne se traduit pas par la volonté active de « tirer le frein d’urgence », comme l’écrivait Walter Benjamin, et d’interrompre le cours de l’Histoire dont on en finit plus de mesurer la catastrophe.

 

Réinventer nos diasporas c’est donc d’abord opérer une série de ruptures subjectives.

 

La première de ces ruptures subjectives est celle avec l’État d’Israël et sa prétention à incarner le seul aboutissement possible de la longue histoire juive. L’État d’Israël a reproduit contre les Palestiniens tous les mécanismes idéologiques et politiques qui se sont si longtemps déployés contre les juifs. Réinventer nos diasporas, c’est d’abord rompre avec la détestation et la honte de l’exil qui fonde l’entreprise sioniste et nourrit le processus de colonisation de la Palestine. C’est pourtant la dispersion qui a permis aux Juifs de se maintenir si longtemps sans État, de traverser les siècles et d’échapper aux mouvements de l’histoire qui ont emporté tant de peuples et de nation territorialisées. « Aucune communauté occidentale n’a de mémoire aussi longue que celle des Juifs – et cette mémoire procède toute entière de la Diaspora. » Richard Marienstras.

 

La seconde rupture à opérer concerne le processus de normalisation bourgeoise et impérialiste. C’est celle opérée par Marx et par de nombreux penseurs juifs à sa suite. C’est le refus du monde qui hier nous mettait à mort et qui aujourd’hui, poursuit contre d’autres son entreprise de destruction. C’est le refus du partage impérialiste du monde, de la racialisation des rapports sociaux, des conceptions normatives de l’assimilation. Le refus de l’extension continue du capitalisme pourrissant qui broie les peuples et anéanti le vivant.

 

En France, pays moteur de l’islamophobie dans le monde, nous devons rompre avec le racisme d’État. Refuser cette place que nous accorde l’impérialisme, qui nous tolère que comme ses faire valoir, qui ne nous accepte pas comme Juifs en Europe, mais qui nous soutient comme colons en Palestine.

 

Il y a quelque chose de forcément révolutionnaire dans la réinvention de nos diasporas.

 

Faire irruption là où se jouent nos destinées, se poser, avec d’autres en sujets révolutionnaires, rompre la continuité historique au nom d’une mémoire et d’un passé dont nous refuserons toujours qu’il soit réduit à une nature morte, sorti de l’histoire pour être l’objet de commémorations creuses et de récupération. Nous le réintroduisons dans le présent pour que « plus jamais ça » soit, aujourd’hui plus que jamais, le moteur vivant de la lutte contre l’oppression et la négation des droits.

 

Rompre avec la continuité historique. c’est le premier pas du chemin qui mène à l’irruption des peuples ; nos diasporas ne peuvent être que révolutionnaires. Révolution = irruption des masses là où leurs destinés se jouent. (Trotsky et Benjamin)

 

J’ai évoqué une série de ruptures, à laquelle on pourrait facilement répondre : et après ? Rompre, ok, mais pourquoi ? On sait ce qu’on perd, on aimerait savoir ce qu’on gagne.

 

Et bien à cela, cher•e•s ami•e•s, cher•e•s camarades, je répondrai que les horizons ouverts par la rupture avec les structures d’oppression sont nombreux.

 

J’en citerai seulement quelques-uns.

 

L’affranchissement des conceptions normatives de l’identité, souvent enfermée dans le cadre étouffant du nationalisme.

 

La réappropriation des formes de judéités occultés par l’histoire coloniale et par l’impérialisme : nos identités arabo- berbères, entre autre, nos spiritualités, nos langues. La redécouverte de la pluralité de la tradition juive.

 

La fin de ce sentiment d’isolement qu’expérimentent de trop nombreux juifs, perdus dans un tête à tête avec l’État-nation et l’impérialisme, tête à tête intenable, et la multiplication des communautés de destin que nous construisons avec tous les opprimés.

 

Et si cela apparait comme trop abstrait ou trop insuffisant, alors n’ayons pas peur de répondre que nous n’avons rien d’autre à proposer que la lutte, la lutte émancipatrice, révolutionnaire, créatrice, contre ce qui nous abime et qui nous détruit. La lutte qui sera toujours bien plus féconde que ne le sera jamais l’impérialisme et le colonialisme, bien plus vivante que ne le sera jamais un monde qui n’en finit plus de crever.

 

Alors vive la lutte du peuple palestinien et que vive les luttes de tous les opprimés et les exploités. Il n’y a aucune réinvention qui ne passe par le chemin de la lutte.

 

 

 

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2024-03-30 – L’eau en Palestine : une arme au service de l’apartheid

Parallèlement à l’accaparement des terres, un des objectifs d’Israël a été dès le début l’accaparement et la confiscation des ressources en eau. C’est un élément essentiel de la domination et de l’oppression du peuple palestinien, c’est un des éléments fondamentaux de la colonisation.

On peut le constater dans le tracé des « frontières », dans la « réglementation » mise en place en 1967 dans le territoire occupé, dans l’exploitation du Jourdain en amont de la Cisjordanie

Dans cette région du monde, celui qui détient les ressources en eau peut assurer son indépendance économique. C’est bien ce qu’Israël en tant que puissance occupante et colonisatrice s’attache à empêcher pour le peuple palestinien.

La faiblesse des ressources renouvelables entre Méditerranée et Jourdain est une question essentielle : elles se montent à un peu plus de 2 milliards de m3, soit à peine plus de 140 m3 par habitant et par an. Les prélèvements globaux en eau sont supérieurs aux ressources renouvelables, ce qui fait que les niveaux des aquifères s’abaissent et que des puits et des sources s’assèchent.

Israël en accapare plus de 80%, ne laissant que la portion congrue aux Palestiniens ; la ressource naturelle disponible actuelle est donc environ 4 fois plus élevée en Israël que dans le territoire palestinien occupé (300 m3/hab./an contre 75 m3/hab./an). Cette situation ne fait que s’aggraver en Palestine où Israël gère complètement la distribution de l’eau à la population palestinienne via sa société Mekorot. La consommation totale d’eau a seulement doublé depuis 1967 alors que la population a été multipliée par 5. De ce fait, la consommation par habitant a été divisée par plus de deux. En Cisjordanie, la construction du mur a interdit l’usage de certains puits ou sources aux Palestinien·nes. A Gaza, la situation est encore pire : les ressources renouvelables ne couvrent que la moitié des besoins, cette surexploitation de l’aquifère littoral entraîne son invasion par des eaux salées ; l’eau de Gaza est donc à la fois presque entièrement saumâtre et très polluée : aujourd’hui, il n’y a plus d’eau potable à Gaza.

Non seulement la population palestinienne a un accès restreint à l’eau, mais elle est en butte aux exactions de l’armée israélienne et des colons : destruction volontaire des canalisations d’eau lors des attaques de l’armée israélienne en Cisjordanie occupée, bouchage de sources par des colons. À cela s’ajoute le prix de l’eau 4 fois plus élevé pour les Palestiniens que pour les Israéliens.

Traiter de la question de l’eau en Palestine révèle la nature du régime d’apartheid israélien qui impacte tous les aspects de la vie quotidienne des centaines de milliers de Palestinien·nes, les privant notamment du droit à la santé. La situation ne pourra pas changer positivement tant que le peuple palestinien vivra sous occupation militaire et tant que 800 000 colons pilleront ses richesses naturelles.

La maîtrise des ressources naturelles est un élément essentiel de l’exercice de l’autodétermination. Avec la question de l’eau, la bataille pour le droit que mène le peuple palestinien à disposer de lui-même prend ici sa dimension première : le droit à la vie, un droit universel par excellence.

Cette année, le thème de la journée mondiale de l’eau est « L’eau pour la paix ». Il n’y a pas de paix sans justice. Il s’agit bien de mettre fin à l’occupation, à la colonisation, au régime d’apartheid israélien et d’obtenir un cessez-le feu permanent et la fin du siège à Gaza.

La colonisation est un crime de guerre. Piller et exploiter les ressources du territoire colonisé en est un des aspects. La France doit s’engager concrètement pour que justice soit rendue aux Palestinien·nes et qu’Israël cesse de piller leurs ressources naturelles, notamment les ressources en eau. Cela passe par la fin de l’occupation et la décolonisation du territoire occupé.  Le Bureau National de l’AFPS, le 22 mars 2024

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2024-03-30 – Journée de la Terre : journée de lutte pour le peuple palestinien !

Le 30 mars 1976, Israël réprimait dans le sang une manifestation de Palestiniens qui protestaient contre le vol de leurs terres en Galilée dans le nord d’Israël. L’armée tira sur la foule et 6 Palestiniens furent assassinés.

Depuis, le 30 mars est une journée de lutte et de manifestation pour les Palestinien·nes en Israël, en territoire palestinien occupé (Gaza, Cisjordanie, Jérusalem), dans les camps de réfugié·es et partout dans le monde pour refuser la colonisation, le vol des terres, dénoncer la Nakba qui continue et l’apartheid israélien.

Cette année, cette journée prend une signification toute particulière. Ce 30 mars 2024, la fin du génocide à Gaza et le cessez-le-feu, la fin de la colonisation et du nettoyage ethnique seront au cœur de toutes les manifestations là-bas et ici.

Depuis le 7 octobre, ceux qui pensaient qu’il n’y avait plus de question palestinienne ont dû ouvrir les yeux : tout n’a pas commencé le 7 octobre. Les pères du sionisme avaient qualifié la Palestine de « terre sans peuple pour un peuple sans terre » et leur objectif était de faire de ce slogan une réalité.

L’année 2023 marquait les 75 ans de la Nakba, la catastrophe qui avait vu 800 000 Palestinien·nes chassé·es de leur terre et privé·es de leurs biens. La Nakba au cours de laquelle des massacres effroyables ont été commis par les milices sionistes puis par l’armée d’Israël. Citons pour mémoire Deir Yassin en décembre 1947 et Tantura en juin 1948 et rappelons que plus de 500 villages ont été détruits ainsi que 11 quartiers de villes palestiniennes.

Depuis, Israël n’a cessé de vouloir « finir le travail » : occupation de tout le territoire en 1967, annexion de Jérusalem-Est, colonisation, mise en place d’un régime d’apartheid à l’encontre de tout le peuple palestinien.

« Finir le travail » avec une intensité renforcée depuis fin décembre 2022 et l’arrivée d’un gouvernement raciste, fasciste et suprémaciste. « Finir le travail, » Netanyahou, en affichait l’objectif en brandissant devant l’Assemblée générale des Nations unies une carte d’Israël de la Méditerranée au Jourdain. Cela s’est traduit par un accroissement sans précédent de la violence des colons, de la répression de l’armée, du nettoyage ethnique et du vol des terres : des dizaines de communautés chassées de leurs terres par la terreur, de nouveaux avant-postes, l’agrandissement des colonies, des destructions de maisons par centaines, des assassinats par centaines aussi… la violence coloniale.

Puis vint le 7 octobre et les Palestiniens de Gaza qu’Israël et ses alliés espéraient tenir éternellement silencieux derrière des barreaux sont revenus sur le devant de la scène mondiale ; avec eux l’ensemble du peuple palestinien, et la question du droit à l’autodétermination du peuple palestinien aussi.

« Finir le travail » à marche forcée ! Le génocide en cours à Gaza, le nettoyage ethnique renforcé, les déplacements forcés de population à grande échelle dans toute la Palestine occupée, la répression féroce de toute forme de résistance, la déshumanisation des Palestiniens, la recolonisation de Gaza en perspective : autant de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité dont on attend la condamnation de ceux qui prétendent faire partie d’un monde soi-disant libre !

Cette Journée de la terre 2024 sera bien une puissante journée de mobilisation pour le peuple palestinien mais aussi pour le mouvement de solidarité, pour toutes celles et ceux qui, de par le monde, ne lâcheront rien jusqu’à ce que le peuple palestinien puisse faire valoir son droit à l’autodétermination.                                 Le Bureau National de l’AFPS, le 29 mars 2024            Photo : Au cours de la journée du 5 juin 2023, de nombreux colons armés s’en sont pris à des champs, des voitures et des habitations appartenant à des palestinien.nes autour de la zone d’Ein Samiya au nord-est de Ramallah.

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Intervention de Michèle Sibony au meeting juif international du 30 mars – Table 1 « Colonisé.es, colonisateurs : guerre génocidaire et décolonisation de la Palestine »

« L’histoire des Juifs européens et  celle des Arabes de « Eretz Israël », sont toutes deux devenues la centralité  du judaïsme. La shoah des Juifs européens et la shoah des Arabes de Palestine, sont une seule et même shoah pour le peuple juif. Les deux vous regardent droit dans les yeux »

Avot Yeshurun1

Ce que nous fait, à nous Juifs, le génocide palestinien en cours, commis par Israël.

En sommes-nous responsables, au-delà de la responsabilité de chaque être humain de tout faire pour l’empêcher ? Il y a une responsabilité des puissances occidentales notamment Allemagne, France, Grande Bretagne et États-Unis, mais Israël prétend agir pour tous les juifs du monde contre un pogrom antisémite le plus grand depuis la shoah dit-il, il nous englobe dans son action, et de ce fait nous implique directement. Nombreux sont ceux parmi nous qui ressentent colère et accablement devant ce qui est en train de se passer prétendument en leur nom. Nombreux sont ceux parmi nous qui protestent de toutes leurs forces à travers le monde contre ce qui se passe. C’est comme si se rejouait en boucle un mauvais film.

Je reprendrais bien à mon compte la formule d’Ella Shohat qui parlant des juifs orientaux d’Israël, les mizrahim, titrait son livre : les victimes juives du sionisme. Sauf que l’expression ne me semble pas appropriée ici. Sans doute convient –elle mieux aux 1200 israéliens tués dans l’attaque du 7 octobre.

Le gouvernement français nous prend en otage, en reprenant l’idée du sionisme : l’État juif pour tous les Juifs : d’un côté elle nous associe publiquement au crime (qu’elle présente de la même manière qu’Israël comme une légitime défense, contre l’antisémitisme arabe, et se sert de nous ici dans son combat islamophobe. C’est donc pour nous, à cause de nous, qu’elle contrôle et opprime les Arabes ?

En fait tout le monde parle en notre nom : Israël aussi bien que la France qui reprend son discours dans une identification morbide et perverse.  Encore une fois la France règle ses contradictions internes entre grands principes universels, ses pratiques coloniales et actuelles, et ses impasses volontaires (le colonialisme) sur notre dos. Il ne s’agit pas d’une impasse passive, mais d’un refus actif de reconnaître les crimes coloniaux. On ne peut éviter de penser que la négation acharnée du contexte colonial dans l’attaque du 7 octobre, relève elle-même d’une réaction coloniale.

Cette sinistre période réactive aussi les fantasmes européens sur les Juifs comme sur les Arabes. Sur les Juifs : des fantasmes chargés de l’antisémitisme structurel et du génocide juif et comment s’en sortir : ce que révèle notamment l’adhésion totale et immédiate à la thèse de la propagande israélienne d’une attaque antisémite : pogrom-shoah) et sur les Arabes là-bas et ici : les fantasmes orientalistes coloniaux et post-coloniaux : d’un côté l’identification au colon « européen » ou « occidental » , et de l’autre l’Arabe dangereux, l’identification du Hamas à Daesh. L’Occident qui soutient Israël est en réalité celui des puissances coloniales et impérialistes qui ont toujours procédé avec cette logique.

Le soutien inconditionnel d’Israël, l’impunité unique qui lui est accordée, le maintien d’un statut d’exception au sein de la communauté des nations, en contradiction d’ailleurs avec le souhait proclamé du sionisme de devenir « une nation parmi les nations », l’aval du colonialisme, au lieu d’encourager d’autres perspectives, n’est-ce pas de tout cela qu’est constitué le fameux lien judéo-chrétien ?  La tolérance du colonialisme comme mode de gestion du monde, la justification des génocides coloniaux et le blanchiment ultime du génocide européen puisque commis à son tour par sa victime même.

Le paradoxe ultime de ce soutien inconditionnel est qu’il est assorti d’un antisémitisme grandissant qui émane précisément des gouvernements et groupes les plus sionistes. L’antisémitisme monte aux USA en même temps que le soutien à Israël, il est promu dans l’extrême droite qui inclut la droite chrétienne évangélique (95 millions d’évangéliques chrétiens aux États-Unis dont leur aile droite de plusieurs millions d’individus et proche de Trump, est à la fois sioniste et antisémite). De même, comme le rappelait Jean-Pierre Filiu dans un article du Monde, Netanyahu et le Likoud misent depuis plus de 15 ans sur les extrêmes droites européennes : Orban en Hongrie, dans les pays baltes, l’Allemagne et la Pologne, la Hollande à présent. Et tout récemment Milei le président argentin reçu en ami à Tel Aviv qui a annoncé le prochain transfert de l’ambassade d’Argentine à Jérusalem, vient de nommer Rudolf Barra procureur général du Trésor, un antisémite notoire, et nazi dans sa jeunesse. Tous ces groupes et gouvernements affirment à la fois leur soutien à Israël en même temps qu’un antisémitisme virulent.

En France Louis Aliot du RN est reçu en 2011 en Israël et dans des colonies des territoires occupés avec qui il trouve des points de convergence sur l’islam radical ; Aymeric Chauprade, alors conseiller international de Marine Le Pen, affirme que les Européens de l’Ouest se trouvent dans le même bain que les Israéliens. La réhabilitation du rassemblement national sur l’antisémitisme par le gouvernement et ses alliés, se fait intégralement sur la base de son soutien au sionisme et sur un fond commun d’islamophobie. C’est ce que l’on a vu clairement dans la manifestation du 12 novembre qui appelait en apparence contre l’antisémitisme et était en fait une manifestation de soutien à Israël et a intégré sans broncher le RN (parti membre de l’arc républicain a même justifié le gouvernement).

Le discours israélien est massivement adopté par nos gouvernements occidentaux qui prétendent nous protéger de l’antisémitisme contre la barbarie arabe. De fait c’est la théorie du choc des civilisations qui est recyclée dans cet épisode génocidaire pour le justifier. Introduire le récit palestinien dans le discours européen est perçu par les dirigeants comme une attaque directe d’Israël. En ce sens ils participent de la thèse éradicatrice israélienne : du « eux ou nous ». Et ils montrent qu’ils ont fait leur choix.

Ce qui se joue pour ces gouvernements qui soutiennent activement le génocide accompli par des Israéliens juifs, c’est aussi un transfert de culpabilité certes, mais aussi un transfert de l’acte génocidaire lui-même qui révèle et renouvelle la présence du passé dans le présent. La structure génocidaire de l’Occident (et la liste est longue…) est immuable, seules les places changent… Ce qui convient à beaucoup de gens.

L’Europe et l’Occident en général ont une capacité sélective d’empathie, au sommet de laquelle se trouve celle des victimes européennes juives, mais beaucoup moins des Rroms par exemple, des migrants, parmi lesquels les États choisissent les bons et les dangereux selon une géopolitique qui leur convient.

Il faut examiner cette façon qu’a eu l’Europe de ne considérer que ses propres morts en effaçant systématiquement les massacres coloniaux qui parfois étaient commis en même temps : Charlotte Wiederman en parle dans un séminaire donné au forum Einstein en Allemagne à propos de son livre : « Comprendre la douleur des autres : sur la mémoire et la solidarité » où elle rappelle que l’Allemagne n’a pas un seul monument de commémoration pour le million de morts de sa colonisation, qu’au moment même de la révolte du ghetto de Varsovie, épisode très respecté en Allemagne d’aujourd’hui, 200 000 êtres humains étaient massacrés et affamés en Tanzanie que rien ne commémore aujourd’hui. Elle rappelle aussi qu’en 1947 au moment où était publiée la première édition du journal d’Anne Frank en Hollande, l’armée hollandaise annihilait toute la population masculine des villages indonésiens pour empêcher la rébellion et l’indépendance. Et jusqu’à ce jour, les veuves indonésiennes n’ont pas réussi à obtenir reconnaissance et réparation des autorités néerlandaises.

Une amie belge, fille de déportés, m’a dit son effroi en découvrant très tardivement que la Belgique au Congo avait assassiné dix millions d’êtres humains entre 1885 et 1905 … et sa remise en question de ce sur quoi elle avait grandi en Europe : l’unicité de la shoah, et aussi sa remise en question de l’échelle absolue qui plaçait le génocide juif en haut de la pyramide des morts.

Wiederman considère que la mémoire de l’holocauste n’a pas apporté un meilleur sens de l’égalité, au contraire, et trop souvent elle a contribué à dresser une hiérarchie entre les victimes. C’est ce qu’elle appelle « l’économie politique de l’empathie ». Elle précise : la question n’est pas de « réduire » la mémoire de l’holocauste pour faire de la place à la mémoire coloniale, ce n’est pas une question d’espace mais une question d’essence éthique et politique que nous tirons des crimes de masse et des génocides et sur le déséquilibre global de leurs reconnaissances. Elle considère qu’une des plus importantes leçons de l’holocauste est qu’il n’y a pas de vie humaine négligeable. Elle ajoute enfin que le sauvetage des réfugiés contre la noyade en mer est le meilleur exemple d’une nouvelle culture mémorielle bien conçue.

Pour nous Juifs d’ici, la question qui se pose est celle de l’usage de notre mémoire : il y a plusieurs façons de « porter » la mémoire du génocide juif, celle d’Israël et de l’Occident, qui en ont fait un événement unique, au-dessus de tous les autres, et qui relativise et  efface ces derniers, au bénéfice d’une justification du sionisme et de  tous ses actes, et il y a la mémoire de ceux, souvent  parmi nous qui vivons ici, qui disent : plus jamais ça pour quiconque. L’universalité de la mémoire est son seul intérêt.

Notre film montre à quoi conduit la déshumanisation la plus terrible. Et cela a forgé notre passé et notre présent a dit Jonathan Glazer lors de la cérémonie des Oscars pour son film « zone d’intérêt ».

Aujourd’hui, l’exemple de l’Afrique du Sud et de l’Irlande et de leurs interventions dans ce moment, font de ces pays des modèles de réflexion sur hier et aujourd’hui, et des modèles de résistance. Ce sont deux pays qui savent utiliser ce que leur a enseigné leur histoire, et mettent leur mémoire au service de causes semblables et universelles.

Le judaïsme est une histoire de transmission, transmission d’un savoir, d’une loi, c’est l’interprétation infinie et plurielle du texte, et la discussion du texte est un commandement. Son éthique ainsi que le rappelait le poète Avot Yeshurun, est celle de la compassion et la responsabilité de chacun envers autrui. Le sionisme efface tout cela et le remplace par un discours du maître indiscutable, parce qu’unifiant « contre l’ennemi ». Le sionisme qui à l’origine n’était pas religieux a utilisé la religion pour ses œuvres : le Messie c’est maintenant, le Messie c’est moi ! disait Ben Gourion. Il a transformé la culture et la religion en un nationalisme agressif et éradicateur qui n’a plus rien à voir avec le judaïsme. Ce qu’il a mis en place est un retour à la violence des origines, au paganisme d’avant le monothéisme : celle qui ensauvage le colon comme le colonisé, le retour au sacrifice humain – souvenons-nous du sacrifice d’Isaac, remplacé par un agneau -.  Le judaïsme et le monothéisme ont remplacé le sacrifice humain par le sacrifice animal. Ce à quoi nous assistons est le retour au sacrifice humain : le sacrifice aux dieux obscurs.  Sacrifice de centaines de milliers de Palestiniens, et même sacrifice des siens : c’est la première fois que l’on sacrifie des otages et qu’est assumé en Israël le viol d’un commandement majeur du judaïsme, le Pidion hashvouim, le rachat des prisonniers. Les religieux au pouvoir, sont des nationalistes fondamentalistes et leurs rabbins poussent au crime. Le sionisme a choisi la séparation des juifs du reste du monde, alors que pour les juifs de l’exil, c’est à dire nous, il s’agit de travailler pour la réparation du monde. Car ainsi que le formule l’historien Amnon Raz Krakotzkin dans son livre Exil et Souveraineté : « Dans le judaïsme traditionnel l’exil n’est pas la condition des seuls juifs, il qualifie la situation du monde en général. … l’exil se rapporte à une absence fondamentale, il désigne l’imperfection du monde et entretient l’espérance de son changement. Par essence le concept d’exil se rapporte au manque et s’oppose donc à toute tentative d’instaurer « l’histoire des vainqueurs » »

Jonathan Glazer toujours dans son discours aux Oscars a défini ainsi son travail : « Tous nos choix ont été fait pour nous faire réfléchir et réagir dans le présent ; pas pour dire : regardez ce qu’ils ont fait alors, mais regardez ce que nous faisons maintenant. »

On peut considérer que ce qui se passait dans « l’enveloppe de Gaza » (Otef Aza), la vie normale et banale qui se déroulait paisiblement dans les kibboutzim et les villages, la rave party qui s’y tenait au moment de l’attaque, on peut considérer que tout cela constitue véritablement une « zone d’intérêt ».  Qu’il ne puisse y avoir de remise en question de cette façon de vivre chez la majorité des Israéliens s’explique par la force du consensus social et l’effacement volontaire par l’État de toutes les coordonnées permettant de mettre en marche la pensée. Le discours du maître anticipe même les questions qui auraient pu se poser sur la guerre, et surtout sur les alternatives possibles pour un futur viable. Il impose de faire taire toutes les contradictions internes du sujet, ou collectives. D’ailleurs la censure est aujourd’hui massive et l’interdiction prochaine de la chaîne de télévision Al Jazeera vient d’être annoncée.

Ceci n’est pas sans évoquer la description des blancs de l’apartheid que fait Niel Roos sud-africain spécialiste de la culture blanche sud-africaine dans son livre White Apartheid culture : « Nés dans une société déjà ségréguée, les Blancs de l’époque de l’apartheid se sont maintenus dans les structures particulières de la société grâce à des privilèges matériels importants. Ils vivaient bien en montrant tout à la fois que leur vision du monde était façonnée par leur idéologie et leurs préjugés, mais aussi qu’ils partageaient le « secret public » en sachant ignorer les iniquités de l’apartheid. Ils ont également été soumis à l’ingénierie sociale, aux réformes et à la discipline conçues pour les garder dans leur classe, race, idéologie et culture considérées comme appropriées. »

Jonathan Glazer a conclu ainsi son discours :

« Aujourd’hui, nous nous tenons devant vous comme des hommes qui refusons que notre judéité et l’Holocauste soient détournés par une occupation qui a causé tant de souffrances pour tant d’innocents. Qu’il s’agisse des victimes du 7 octobre en Israël ou de celles des attaques incessantes qui se déroulent à Gaza, elles sont toutes des victimes de cette déshumanisation. »

Et il a posé la seule question qui vaille et qui se pose à nous tous maintenant :

Comment résistons-nous ?

 

Publié dans Articles de presse, Ressources, Textes | Commentaires fermés sur Intervention de Michèle Sibony au meeting juif international du 30 mars – Table 1 « Colonisé.es, colonisateurs : guerre génocidaire et décolonisation de la Palestine »

Gaza : bombarder et infliger une famine

  • Nnenna Awah : Gaza : bombarder et infliger une famine
  • Malgré la résolution de l’ONU exigeant un cessez-le-feu à Gaza, les bombardements israéliens se poursuivent
  • Gilbert Achcar : « L’hypocrisie de l’administration américaine et l’insolence israélienne »
  • Ordonnance du 28 mars 2024. Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud c. Israël)
  • Rory Carroll : L’Irlande soutient la demande d’inclusion du blocage de l’aide dans la définition du génocide
  • Harold Meyerson : Les réalistes marginaux de Standing Together
  • La Via campesina : Le 30 mars Journée de la terre en Palestine : Arrêtez le génocide contre les Palestinien·nes !
  • MRAP : 30 Mars : Journée de la Terre palestinienne
  • Un an après le pogrom de Huwarah : B’Tselem et Earshot dévoilent de nouvelles informations sur le meurtre de Sameh Aqtash
  • Liens avec d’autres textes

Gaza : bombarder et infliger une famine

Israël a interdit à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, l’UNRWA, d’accéder à la population du nord de la bande de Gaza, où l’on estime qu’une grande famine est imminente. Le pays a accusé le personnel de l’UNWRA d’avoir participé à l’attaque du Hamas du 7 octobre, mais il n’a fourni aucune preuve de cette implication et l’agence nie ces allégations [1].

Dans l’ensemble de l’enclave palestinienne, qui s’étend sur 360 km carrés, l’insécurité alimentaire est aujourd’hui très importante. Mais la situation est pire dans les gouvernorats de Gaza Nord et de Gaza, où la situation est évaluée au niveau le plus élevé de la norme internationale IPC5 (Integrated Food Security Phase Classification), qui représente la « catastrophe/famine ».

Ce niveau est défini comme « une zone où au moins 20% des ménages sont confrontés à un manque extrême de nourriture, où au moins 30% des enfants souffrent de malnutrition aiguë et où deux personnes sur 10 000 meurent chaque jour de faim pure et simple ou de l’interaction de la malnutrition et de la maladie ». [La famine est un processus qui se développe sur des mois, avec de plus des effets à long terme sur les populations frappées. Une fois la famine enclenchée, les livraisons ne stoppent pas de suite cette tragique dynamique. Donc, la temporalité est décisive. Ainsi le blocus des livraisons et la quasi-destruction de l’UNRWA relèvent d’une volonté d’infliger à la population de Gaza une famine, avec ses dynamiques – Réd.]

Les gouvernorats intermédiaires de Deir al-Balah et de Khan Younès, ainsi que Rafah dans le sud, sont actuellement classés dans la catégorie IPC4, ou « urgence ». Cela signifie que ces régions présentent d’importants déficits de consommation alimentaire, qui se traduisent par une malnutrition aiguë et une surmortalité très élevées.

Une catastrophe en cours
Le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) a été élaboré par les Nations unies en 2004 pour la Somalie. Elle est élaborée et mise en œuvre par un partenariat mondial de 10 organisations [2].

Elle permet aux organisations gouvernementales et non gouvernementales d’évaluer les situations à l’aide d’une mesure scientifique, ce qui permet aux décideurs de prendre des décisions éclairées rapidement et avec précision dans des situations d’extrême urgence, comme c’est le cas à Gaza en ce moment.

Selon le classement IPC le plus récent, publié le 18 mars et basé sur des données recueillies au cours du mois précédant le 15 mars, 677 000 personnes à Gaza relevaient de l’IPC5, c’est-à-dire dans une situation « catastrophique ». Quatre-vingt-sept mille autres personnes relevaient de l’IPC4, c’est-à-dire dans une situation « d’urgence ».

Quelque 578 000 personnes relevaient de l’IPC3 ou «crise» et 90 000 dans l’IPC2 ou «sous pression». Aucune personne à Gaza n’a été jugée en « sécurité alimentaire ».

Mais la situation s’aggrave de jour en jour. D’ici juillet, on prévoit que 1 107 000 personnes seront confrontées à une catastrophe de niveau IPC5, 854 000 personnes à une situation d’urgence de niveau IPC 4 et 265 000 personnes à une crise de niveau IPC3.

Outre le manque d’accès à une nourriture suffisante, la qualité des aliments disponibles est également une préoccupation majeure. La « faim cachée » [carence en micronutriments avec impact sur la croissance et le développement des enfants et adolescents] suscite de vives inquiétudes. Il s’agit du cas où, même lorsque les gens ont un certain accès à la nourriture, ils reçoivent une quantité insuffisante de nutriments essentiels.

Le rapport décrit en détail l’urgence de la situation nutritionnelle dans le nord de Gaza, où l’on estime qu’en janvier 2024, 98% des enfants ne consommeront que deux groupes alimentaires ou moins, à savoir le lait maternel et les œufs.

Le rapport a constaté que les légumineuses, les fruits et légumes riches en vitamine A, les autres légumes, les céréales, la viande et les produits laitiers avaient «presque complètement disparu du régime alimentaire quotidien» des enfants examinés.

Il convient de noter que 95% des femmes enceintes et allaitantes avaient elles-mêmes consommé deux groupes d’aliments ou moins le jour précédent. Un régime alimentaire équilibré est essentiel pour les femmes enceintes et allaitantes, car il a un impact direct sur leur santé, la croissance et le développement des enfants à naître et des nourrissons, le rétablissement post-partum et la qualité du lait maternel produit. [Voir sur la condition des femmes enceintes à Gaza l’article publié sur ce site le 22 mars.]

Si ces conditions sont les plus critiques dans le nord de Gaza, elles se retrouvent dans l’ensemble de la bande de Gaza avec une gravité variable.

L’effondrement des soins de santé
Les conséquences de ce manque d’aliments nutritifs se manifestent de plus en plus par une augmentation des problèmes de santé évitables, en particulier chez les enfants. Compte tenu de l’effondrement des services de soins dans la majeure partie de la bande de Gaza, le rapport indique qu’il n’a pas pu obtenir suffisamment d’informations sur la santé de la population pour « atteindre un échantillon minimum permettant d’exploiter les informations ».

Toutefois, l’Organisation mondiale de la santé a signalé une forte augmentation des cas de jaunisse aiguë, d’infections respiratoires aiguës, de diarrhée sanglante, de diarrhée, de méningites et de maladies de la peau. Les attaques contre les hôpitaux et les cliniques, telles que les sièges des hôpitaux Al-Amal et Nasser dans la ville de Khan Younès, au sud du pays, et l’attaque contre Al-Shifa au début du mois, ne feront qu’exacerber la situation. [Le 24 mars, les forces d’occupation occupaient à nouveau les hôpitaux Al-Shifa, Al-Amal et Nasser. – Réd.]

Le commissaire général de l’Unwra, Philippe Lazzarini, a qualifié de « scandaleuse » la suspension par Israël des livraisons d’aide dans le nord de la bande de Gaza et a déclaré qu’il s’agissait d’un plan intentionnel visant à «entraver l’assistance vitale pendant une famine créée par l’homme». [Voir texte de la déclaration ci-dessous.]

Que peut-on faire ?
Le comité d’examen de la famine de l’IPC (FRC-Famine Review Committee) estime qu’un cessez-le-feu est le seul moyen d’atténuer cette famine imminente. La fourniture de nourriture et d’aide médicale doit être augmentée de toute urgence.

Les attaques contre les hôpitaux et les installations sanitaires doivent cesser. Et toute initiative humanitaire doit garantir qu’en plus de la fourniture de l’aide, l’accès commercial à la nourriture et aux médicaments soit rétabli de toute urgence.

Il est également essentiel que les organisations humanitaires soient protégées et autorisées à recueillir des informations actualisées sur l’état de la crise, afin que les ressources puissent être affectées là où elles sont le plus nécessaires. Mais pour le moment il n’y a guère de signes en ce sens.

Nnenna Awah, Department of Food and Nutrition, Sheffield Hallam University.
Article publié sur le site The Conversation le 25 mars 2024 ; traduction rédaction A l’Encontre

*-*

Philippe Lazzarini, 24 mars
@UNLazzarini

# Gaza: à partir d’aujourd’hui, l’@UNRWA, la principale bouée de sauvetage pour les réfugiés palestiniens, n’est pas en mesure de fournir une assistance vitale au nord de la bande de Gaza.

Malgré la tragédie qui se déroule sous nos yeux, les autorités israéliennes ont informé l’ONU qu’elles n’approuveraient plus aucun convoi alimentaire de l’@UNRWA vers le nord.

C’est scandaleux et c’est intentionnel d’entraver l’aide à la survie pendant une famine provoquée par l’homme.

Ces restrictions doivent être levées.

L’UNRWA est l’organisation la plus importante et la plus proche des populations déplacées de Gaza.

En empêchant l’UNRWA de remplir son mandat à Gaza, le décompte s’accélérera vers la famine et de nombreuses personnes mourront de faim, de déshydratation et du manque d’abris.

Cela ne peut pas arriver, cela ne ferait que ternir notre humanité collective.

*-*

[1] Le porte-parole du gouvernement israélien, David Mencer, a déclaré aux journalistes lors du point de presse quotidien de lundi 25 mars: « L’UNRWA est une façade pour le Hamas. Ils font partie du problème. Ils perpétuent les conflits… Nous éliminons activement le recours à l’UNRWA parce qu’il perpétue le conflit plutôt que d’essayer de l’atténuer… C’est une faim orchestrée par le Hamas. Ce sont les images qu’ils créent. Ce sont les images qu’ils veulent que vous voyiez. »
Ainsi, la logique est poussée à bout : si l’UNRWA est une «façade du Hamas» et que le Hamas orchestre la famine, l’UNRWA est à l’origine de la famine.
D’autant plus que, selon David Mencer, « l’UNRWA est entachée de terrorisme. Leur objectif principal est de perpétuer le problème des réfugiés palestiniens. Leurs dirigeants diffusent des diffamations et l’organisation doit donc être dissoute. » In Le Monde juif vu par… les pro, 26 mars 2024, article de Hana Levi Julien. (Réd.)
[2] L’IPC est une initiative qui réunit un éventail d’organismes, dirigée à l’échelon mondial par dix partenaires: Action Contre la Faim (ACF), CARE International, le Comité permanent Inter-États de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel (CILSS), Le Réseau de systèmes d’alerte rapide sur les risques de famine (FEWSNET), l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Centre commun de recherche de la Commission européenne, OXFAM, Save the Children et le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies. (Réd.)

Nnenna Awah, Department of Food and Nutrition, Sheffield Hallam University.
http://alencontre.org/moyenorient/palestine/gaza-bombarder-et-infliger-une-famine.html

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Malgré la résolution de l’ONU exigeant un cessez-le-feu à Gaza, les bombardements israéliens se poursuivent

Alors que les bombardements meurtriers d’Israël continuent à Gaza, le Conseil de Sécurité de l’ONU a voté un texte exigeant un cessez-le-feu le 25 mars 2024.

Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté lundi 25 mars 2024 une résolution exigeant un cessez-le-feu immédiat pour le mois du ramadan, la libération immédiate et inconditionnelle des otages et « la nécessité urgente d’accroître le flux » de l’aide à Gaza. La résolution a été adoptée avec 14 voix, les États-Unis s’étant abstenus. Le résultat a été salué par une salve d’applaudissements dans la salle du Conseil.

Les États-Unis prévoyaient d’opposer leur veto si le texte ne mentionnait pas les otages. Le texte ne condamne pas explicitement le Hamas, comme le souhaitaient les États-Unis, mais « déplore » toutes les attaques contre des civils et « tous les actes de terrorisme », notant qu’il est illégal de prendre des otages en vertu du droit international.

Le texte exprime également sa profonde inquiétude « au sujet de la situation humanitaire catastrophique dans la bande de Gaza », appelant à davantage d’efforts pour augmenter l’aide et protéger les civils.

En réponse, Benjamin Netanyahou a annulé lundi le voyage prévu à Washington de ses principaux collaborateurs Ron Dermer et Tzahi Hanegbi. Dans un communiqué du bureau du Premier Ministre, Israël déclare que les États-Unis nuisent à l’effort de guerre et aux tentatives de libération des otages par cette décision et la qualifie de « recul manifeste par rapport à la position constante des États-Unis au sein du Conseil de sécurité depuis le début de la guerre » et de décision qui « donne au Hamas l’espoir que la pression internationale lui permettra d’obtenir un cessez-le-feu sans libérer nos otages ». Le Président des États-Unis, Joe Biden, a qualifié cette décision de « décevante ». Cette brèche dans le soutien infaillible, à toutes épreuve, et de longue date de Washington à Tel-Aviv, isole davantage Israël sur la scène internationale.

En présentant le nouveau projet de résolution au nom des 10 membres élus du Conseil, le Mozambique a fait valoir que l’adoption du texte constituerait un « nouveau jalon » sur lequel pourrait faire fond le Conseil afin de régler de façon globale la crise qui sévit à Gaza. La plupart des membres du Conseil ont acquiescé à l’issue du vote : la Slovénie a parlé d’un « jour à marquer d’une pierre blanche », la Suisse d’un « signe d’espoir », tandis que la République de Corée soulignait la « signification historique » du texte adopté. L’Algérie y a vu, pour sa part, « la première étape d’un processus visant à concrétiser les aspirations du peuple palestinien ».

Ce même jour, le 25 mars 2024, la Rapporteuse Spéciale des Territoires Palestiniens Occupés des Nations Unies, Francesca Albanese, a publié son rapport sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, intitulé « Anatomie d’un génocide « .

Albanese a présenté son rapport dans un corpus de 25 pages – englobant 75 d’occupation – dont en voici un extrait :

« Après cinq mois d’opérations militaires, Israël a détruit Gaza. Plus de 30 000 Palestiniens ont été tués, dont plus de 13 000 enfants. Plus de 12 000 sont présumés morts et 71 000 blessés, dont beaucoup ont subi des mutilations qui ont changé leur vie. Soixante-dix pour cent des zones résidentielles ont été détruites. Quatre-vingt pour cent de la population a été déplacée de force. Des milliers de familles ont perdu des êtres chers ou ont été anéanties. Beaucoup n’ont pas pu enterrer et pleurer leurs proches, contraints de laisser leurs corps en décomposition dans les maisons, dans la rue ou sous les décombres. Des milliers de personnes ont été détenues et systématiquement soumises à des traitements inhumains et dégradants. Le traumatisme collectif incalculable sera ressenti par les générations à venir. En analysant les schémas de violence et les politiques d’Israël dans son attaque contre Gaza, ce rapport conclut qu’il existe des motifs raisonnables de croire que le seuil indiquant qu’Israël a commis un génocide est atteint. L’une des principales conclusions est que les dirigeants et les soldats israéliens ont intentionnellement déformé les principes du jus in bello (droit de la guerre), subvertissant leurs fonctions protectrices, dans le but de légitimer la violence génocidaire à l’encontre du peuple palestinien. »

Alors qu’Israël a tué plus de 31 819 Palestiniens dans la bande de Gaza, dont au moins 12 300 enfants, et que la résolution – considérée comme contraignante – exigeant un cessez-le-feu à Gaza a été adoptée, Israël poursuit ses bombardements sur Gaza.

Au 172ème jour de l’agression israélienne sur Gaza, le 25 mars 2024, 3 hôpitaux de la bande ont subit des attaques d’Israël : un hôpital de Khan Younis, European Hospital et al-Amal Hospital. Israël intensifie également ses attaques contre la « zone de sécurité » de Rafah et tue plus de 30 personnes dans la seule journée du 25 mars, et menace d’une invasion terrestre d’une grande ampleur.

Au total au cours des dernières 24 heures, 107 Palestiniens ont été tués par Israël, et 176 autres ont été blessés.

22 000 Palestiniens déplacés subissent à une aggravation des conditions sanitaires et de traitement médical à l’Hôpital européen, l’un des derniers à être partiellement fonctionnels à Gaza, surpeuplé de patients en attente de soins critiques. Parallèlement, les forces israéliennes assiègent d’autres hôpitaux à Khan Younis, obligeant les patients gravement malades à évacuer les lieux, encerclés par les bombardements et la destruction. Enfin, les forces israéliennes ouvrent le feu sur le personnel médical contraint d’évacuer l’hôpital al-Amal dans un contexte d’attaques continues sur le site, laissant les patients dans un état critique, privés de supervision médicale.

Agence Média Palestine, le 26 mars 2024, mis à jour le 27 mars 2024
https://agencemediapalestine.fr/blog/2024/03/26/le-conseil-de-securite-de-lonu-adopte-une-resolution-exigeant-un-cessez-le-feu-a-gaza/

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« L’hypocrisie de l’administration américaine
et l’insolence israélienne »

Il est vraiment étonnant que Washington se soit abstenu lors du vote sur la résolution adoptée lundi 25 mars par le Conseil de sécurité de l’ONU [1]. Or, cette résolution est tout à fait cohérente avec la position américaine qui rejette l’appel à un cessez-le-feu permanent. Elle appelle seulement à « un cessez-le-feu immédiat pour le mois de Ramadan » (dont une bonne moitié est déjà écoulée [selon les pays, le mois de Ramadan se termine le 9 ou 10 avril], ajoutant en guise de vœu pieux que cela devrait « conduire à un cessez-le-feu durable » (la résolution n’utilise pas en anglais le terme « permanent », mais « lasting » (durable), qui n’équivaut pas à une cessation définitive). Les parties qui ont rédigé la résolution ont fait un effort particulier pour utiliser des expressions et des concepts qui puissent satisfaire Washington afin que le texte réconcilie la position américaine avec la position arabe. Ainsi, la résolution condamne « toutes les attaques contre les civils et les biens civils, ainsi que toutes les violences et hostilités contre les civils, et tous les actes de terrorisme » rappelant que « la prise d’otages est interdite par le droit international ».

La résolution était telle cette fois-ci que la Grande-Bretagne elle-même a pu voter pour elle, après s’être jusqu’à présent alignée sur la position américaine, n’osant la contredire qu’en s’abstenant une fois pendant que Washington utilisait son veto. Quant à la justification par l’administration américaine de son abstention de lundi en soulignant que la résolution ne nomme pas le « Hamas », c’est un prétexte tout à fait vain qui ne peut tromper personne, puisque la résolution ne nomme pas non plus Israël, même en parlant de la nécessité d’ouvrir la voie à l’aide internationale ! En effet, éviter les deux désignations directes constituait l’un des compromis sur lesquels repose la résolution. La vérité est que l’abstention de Washington visait à tenter d’apaiser le ressentiment de la partie israélienne afin que Washington ne donne pas l’impression de participer à un consensus du Conseil de sécurité de l’ONU sur une résolution qu’Israël rejette. Samedi dernier, le ministre des Affaires étrangères du Likoud-sioniste, Israel Katz, avait déjà accusé les Nations Unies d’être devenues, sous la direction de leur actuel secrétaire général Antonio Guterres, « un organisme antisémite et anti-israélien qui protège et encourage la terreur » ! Avec cela, la politique habituelle d’Israël consistant à qualifier d’antijuive toute critique de sa politique a atteint un nouveau niveau de décadence et de vulgarité.

Quant à l’administration du président américain Joe Biden, elle a atteint pour sa part un nouveau degré en matière d’hypocrisie. Elle continue à fournir à Israël armes et munitions, comme elle a commencé à le faire dès le début de la guerre sioniste génocidaire contre Gaza, de sorte qu’elle est devenue pleinement complice de l’assaut en cours, qui est de fait la première guerre entièrement conjointe entre les États-Unis et l’État sioniste. Tandis que Benjamin Netanyahu a annulé la visite à Washington d’une délégation conduite par l’un de ses conseillers en affaires stratégiques, le ministre de la « Défense » de son gouvernement, Yoav Galant, qui est bien sûr membre aussi du cabinet de guerre restreint formé au début de l’assaut actuel, est arrivé lundi à Washington. Sa visite est bien plus importante que celle qui a été annulée par Netanyahu. À son arrivée dans la capitale américaine, Gallant a déclaré que ses forces armées envahiront inévitablement Rafah. Il est venu consulter l’administration Biden sur la manière de préparer l’invasion de Rafah de sorte que les deux parties puissent prétendre avoir pris en compte les considérations humanitaires, devenues une question hautement sensible pour l’administration américaine [2].

Il va sans dire que cette sensibilité ne découle pas d’un quelconque attachement aux considérations humanitaires elles-mêmes. Comment pourrait-elle en découler d’ailleurs alors que Washington a pleinement participé au meurtre d’environ quarante mille personnes avec des dizaines de milliers de blessé.e.s, dont un pourcentage élevé de blessures graves [3] ; à la destruction de la bande de Gaza à un degré sans précédent dans l’histoire, au vu de l’ampleur des dégâts causés en quelques mois ; et au déplacement de la grande majorité de la population de la bande de Gaza vers la région de Rafa h? Les caisses d’aide alimentaire que Washington lâche du ciel sont des gesticulations qui sont loin de disculper l’administration américaine comme elle le souhaite, puisque tous les responsables de l’aide humanitaire internationale ont confirmé qu’il s’agissait d’un moyen coûteux et inefficace pour éliminer la famine meurtrière qui se propage parmi les Gazaoui.e.s. Ils pointent plutôt du doigt les milliers de camions alignés du côté égyptien de la frontière, dont Israël empêche l’entrée, alors qu’il suffirait à Washington de faire pression sur l’État sioniste en le menaçant sérieusement de cesser son soutien militaire afin de l’obliger à ouvrir les portes de l’aide par voie terrestre, seule voie véritablement capable de réduire la crise humanitaire et d’empêcher la propagation de la famine et son exacerbation.

Quant au port qu’ils construisent sur la côte de Gaza, il n’est pas non plus capable de résoudre la crise. De plus, on est tout à fait en droit de s’interroger sur la véritable intention qui se cache derrière, car cela pourrait être utilisé afin d’encourager les Gazaouis à émigrer si les portes du Sinaï leur restaient fermées. En effet, le gouvernement sioniste-fasciste a l’intention d’achever la deuxième Nakba en déracinant une fois de plus les Palestiniens de la terre de Palestine, cette fois de la bande de Gaza. Leur intention première était de les expulser vers le Sinaï, mais le rejet de cette perspective par le régime d’Abdel Fattah al-Sisi (pour des raisons de sécurité et non pour des raisons humanitaires, bien entendu) les a amenés à envisager de les expulser vers diverses parties du monde. Ils ont établi des contacts avec plusieurs pays dans ce but, selon le propre témoignage de Netanyahu.

Récemment, des voix se sont élevées en Israël pour suggérer de concentrer les habitants de Gaza dans un coin du désert du Néguev, à la frontière égyptienne, afin que l’État sioniste puisse annexer la bande de Gaza en tant que terre de plus grande valeur, notamment en raison de sa côte. Tout cela a inquiété Washington, qui l’a poussé à inviter Benny Gantz, membre du cabinet de guerre, opposant à Netanyahu et au gouvernement du Likoud, pour discuter de la question avec lui. Washington a également reçu Gallant, qui est lui aussi un opposant à Netanyahu, mais de l’intérieur du Likoud. L’administration américaine s’inquiète du projet d’expulsion, qui contredit sa position appelant à préserver le cadre d’Oslo et à faire en sorte que « l’Autorité palestinienne » supervise à nouveau la bande de Gaza, principalement sous tutelle israélienne, qui pourrait s’accompagner du déploiement de forces régionales ou internationales.

[1] Cette résolution a été proposée par les dix membres non permanents actuels du Conseil de sécurité: l’Algérie, l’Equateur, le Guyana, le Japon, Malte, le Mozambique, la Sierra Leone, la Slovénie, la Corée du Sud et la Suisse. (Réd. A l’Encontre)
[2] Selon Anshel Pfeffer, dans Haaretz du 24 mars, « le ministre de la Défense Yoav Gallant s’est rendu à Washington avec une mission principale : tenter d’accélérer la livraison de munitions fabriquées aux États-Unis dont les forces israéliennes ont un besoin urgent pour poursuivre la guerre contre le Hamas à Gaza et se préparer à une escalade avec le Hezbollah dans le nord du pays. » (Réd. A l’Encontre)
[3] Francesca Albanese – Special Rapporteur on the situation of human rights in the Palestinian territories occupied since 1967 – dans son rapport (sous la forme de Advance unedited version) du 25 mars qui a servi de base pour son intervention lors de la réunion du 26 mars à Genève du Comité des droits de l’homme, écrit au paragraphe 62 : « Néanmoins, les autorités israéliennes ont qualifié les églises, les mosquées, les écoles, les installations des Nations unies, les universités, les hôpitaux et les ambulances de liées au Hamas afin de renforcer la perception d’une population caractérisée comme largement “complice” et donc pouvant être tuée. Un nombre important de civils palestiniens sont définis comme des boucliers humains simplement parce qu’ils se trouvent “à proximité” de cibles israéliennes potentielles. Israël a ainsi transformé Gaza en un “monde sans civils” dans lequel “tout, de l’abri dans les hôpitaux à la fuite pour la sécurité, est déclaré comme une forme de bouclier humain”. L’accusation d’utilisation de boucliers humains est ainsi devenue un prétexte, justifiant le meurtre de civils sous le couvert d’une prétendue légalité, dont l’omniprésence n’admet qu’une intention génocidaire. » (Réd. A l’Encontre)

Gilbert Achcar
Ceci est la traduction de ma tribune hebdomadaire dans le quotidien de langue arabe, Al-Quds al-Arabi, basé à Londres. Cet article est paru le 26 mars en ligne et dans le numéro imprimé du 27 mars. La version française est publiée sur mon blog de Mediapart.

http://alencontre.org/ameriques/americnord/usa/israel-palestine-conseil-de-securite-de-lonu-lhypocrisie-de-ladministration-americaine-et-linsolence-israelienne.html
Onu, tra l’ipocrisia Usa e l’insolenza israeliana
https://andream94.wordpress.com/2024/03/29/onu-tra-lipocrisia-usa-e-linsolenza-israeliana/
La hipocresía de la Administración estadounidense y la insolencia de Israel
https://vientosur.info/la-hipocresia-de-la-administracion-estadounidense-y-la-insolencia-de-israel/

 

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Ordonnance du 28 mars 2024
Application de la convention pour la prévention et la répression
Du crime de génocide dans la bande de Gaza
(Afrique du Sud c. Israël)
Application of the convention on the prevention and punishment
Of the crime of genocide in the gaza strip
(South Africa v. Israel)

Télécharger le document : 192-20240328-ord-01-00-fr

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III. Conclusion et mesures à adopter

  1. La Cour conclut, à la lumière des considérations qui précèdent, que les circonstances de l’espèce exigent qu’elle modifie sa décision concernant les mesures conservatoires indiquées dans, son ordonnance du 26 janvier 2024.
  2. La Cour rappelle que, conformément au paragraphe 2 de l’article 75 de son Règlement, lorsqu’une demande en indication de mesures conservatoires lui est présentée, elle a le pouvoir, en vertu de son Statut, d’indiquer des mesures totalement ou partiellement différentes de celles qui sont sollicitées.
  3. En la présente espèce, ayant examiné le libellé des mesures conservatoires demandées par l’Afrique du Sud, ainsi que les circonstances de l’affaire, la Cour estime que les mesures à indiquer n’ont pas à être identiques à celles qui sont sollicitées.
  4. En ce qui concerne les mesures demandées par l’Afrique du Sud qui sont adressées à des États ou entités n’étant pas parties à la présente procédure, la Cour rappelle que

« l’arrêt rendu dans une affaire donnée par lequel [elle] peut reconnaître au demandeur ou au défendeur certains droits contestés n’est, en vertu de l’article 59 du Statut de la Cour, « obligatoire que pour les parties en litige » [et] que, par voie de conséquence, [elle] peut, pour la sauvegarde de ces droits, indiquer des mesures conservatoires à prendre par les parties, mais non par des États tiers ou d’autres entités alors que ceux-ci ne seraient pas tenus de reconnaître et respecter ces droits par application de l’arrêt qui sera en définitive rendu » (Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie (Serbie et Monténégro)), mesures conservatoires, ordonnance du 13 septembre 1993, C.I.J. Recueil 1993, p. 344, par. 40).

Il s’ensuit que la Cour ne peut, dans l’exercice de son pouvoir d’indiquer des mesures conservatoires en la présente affaire, indiquer les trois premières mesures sollicitées par la demanderesse (voir le paragraphe 11 ci-dessus).

  1. Conformément aux obligations lui incombant au titre de la convention sur le génocide, et au vu de la dégradation des conditions de vie auxquelles sont soumis les Palestiniens de Gaza, en particulier de la propagation de la famine et de l’inanition, Israël doit : a) prendre toutes les mesures nécessaires et effectives pour veiller sans délai, en étroite coopération avec l’ONU, à ce que soit assurée, sans restriction et à grande échelle, la fourniture par toutes les parties intéressées des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence, notamment la nourriture, l’eau, l’électricité, le combustible, les abris, les vêtements, les produits et installations d’hygiène et d’assainissement, ainsi que le matériel et les soins médicaux, aux Palestiniens de l’ensemble de la bande de Gaza, en particulier en accroissant la capacité et le nombre des points de passage terrestres et en maintenant ceux-ci ouverts aussi longtemps que nécessaire ; et b) veiller, avec effet immédiat, à ce que son armée ne commette pas d’actes constituant une violation de l’un quelconque des droits des Palestiniens de Gaza en tant que groupe protégé en vertu de la convention sur le génocide, y compris en empêchant, d’une quelconque façon, la livraison d’aide humanitaire requise de toute urgence.
  2. La Cour considère en outre que la situation catastrophique dans la bande de Gaza confirme la nécessité que soient immédiatement et effectivement mises en œuvre les mesures indiquées dans son ordonnance du 26 janvier 2024, qui sont applicables à l’ensemble de la bande de Gaza, y compris Rafah. Dans ces conditions, elle juge nécessaire de réaffirmer les mesures indiquées dans cette ordonnance.
  3. Au vu des mesures conservatoires spécifiques qu’elle a décidé d’indiquer, la Cour considère qu’Israël doit, dans un délai d’un mois à compter de la date de la présente ordonnance, lui soumettre un rapport sur l’ensemble des mesures qu’il aura prises pour donner effet à cette ordonnance. Le rapport ainsi soumis sera ensuite communiqué à l’Afrique du Sud, qui aura la possibilité de faire part à la Cour de ses observations à son sujet.
  4. La Cour rappelle que ses ordonnances indiquant des mesures conservatoires au titre de l’article 41 du Statut ont un caractère obligatoire et créent donc des obligations juridiques internationales pour toute partie à laquelle ces mesures sont adressées (Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Ukraine c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 16 mars 2022, C.I.J. Recueil 2022 (I), p. 230, par. 84).
  5. La Cour souligne que la présente ordonnance est sans préjudice de toute décision concernant le respect par le défendeur de son ordonnance du 26 janvier 2024.

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  1. Dans son ordonnance du 26 janvier 2024, la Cour s’est dite gravement préoccupée par le sort des personnes enlevées pendant l’attaque en Israël le 7 octobre 2023 et détenues depuis lors par le Hamas et d’autres groupes armés, et a appelé à la libération immédiate et inconditionnelle de ces otages. Elle estime qu’il est profondément inquiétant que nombre de ces otages demeurent en captivité et réitère son appel en faveur de leur libération immédiate et inconditionnelle.

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L’Irlande soutient la demande d’inclusion du blocage de l’aide dans la définition du génocide

Dublin s’associe à la plainte déposée par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice, estimant que l’arrêt de la livraison de biens de première nécessité peut constituer une « intention génocidaire ».

L’Irlande va tenter d’élargir la définition du génocide pour y inclure le blocage de l’aide humanitaire dans le cadre d’un cas historique contre Israël à la Cour internationale de justice (CIJ).

Le gouvernement irlandais interviendra dans l’affaire engagée par l’Afrique du Sud et soutiendra que la restriction de la nourriture et d’autres biens de première nécessité à Gaza peut constituer une intention génocidaire, a déclaré mercredi le ministre des Affaires étrangères, Micheál Martin.

« Nous pensons que c’est le cas, étant donné la façon dont cette guerre a été menée », a déclaré M. Martin au Guardian.

« Nous inviterons la Cour à examiner la question de l’élargissement de la détermination de l’existence ou non d’un génocide sur la base de la punition collective d’une population entière. »

C’est selon un mode d’action clairement identifiable que l’aide humanitaire a été entravée, entraînant des souffrances généralisées, a-t-il déclaré. « La moitié de la population de Gaza est confrontée à la famine et 100% à l’insécurité alimentaire. »

Les agences humanitaires affirment que seul un cinquième des biens nécessaires parvient à Gaza, alors qu’Israël poursuit son offensive aérienne et terrestre dans l’enclave à la suite des attaques du Hamas contre Israël en octobre dernier. Douze personnes se seraient noyées mardi en essayant de récupérer l’aide larguée par avion sur une plage.

  1. Martin a déclaré que les attaques du Hamas et ce qui se passe actuellement à Gaza constituent des violations flagrantes et à grande échelle du droit humanitaire international.

Dans une décision préliminaire rendue en janvier, le tribunal de l’ONU à La Haye a demandé à Israël d’empêcher le génocide, mais M. Martin, qui est également Tánaiste (vice-premier ministre) d’Irlande, a déclaré que depuis lors, l’aide humanitaire avait diminué de moitié, provoquant la famine. « Nous avons connu la famine, nous savons ce que cela représente dans notre psychisme. »

Plus tôt dans la journée de mercredi, le ministère des Affaires étrangères a annoncé que l’Irlande interviendrait dans l’affaire opposant l’Afrique du Sud à Israël en vertu de l’article 63 du statut de la CIJ. Cette annonce souligne l’image de Dublin comme l’un des États de l’UE les plus favorables aux Palestiniens.

En janvier, Dublin a annoncé qu’elle envisageait de déposer une déclaration d’intervention sur la base d’une analyse juridique de la convention sur le génocide et d’une consultation avec d’autres parties.

Ce processus est arrivé à son terme et Dublin a décidé d’intervenir, a déclaré M. Martin lors d’une interview.

Il se concentrera sur la définition du génocide et sur l’élargissement des critères sur la base desquels le génocide est déterminé, l’Irlande cherchant à remettre en question le seuil élevé fixé par les principaux États, a-t-il déclaré.

« Tout d’abord, il faut établir les responsabilités dans ce qui s’est passé à Gaza, mais ensuite, nous voulons influencer la conduite de la guerre à l’avenir. »

L’Irlande déposera son intervention après que l’Afrique du Sud aura déposé son mémoire devant la Cour, ce qui pourrait prendre plusieurs mois. M. Martin a indiqué que l’Irlande se mettrait en rapport avec ses partenaires, évoquant la possibilité que d’autres États soutiennent l’intervention.

Michael Becker, professeur de droit international des droits de l’homme au Trinity College de Dublin, qui a travaillé auparavant à la CIJ, a déclaré que la législation sur le génocide avait évolué de telle sorte qu’il était très difficile de prouver l’intention génocidaire, ce qui soulève des doutes quant à l’adéquation de la convention.

« L’Irlande pourrait chercher à faire comprendre à la Cour que l’intention génocidaire peut et doit être déduite de décisions politiques qui provoquent sciemment la famine », a-t-il déclaré.

« L’Irlande ou d’autres États intervenants pourraient aider la Cour en expliquant comment des violations systématiques du droit international humanitaire peuvent être pertinentes pour établir l’intention génocidaire. »

Rory Carroll
https://www.theguardian.com/world/2024/mar/27/gaza-ireland-joins-battle-to-include-the-blocking-of-vital-aid-in-definition-of-genocide
Traduit par MUV pour l’Aurdip
https://aurdip.org/lirlande-soutient-la-demande-dinclusion-du-blocage-de-laide-dans-la-definition-du-genocide/

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Les réalistes marginaux de Standing Together

Une trop rare organisation de Palestinien·nes et de Juifs et Juives israélien·nes œuvre en faveur d’une solution non fantaisiste au conflit qui perdure. Ce qui distingue Standing Together, c’est le réalisme qui sous-tend sa stratégie, même si ce réalisme est aujourd’hui politiquement marginal.

Le fait que la violence politique soit plus susceptible d’engendrer une violence politique compensatoire qu’une quelconque résolution acceptable par les deux parties est, ou devrait être, une loi de la physique politique. Celles et ceux qui l’ignorent ou l’écartent ont tendance à provoquer des catastrophes sur leur propre peuple, comme les Israélien·nes juifs et juives et les Palestinien·nes auraient dû l’apprendre depuis longtemps, mais ne l’ont tragiquement pas fait.

Comme l’a rapporté le Washington Post la semaine dernière, un récent sondage réalisé par l’Israel Democracy Institute auprès d’Israélien·nes juifs et juives et palestinien·nes montre que la plupart des Israélien·nes juifs/juives – 63% – sont favorables à la création d’un État palestinien indépendant et démilitarisé. Au total, 77% des Israélien·nes juifs/juives qui se décrivent comme étant « de gauche » soutiennent la création d’un tel État, mais la part des Israélien·nes juifs/juives qui se décrivent comme étant de gauche était tombée à des niveaux très bas avant même les attentats du 7 octobre.

Les moteurs de la politique actuelle des deux côtés du conflit sont les ultranationalistes : Le Hamas pour les Palestinien·nes, et les colons-über-alles du cabinet de Netanyahou pour les Israélien·nes, qui cherchent à chasser tous les Palestinien·nes de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Ces deux groupes envisagent un État ethniquement homogène de la rivière à la mer, même si cet objectif est effectivement impossible à atteindre. À une époque où les maximalistes violents combattent les maximalistes violents, la chose la plus difficile à trouver parmi les horreurs actuelles est une trace de réalisme.

Cette trace, cependant, a été présentée avec éloquence la semaine dernière lors d’un remarquable forum organisé par la Fédération américaine des enseignants (AFT). Deux jeunes Israélien·nes progressistes, l’une juifve l’autre palestinien, y ont plaidé en faveur d’un cessez-le-feu bilatéral et d’une solution à deux États. Sally Abed, Palestinienne israélienne récemment élue au conseil municipal de Haïfa, et Alon-Lee Green, qui a organisé et fondé le syndicat national des serveurs d’Israël, sont tous deux des dirigeant·es de Standing Together, une organisation de Palestinien·nes et de Juifs et Juives israéliennes qui œuvrent à la promotion de l’égalité et de la sécurité civiques, de la justice sociale et de la création d’un État palestinien.

Selon M. Abed, l’une des principales missions de Standing Together est de « détruire le mythe selon lequel la sécurité des Juifs et des Juives dépend de la répression militaire des Palestinien·nes ».

« Nous ne pouvons pas le faire en donnant des leçons [aux Israélien·nes juifs et juives] du point de vue de la supériorité morale », a déclaré M. Green. Si les Juifs/Juives d’Israël doivent soutenir l’égalité et un État palestinien, a déclaré Abed, « elles et ils doivent le faire parce qu’iels pensent que c’est dans leur propre intérêt ».

Il va sans dire que Green et Abed ont tous deux reçu des torrents d’injures de la part de leurs communautés respectives pour s’être vendu·es, pour avoir prêché « Kumbaya » alors que la guerre était nécessaire, pour avoir manqué du zèle présumé messianique que le moment exigeait.

En réalité, leur stratégie est ancrée dans une sobre analyse de gauche. « Israël est la puissance hégémonique dans la région, a déclaré M. Abed, et toute stratégie qui ignore cette réalité est vouée à l’échec ». « Il n’existe aucun moyen de résoudre ce conflit sans passer par la société israélienne », a ajouté M. Green. « Les pressions extérieures sont très importantes, mais la question clé est celle de la volonté politique des Israélien·nes. Il ne suffit pas de crier « votre vérité » pour changer la réalité. Pour changer cette réalité, il faut renforcer le pouvoir par le biais d’une coalition » englobant à la fois les Juifs/Juives et les Palestinien·nes (comme l’a fait, dans un domaine infiniment moins litigieux, M. Green en créant une union entre ces deux peuples différents).

Abed craint que le mouvement palestinien ne sombre dans une impuissance encore plus grande une fois le conflit actuel terminé. Pour le faire revivre, il faut « l’intégrer dans le camp progressiste israélien », ce qui n’est pas possible s’il se contente de défendre le nationalisme palestinien contre le nationalisme israélien. « Il faut que le mouvement palestinien soit stratégique », a-t-elle ajouté.

La présidente de l’AFT, Randi Weingarten, qui a organisé la session et a demandé à son syndicat de faire venir Abed et Green d’Israël pour visiter les États-Unis et rencontrer les membres du Conseil de sécurité nationale du président Biden, a qualifié les deux visiteurs/visiteuse de « héros ». Leur défense d’un programme et d’une stratégie qui ne pourraient être plus en contradiction avec ceux des apôtres de l’ultranationalisme qui dominent aujourd’hui le discours et la politique en Israël et en Palestine, ainsi qu’avec leurs partisans à l’étranger, les oppose à deux courants très puissants. Des fanatiques, tant au Moyen-Orient qu’en Occident, les ont condamné·es comme des « modéré·es », alors qu’elle et il sont tout sauf cela.

Ce qui différencie Standing Together de ces fanatiques, c’est le réalisme qui sous-tend leur stratégie, même si ce réalisme est aujourd’hui politiquement marginal. Les puissances hégémoniques ne peuvent être délogées par des fantasmes d’apocalypse ou des attaques terroristes que Lénine qualifiait de « désordre infantile ». Cela nécessite une véritable politique, un type de politique qui est étranger à Netanyahou, Mahmoud Abbas, au Hamas et à leurs partisans, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Cela nécessite la construction d’un mouvement binational, ce qui, au mieux, pourrait être la tâche d’une génération. Abed, Green et les dirigeants de Standing Together sont jeunes. Pour l’instant, ce sont des réalistes marginaux (et non magiques), qui travaillent à la construction d’une alternative au type de nationalistes dont parlait Yeats dans sa chronique des guerres civiles irlandaises,

Nous avions nourri le cœur de fantasmes,

Le cœur est devenu brutal à cause de la nourriture.

Harold Meyerson
Harold Meyerson est rédacteur en chef de The American Prospect
Lire l’article original sur Prospect.org.
https://portside.org/2024-03-28/marginal-realists-standing-together
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

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Le 30 mars Journée de la terre en Palestine :
Arrêtez le génocide contre les Palestinien·nes !

A l’occasion de la commémoration du Jour de la Terre Eternelle, le 30 mars, nous affirmons avec la plus grande force et la plus grande détermination : Arrêtez le génocide contre les Palestinien·nes !

En ce 30 mars, Journée de la Terre pour la Palestine, nous demandons sans équivoque l’arrêt immédiat du génocide perpétré par Israël contre le peuple palestinien. Alors que nous commémorons le 48e anniversaire de la Journée de la Terre Éternelle, nous nous tenons dans un souvenir solennel au milieu de la campagne brutale et continue d’annihilation menée par les forces d’occupation israéliennes. Cette offensive génocidaire ravage principalement la bande de Gaza, frappant sans pitié les civil·es, les maisons, les hôpitaux, les écoles, les lieux de culte et le cœur même des terres agricoles et des pêcheries qui assurent la subsistance des Palestinien·nes. Tous les aspects de la vie, toutes les sources de revenus et les piliers fondamentaux de l’infrastructure sociale sont directement attaqués. Aujourd’hui, alors que nous commémorons ce moment clé de la résistance palestinienne, nous sommes également confrontés à une attaque implacable contre l’existence du peuple palestinien. Plus de 32 000 Palestinien·nes ont été tué·es depuis le 7 octobre 2023. Plus de 78 000 personnes ont été blessées. Les femmes et les enfants sont les plus touchés, représentant environ deux tiers des personnes tuées et blessées.

L’ensemble de la population de Gaza est au bord de la famine en raison du blocus cruel imposé par Israël, qui restreint considérablement l’accès à la nourriture, à l’eau, à l’électricité et au carburant, et qui étouffe l’entrée de l’aide humanitaire. Malgré les protestations du monde entier et les arrêts provisoires de la Cour internationale de justice appelant à la fin de ce massacre et autorisant la libre entrée de l’aide humanitaire, Israël a au contraire intensifié sa guerre génocidaire flagrante. Plusieurs organisations et experts des Nations unies ont récemment tiré la sonnette d’alarme sur la détérioration rapide de la situation alimentaire dans la bande de Gaza. Selon la classification intégrée des phases de la sécurité alimentaire (IPC), le nord de Gaza et les gouvernorats de Gaza sont classés en phase 5 de l’IPC (famine) avec des preuves substantielles, et environ 70% (environ 210 000 personnes) de la population est confrontée à la phase 5 de l’IPC (catastrophe).

Le blocus de Gaza imposé depuis 2008 par l’État colonisateur israélien témoigne de son arrogance et de son impunité débridées, qui ont conduit à la mort de dizaines de milliers d’enfants, de femmes, de personnes âgées et d’hommes lors de bombardements aveugles dans toute la bande de Gaza, en utilisant des armes internationales interdites telles que le phosphore, ainsi que d’autres outils de guerre, tant sur terre que dans les airs. Tout cela s’est produit au vu et au su de la communauté internationale, avec la complicité des riches pays occidentaux, emmenés par les États-Unis, qui continuent de se contenter d’un soutien de pure forme à l’initiative de paix tout en fournissant à l’occupation israélienne des bombes et des armes qui lui permettent de tuer de plus en plus de Palestinien·nes.

Nous condamnons fermement le soutien continu de l’administration américaine à l’occupation israélienne en lui fournissant tous types d’armes et de soutien, facilitant ainsi la guerre génocidaire en cours contre Gaza. Nous considérons que les États-Unis sont complices de ce génocide et qu’ils portent la responsabilité de protéger les efforts de colonisation israéliens qui persistent à tuer, à détruire et à commettre des crimes odieux contre l’humanité. En outre, le fait que les États-Unis protègent Israël de toute responsabilité et de toute sanction pour chaque crime commis souligne le rôle qu’ils jouent dans le maintien de cette injustice. Depuis sa création en 1976, la Journée de la Terre est un symbole puissant de la résistance palestinienne contre l’expansion et l’oppression coloniales. Issue de la première confrontation de 1976 et alimentée par les luttes en cours depuis 1948, avec une escalade après 1967, l’appropriation par Israël de millions de dunums de terres palestiniennes illustre de manière frappante ses ambitions d’expansion des colonies, en violation directe du droit international et de la résolution 2334 du Conseil de sécurité des Nations unies. Les déplacements et la dépossession dont sont victimes les Palestinien·nes ne portent pas seulement atteinte à leur souveraineté et à leur droit au retour, mais menacent également leurs aspirations à la souveraineté alimentaire et à la justice sociale sur leur propre terre. Avec plus de 2 380 000 dunums saisis depuis 1967, dans le but de porter le nombre de colons juifs à un million d’ici 2030 en Cisjordanie et dans la zone C, l’expansion incessante des colonies israéliennes et l’annexion illégale de terres après les accords d’Oslo témoignent d’un mépris flagrant pour l’autodétermination des Palestinien·nes. Aujourd’hui, le dépeuplement agressif du nord de Gaza, forçant plus d’un million de personnes à se réfugier dans les limites étroites de Rafah, illustre les conséquences désastreuses de ces politiques, sapant le rêve palestinien de récupérer leurs territoires historiques et d’établir un État souverain.

En commémorant la Journée de la Terre, nous rappelons au monde entier les souffrances du peuple de Palestine sous l’occupation et, aujourd’hui, le génocide sans précédent en cours contre les Palestinien·nes.

Nous appelons les peuples et les pays du monde à faire preuve d’une solidarité réelle et active avec le peuple palestinien. Nous dénonçons les crimes contre l’humanité perpétrés à leur encontre. Nous appelons donc tous les peuples à exiger activement la levée immédiate du blocus brutal et à mettre fin au génocide en cours. Le blocus a pour objectif stratégique d’infliger des dommages à un plus grand nombre de Palestinien·nes en les affamant et en les appauvrissant, en détruisant leur économie et en fragmentant leur structure sociale et politique. Par conséquent, l’un des moyens les plus efficaces de manifester sa solidarité et son soutien au peuple palestinien est le boycott économique, en refusant d’acheter des produits, y compris des produits agricoles, à la puissance occupante.

Le 30 mars, tenons-nous unis aux Palestinien·nes dans leur lutte pour le droit à la terre et la création d’un État indépendant. Depuis 75 ans, le monde est témoin de la répression brutale des Palestinien·nes par les forces israéliennes .La Via Campesina, aux côtés de notre estimé membre UAWC, en appelle de toute urgence aux Nations Unies et à tous ceux et celles dédié·es à la paix et à la justice pour dénoncer vigoureusement et rejeter les actes continus de génocide par Israël, son utilisation de la famine comme arme, et pour demander l’arrêt immédiat des expulsions forcées, de la destruction des foyers et de la construction de colonies illégales en Palestine occupée. Nous affirmons que les droits des Palestinien·nes sont en fait des droits de l’homme.

Le 13 avril, Nous intensifierons notre mobilisation mondiale contre ce génocide et notre campagne pour #StopGazaStarvation. Alors que nous faisons face à une crise où toute une population entière est au bord de la famine, nous exhortons les gens du monde entier à s’engager dans une JOURNÉE MONDIALE DE JEÛNE en signe de solidarité avec la population de Gaza. Nous encourageons la donation de fonds, habituellement alloués à l’alimentation, à notre fonds d’urgence contre la famine dirigé par UAWC ou à d’autres organisations luttant activement contre l’utilisation stratégique de la famine par Israël en tant que génocide et fournissant une aide alimentaire directe à la population de Gaza.

En outre, le 16 avril, nous organisons un webinaire public sur le droit à l’alimentation et à l’autodétermination de la Palestine afin d’éclairer davantage ces questions cruciales et de mobiliser le soutien à la cause palestinienne.

https://viacampesina.org/fr/le-30-mars-journee-de-la-terre-en-palestine-arretez-le-genocide-contre-les-palestinien·nes/
This March 30th, the Land Day in Palestine: Stop the Genocide against Palestinians!
https://viacampesina.org/en/this-march-30-the-land-day-in-palestine-stop-the-genocide-against-palestinians/
El 30 de marzo, en la Conmemoración del Día de la Tierra en Palestina, ¡Alto al genocidio contra el pueblo palestino!
https://viacampesina.org/es/el-30-de-marzo-en-la-conmemoracion-del-dia-de-la-tierra-palestina-alto-al-genocidio-contra-el-pueblo-palestino/

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30 Mars : Journée de la Terre palestinienne

Face au risque de génocide à Gaza, cessez-le-feu immédiat ! Sanctions contre l’état israélien !

Le 30 mars est chaque année une journée particulière en Palestine : c’est « la Journée de la Terre » commémorée depuis le 30 mars 1976. Cette année-là, la police israélienne tire sur des Palestiniens qui manifestaient contre la confiscation de leurs terres.

Le 30 mars est devenu pour tous les Palestiniens et Palestiniennes dans le monde la « Journée de la Terre ».

Cette année, nous commémorerons son 48ᵉ anniversaire qui prend évidemment un caractère particulier dans le contexte que nous connaissons et que la CIJ caractérise de « risque de génocide ».

Nous exigeons que le pouvoir israélien applique les résolutions de l’ONU, les décisions de la CJI qui imposent à Israël d’arrêter ses opérations assassines à Gaza et en Cisjordanie (où colons et soldats tuent chaque jour, pendant que tous les yeux sont tournés vers Gaza).

Nous nous félicitons que le Conseil de Sécurité de l’ONU appelle à un cessez le feu. Netanyahou doit s’y conformer !

Le risque aujourd’hui est que, plus encore que les bombes, la famine et le manque de soin tuent demain encore plus de civils, d’enfants, de femmes ou de vieillards à Gaza.

Il faut que l’exigence du rétablissement de l’aide humanitaire, de l’arrivée de l’eau, des médicaments soit accompagnée de mesures contraignantes : si le gouvernement d’extrême-droite de B. Netanyahou ne veut pas s’y plier, alors des sanctions fortes doivent être mises en place.

D’ores et déjà, la France doit cesser toute coopération militaire et sécuritaire et doit exiger de l’UE interdiction de livraison d’armes vers l’État d’Israël). Le parlement canadien l’a voté, le gouvernement français doit le faire.

Nous exigeons :
• Le cessez-le-feu immédiat et permanent
• Le retrait complet des forces israéliennes de Gaza et de Cisjordanie
• L’entrée sans restriction de l’aide humanitaire et le rétablissement du financement de l’UNRWA
• La libération de tous les prisonniers politiques palestiniens
• La libération des otages israéliens détenu·e·s par le Hamas
• L’arrêt immédiat de la vente à Israël d’armes par des États de l’U.E. et la fin de toute coopération militaire et sécuritaire avec cet État

Pour contraindre le pouvoir israélien à respecter le droit international, il faut que des sanctions à son encontre soient mises en place par la France, par l’U.E. par l’ONU.

En Europe, il faut suspendre l’accord d’association Israël-U.E. tant que le gouvernement israélien ne se conforme pas au droit international.

La France et l’U.E. doivent reconnaître immédiatement l’État de Palestine, sur ses frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale, au coté de l’État israélien, seul cadre, conforme aux résolutions de l’ONU, permettant, une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens.

Nous appelons à manifester, se rassembler pour la « Journée de la Terre » partout en France sur les bases de cet appel.

À Paris, nous appelons à une manifestation samedi 30 mars à 14h place de la République.

Organisations du Collectif National signant cet appel :
MRAP, UAVJ, Mouvement de la Paix, SNES-FSU, PCF.
Avec le Soutien de la Ligue des Droits de l’Homme.

https://mrap.fr/30-mars-journee-de-la-terre-palestinienne.html

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Un an après le pogrom de Huwarah :
B’Tselem et Earshot dévoilent de nouvelles informations
sur le meurtre de Sameh Aqtash

Le dimanche 26 février 2023, vers midi, un Palestinien armé a tiré sur les frères israéliens Hillel et Yagel Yaniv de la colonie de Har Bracha, alors qu’ils circulaient sur une route traversant la ville de Huwarah. Peu après, des colons ont commencé à attaquer les communautés palestiniennes de la région.

Les habitant·es de Za’tara ont rapidement fermé la porte du village et éteint les lumières, après que des colons ont publié sur les médias sociaux des appels à se rassembler à l’intersection voisine. Une trentaine de jeunes hommes du village se sont rassemblés à environ 200 mètres de la porte. Vers 19h30, ils ont vu des dizaines de colons se diriger vers la ville de Huwarah sur la route 60. Environ une demi-heure plus tard, des colons ont avancé sur le chemin de terre menant à Za’tara et se sont posté·es devant la porte. Des habitant·es sont sorti·es du village et leur ont jeté des pierres pour tenter de les repousser et de protéger le village. Les colons se sont retirés vers la route principale.

Les colons ont continué à arriver dans la région, leur nombre augmentant progressivement pour atteindre environ 100. Des soldats israéliens, des officiers de police et un chef de la sécurité de la colonie sont également arrivés, s’arrêtant tous sur la route principale, à environ 50 mètres de la porte.

À 20h40, une trentaine de colons se sont dirigés vers la porte en empruntant le chemin de terre, tout en lançant des pierres. Les soldats et les policiers sont restés sur la route principale et n’ont pas essayé de les empêcher de s’approcher des Palestinien·nes, qui se tenaient derrière le portail. Certains jeunes hommes sont à nouveau sortis du village en direction des colons et leur ont jeté des pierres. Plusieurs habitant·es, dont Sameh Aqtash, 36 ans, leur ont demandé de rentrer.

À 20h42, les jeunes hommes et les habitant·es ont essuyé des tirs massifs, tirés à la fois par les forces israéliennes stationnées sur la route principale et par les colons installés sur le chemin de terre, dont certains n’étaient qu’à environ 25 mètres des jeunes hommes. L’une des balles a atteint Sameh Aqtash, qui se tenait près de la porte, le blessant grièvement. Une enquête menée par B’Tselem, en collaboration avec l’organisation de recherche audio Earshot, a révélé qu’Aqtash a très probablement été abattu depuis un endroit situé près de la porte du village par une arme de petit calibre qui n’est généralement pas utilisée par l’armée israélienne. Des témoins oculaires ont confirmé que seuls des colons se trouvaient à cet endroit et qu’ils avaient été vus en train de tirer avec des armes de poing. Sur la base de ces éléments, nous estimons qu’il est très probable qu’Aqtash ait été tué par un colon, qui a tiré au vu et au su des forces israéliennes.

Après l’assassinat d’Aqtash, d’autres soldats et policiers sont arrivés et ont tiré plus de 15 grenades lacrymogènes sur le village.

L’armée et la police n’ont pas empêché l’attaque. Au contraire, leurs forces ont regardé les colons jeter des pierres et se sont ensuite jointes à eux pour tirer sur les Palestinien·nes. L’incident, tel que nous l’avons examiné et présenté ici, démontre clairement la politique israélienne en Cisjordanie qui consiste à permettre, soutenir et même encourager la violence des colons contre les Palestiniens, qui sont laissés sans défense.

Salma a-Deb’i, chercheuse de terrain de B’Tselem, a recueilli des témoignages d’habitants de Za’tara.
Ayman Aqtash, 49 ans, marié et père d’un enfant, cousin de Sameh Aqtash, originaire de Za’tara, a déclaré le 9 mars 2023 :
Le dimanche 26 février 2023, vers 17h30, je me suis rendu avec d’autres habitants du village pour me rassembler derrière la porte du village, afin de repousser une attaque de colons à laquelle nous nous attendions. C’était après que des colons aient été tués à Huwarah, et nous savions qu’une manifestation de colons dans la région était prévue pour 18 heures. Nous avons éteint les lampadaires et fermé la porte qui mène au village. Nous avons vu les colons marcher vers Huwarah. Des jeeps circulaient sur la route.

Vers 20 heures, nous avons vu des colons s’approcher de la porte par le chemin de terre. Je craignais qu’ils n’aient l’intention de mettre le feu à une grue qui était garée juste à l’extérieur du village, près de la porte. Nous avons frappé sur les tiges de fer de la clôture barbelée pour leur faire comprendre que nous les voyions, dans l’espoir qu’ils s’en aillent. Quelques jeunes hommes qui sortaient de la barrière ont jeté des pierres et les colons ont un peu reculé mais sont restés sur le chemin de terre. J’ai appelé le maire de Beita pour lui raconter ce qui se passait, et il a contacté l’officier de liaison palestinien. Au bout d’une quinzaine de minutes, il m’a dit que l’armée avait informé le DCO et qu’elle enverrait des gardes pour empêcher les colons de nous attaquer.

Environ une demi-heure plus tard, il y avait déjà plus de 50 colons sur la route à l’extérieur de la porte du village. Un garde de la colonie est alors arrivé en voiture et a braqué un projecteur dans notre direction. Il nous a appelé par haut-parleur à rentrer chez nous. Mon cousin, Sameh Aqtash, 36 ans, a répondu que nous étions à la maison et lui a dit de prendre les colons et de partir, parce que nous ne voulions pas d’ennuis. Le garde de la colonie n’a pas répondu.

Deux jeeps de l’armée israélienne sont alors arrivées et se sont arrêtées sur la route principale. Six ou sept soldats se tenaient sur la route et le garde de la colonie était avec eux. Entre-temps, des habitants du village de Beita, qui avaient entendu dire que les colons nous attaquaient, sont arrivés. Les colons ont crié « mort aux Arabes » en hébreu et nous ont injuriés. Ils se sont de nouveau avancés vers nous sur le chemin de terre, en jetant des pierres, sans qu’aucun soldat ou garde de la colonie n’essaie de les arrêter. Les jeunes voulaient avancer vers eux et nous, y compris Sameh, avons essayé de les en empêcher. Quelques gars sont tout de même sortis du portail et ont commencé à jeter des pierres sur les colons, et nous avons immédiatement entendu des tirs massifs – d’armes automatiques et d’armes de poing, à en juger par les bruits.

C’était dangereux. Je suis rentré chez moi pour emmener mon père, Rizqallah, 83 ans, dans la maison de son cousin, qui est plus éloignée de l’entrée du village et donc plus sûre. J’ai alors entendu des jeunes gens crier que quelqu’un avait été blessé, alors je suis retourné à l’entrée du village et j’ai apporté une trousse de premiers secours. À ce moment-là, les jeunes ont amené le blessé et l’ont mis dans une voiture, et j’ai vu qu’il s’agissait de Sameh. Il n’était pas seulement un cousin pour moi, mais plutôt un frère. C’était une personne merveilleuse.

Je suis immédiatement rentré chez moi pour emmener ma tante, ‘Aishah Mahmoud Aqtash, 95 ans, paralysée à la suite d’un accident vasculaire cérébral, dans une maison plus éloignée. Je l’ai installée sur une chaise pour la faire sortir, puis les soldats ont tiré environ cinq grenades lacrymogènes sur notre porte d’entrée. Je les ai entendues cogner contre la porte. D’autres grenades ont été tirées sur la place du village. J’ai ramené ma tante dans sa chambre et j’ai essayé de boucher toutes les ouvertures avec du tissu pour empêcher les gaz lacrymogènes d’entrer, mais ils sont entrés quand même. Elle était essoufflée par l’inhalation du gaz, alors je lui ai mis un masque à oxygène. De la fenêtre, j’ai vu que les jeunes s’étaient déjà retirés dans le village. Je suis resté à la maison pour veiller sur ma tante.

J’étais en contact avec l’un des ambulanciers et il m’a dit plus tard que Sameh était arrivée morte au centre de traumatologie de Huwarah. Cette terrible nouvelle m’a choquée. Il ne m’était jamais venu à l’esprit qu’une telle chose puisse arriver, même si nous avions peur de subir le même sort que Huwarah, que nous avons vu partir en flammes. Nous avons été épargnés par l’incendie, mais nous avons perdu l’un des villageois.

Fadi Aqtash, 28 ans, marié et père d’un enfant, a déclaré dans son témoignage du 1er mars :
Le dimanche 26 février 2023, vers 18 heures, je suis allé avec mes frères et mes cousins à l’entrée du village menant à la route 60, à environ 300 mètres du poste de contrôle militaire de Za’tara, pour empêcher les colons de faire une incursion dans le village. Nous avons vu sur les médias sociaux que les colons prévoyaient de protester contre l’assassinat de colons à Huwarah ce jour-là au poste de contrôle de Za’tara. Nous avons fermé la porte du village et nous sommes restés à l’intérieur. Nous étions une trentaine de jeunes sur une centaine d’habitants du village. Nous avons vu les colons marcher sur la route en direction de Huwarah et nous avons éteint les lumières pour ne pas attirer leur attention.

Vers 20 heures, nous avons vu un groupe de colons rassemblés sur le chemin de terre menant à la porte du village. Il était clair que quelque chose allait se passer. Mon oncle, Sameh Aqtash, m’a dit que tout irait bien et qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. Un peu plus tard, sept ou huit colons se sont avancés vers nous sur le chemin de terre. Je pense qu’ils ne nous ont pas vus à cause de l’obscurité. Ils portaient des sacs à dos et tenaient des gourdins et des pierres. Nous leur avons crié de partir, mais ils sont restés à l’embranchement de la route vers le chemin de terre.

Au bout de 20 ou 30 minutes, le garde d’une colonie voisine que nous voyons toujours dans la région est arrivé dans une camionnette. Une jeep militaire est également arrivée. Les gardes de la colonie sont sortis et ont avancé à pied avec les colons, rejoints par d’autres colons qui passaient sur la route en direction de Huwarah. Les soldats nous ont ordonné à plusieurs reprises de rentrer chez nous, et les jeunes qui se trouvaient devant la porte ont jeté des pierres. La situation est devenue très dangereuse. Oncle Sameh a demandé aux jeunes de rentrer dans le village, mais à ce moment-là, les gardes de la colonie et d’autres colons ont commencé à tirer. Les soldats qui se trouvaient sur la route ont également tiré, mais je regardais les colons à ce moment-là. Nous nous sommes tous couchés sur le sol pour éviter d’être blessés.

Les tirs étaient très nourris. L’armée et les colons ont tous deux tiré. Environ cinq colons ont tiré avec des armes de poing et le garde de la colonie a tiré avec une arme longue.

Soudain, j’ai entendu quelqu’un dire : « Ouvrez, ouvrez, ambulance ! » Nous avons transféré le blessé dans une voiture. Mon cousin Yazan Aqtash, 23 ans, qui est ambulancier, était avec nous. Il a dit qu’il avait été touché à l’estomac et que son état était grave. Je ne savais pas encore de qui il s’agissait. Ce n’est qu’après son évacuation en voiture que l’on m’a dit qu’il s’agissait de mon oncle Sameh.

Pendant ce temps, l’armée s’est avancée vers nous, tirant des grenades lacrymogènes jusqu’à ce que nous reculions. J’ai couru à la maison et j’ai aidé mes proches qui suffoquaient. Nous avons dû faire venir une ambulance pour Aishah Aqtash, qui a plus de quatre-vingt-dix ans. Entre-temps, il semble que l’armée ait chassé les colons après que mon oncle ait été blessé.

Vers 21 heures, on nous a dit que mon oncle Sameh avait succombé à ses blessures à la suite d’une hémorragie interne. Son corps a été ramené au village et nous l’avons enterré ici, dans le cimetière.

Yazan Aqtash, 23 ans, marié et résidant à Beita, a déclaré dans son témoignage du 1er mars :
Je suis secouriste bénévole auprès de la Palestinian Medical Relief Society. Le dimanche 26 février 2023, vers 20 heures, je suis arrivé à Za’tara, après que mes cousins m’ont appelé pour me dire que des colons se rassemblaient à l’entrée du village. J’ai revêtu mon uniforme d’ambulancier et j’ai apporté une trousse de premiers secours. Lorsque je suis arrivé, j’ai vu des habitants de Za’tara debout à la porte, et 40 à 50 colons à l’intersection.

Au bout de 20 à 30 minutes, un garde de la colonie que tout le monde connaît est arrivé dans une camionnette. Une jeep militaire est également arrivée, puis trois autres jeeps militaires. Plusieurs soldats sont descendus de la première jeep. Le garde de la colonie et un groupe de colons se sont dirigés vers nous sur le chemin de terre. Nous avons vu les colons ramasser des pierres et les lancer dans notre direction. Les jeunes gens leur ont répondu par des pierres.

Soudain, j’ai entendu des tirs massifs. Je ne savais pas qui tirait, parce qu’à ce moment-là, je regardais les membres de ma famille et mes amis. J’ai vu Sheikh Sameh essayer de ramener les jeunes hommes dans le village, pour qu’ils ne soient pas blessés. J’ai entendu un cri disant que quelqu’un avait été touché et je me suis retourné. C’était Sheikh Sameh. Il était à terre. Les gars ont essayé de le ramasser. Je leur ai demandé de l’allonger pour que je puisse voir où il était blessé. J’ai découvert son ventre et j’ai vu un trou de balle sur le côté droit. Il s’agissait manifestement d’une blessure grave, car il n’y avait pas d’hémorragie externe, ce qui signifiait qu’il y avait une hémorragie interne.

Nous l’avons transféré dans la jeep 4×4 de quelqu’un, car il était impossible de rouler sur la route principale, les colons étant disséminés sur tout le territoire. J’étais en contact avec le Croissant Rouge et ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient pas venir à cause des attaques des colons. Je suis montée dans la jeep avec Sameh. Nous avons emprunté une route de terre sur laquelle se trouve un monticule de terre, placé par l’armée pour couper Za’tara de Beita. Nous avons dû porter Sameh à pied sur environ 70 mètres jusqu’à un autre véhicule, et de là, nous l’avons emmené au centre de premiers secours de Beita.

En chemin, je lui ai parlé et il m’a à peine répondu. Il m’a dit qu’il suffoquait et qu’il avait besoin d’oxygène. En tant qu’ambulancier, c’était la chose la plus difficile pour moi, car je ne pouvais pas l’aider. Je suis secouriste de terrain et je n’ai pas de bouteille d’oxygène. Il m’a demandé d’ouvrir la fenêtre de la voiture, ce que j’ai fait. J’ai essayé de le calmer. De Beita, ils ont emmené Sameh en ambulance au centre de Huwarah et je l’ai accompagné. En chemin, il a cessé de parler et a perdu connaissance. Son pouls est devenu très faible. On lui a fait un massage cardiaque, mais cela n’a servi à rien. À Huwarah, les médecins ont poursuivi la réanimation, mais il est mort.

C’était très dur, car nous étions cousins. En tant qu’ambulancier, je me sens responsable et je fais tout ce que je peux pour sauver la vie des gens. Malheureusement, comme il n’y avait pas d’ambulance et que nous n’avons pas pu l’emmener assez vite dans un centre médical, il n’a pas pu être sauvé. C’était une personne qui aimait aider et qui allait toujours aider les gens en cas de besoin, qu’il s’agisse d’une tempête, de COVID ou de quoi que ce soit d’autre. Il aidait toujours avec le sourire. Il est revenu de Turquie il y a seulement quatre jours. Il y est allé pendant deux semaines pour aider à secourir les victimes du tremblement de terre. Nous avons perdu un être humain merveilleux. Il a laissé un grand vide parmi les habitants de Beita et de Za’tara.

https://www.btselem.org/video/202403_a_year_after_huwarah_pogrom_btselem_and_earshot_uncover_new_findings_on_killing_of_sameh_aqtash#full
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

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Les liaisons dangereuses de l’industrie française de l’armement avec Israël
Depuis le début de l’offensive à Gaza, les livraisons d’armes occidentales à Israël sont dans le viseur du mouvement de soutien à la Palestine. Que sait-on des liens entre les industriels français et le complexe militaro-industriel israélien ?
https://multinationales.org/fr/actualites/les-liaisons-dangereuses-de-l-industrie-francaise-de-l-armement-avec-israel
Guerre à Gaza : la France a fourni en secret des équipements de mitrailleuses à Israël
https://disclose.ngo/fr/article/guerre-a-gaza-la-france-equipe-en-secret-des-mitrailleuses-utilisees-par-larmee-israelienne
« L’enfer sur Terre » : entretien avec un médecin canadien en mission médicale à Gaza
https://agencemediapalestine.fr/blog/2024/03/27/lenfer-sur-terre-entretien-avec-un-medecin-canadien-en-mission-medicale-a-gaza/
Affrontements, morts, démolitions, attaques de colons : point sur la situation du 1er au 18 mars 2024 en Cisjordanie occupée
https://agencemediapalestine.fr/blog/2024/03/27/affrontements-morts-demolitions-attaques-de-colons-point-sur-la-situation-du-1er-au-6-mars-en-cisjordanie-occupee/
Hostilités dans la bande de Gaza et en Israël – impact rapporté – Jour 173
https://www.ochaopt.org/content/hostilities-gaza-strip-and-israel-reported-impact-day-173
CGT INRAE : Assez de massacres à Gaza ! Cessez-le feu immédiat !
https://aurdip.org/assez-de-massacres-a-gaza-cessez-le-feu-immediat/
Stop aux projets avec Israël : l’Université de Turin bloque les contrats de recherche scientifique
https://aurdip.org/stop-aux-projets-avec-israel-luniversite-de-turin-bloque-les-contrats-de-recherche-scientifique/ 

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Gidéon Levy – Alors que la guerre fait rage à Gaza, la Cisjordanie s’est métamorphosée

Au cours des six derniers mois, la Cisjordanie occupée a connu une métamorphose. La guerre a éclaté dans la bande de Gaza, mais la « punition » infligée à la Cisjordanie pour les événements du 7 octobre n’a pas tardé. Il n’est pas nécessaire d’avoir l’œil particulièrement aiguisé pour remarquer la révolution sur le terrain. Il n’est pas nécessaire d’être particulièrement perspicace pour comprendre qu’Israël et les communautés de colons ont exploité le sombre cauchemar de la guerre pour modifier la situation en Cisjordanie: pour intensifier l’occupation, étendre les périmètres des colonies, supprimer les dernières limites dans les interactions avec la population palestinienne et les laisser se déchaîner, le tout loin des yeux du monde.

Il est impossible de surestimer la profondeur et l’ampleur des changements intervenus en Cisjordanie au cours de ces derniers mois. La plupart d’entre eux, sinon tous, sont probablement irréversibles. La combinaison d’une guerre menée contre les Palestiniens, bien qu’à distance de la Cisjordanie, d’un gouvernement extrémiste de droite radicale dans lequel les colons occupent des positions qui leur donnent un pouvoir décisif sur l’occupation, de la montée en puissance de milices de colons armées et en uniforme et de l’indifférence générale de l’opinion publique a conduit à une nouvelle situation. Dans ces circonstances, la vulnérabilité des Palestiniens ne fait que jeter de l’huile sur le feu. Cet incendie considérable fait rage, mais le regard de tous est dirigé loin de là, vers les champs de la mort entre la ville de Gaza et Rafah. Pourtant, peut-être plus encore qu’à Gaza, les répercussions de la révolution qui se déroule en Cisjordanie ne se limiteront pas à ce territoire. Elles s’infiltreront profondément dans tous les coins d’Israël.

Certains changements sont immédiatement visibles pour quiconque se déplace en Cisjordanie, d’autres le sont moins. La Cisjordanie est fermée et assiégée. Pratiquement toutes les villes et tous les villages palestiniens ont certaines routes d’accès, voire plusieurs, qui ont été fermées. En effet, la plupart des portes d’entrée grillagées, omniprésentes dans ces localités, ont été verrouillées par les Forces de défense israéliennes dès le 8 octobre. Avec un tel système de portes et d’autres barrières, un verrouillage total de la Cisjordanie peut être mis en place en peu de temps. Résultat ? La vie est devenue intolérable pour trois millions de personnes. Ce n’est pas seulement le temps perdu dans les déplacements prolongés d’un endroit à l’autre; c’est aussi le fait que l’on ne sait jamais si l’on arrivera à destination suite aux attentes pénibles et aux indignités subies dans les points de contrôle (checkpoints).

Aux portes verrouillées se sont ajoutés des dizaines de barrages routiers ad hoc érigés par les soldats. Ils apparaissent et disparaissent soudainement. Lorsqu’ils sont en place, la circulation devient un cauchemar pour tout Palestinien qui s’y heurte. La Cisjordanie est revenue près d’un quart de siècle en arrière, à l’époque de la seconde Intifada, mais cette fois sans l’Intifada.

***

Un ami dont le père, âgé de 105 ans, est décédé cette semaine – et qui vit dans un village près de Tul Karm – a dit à sa famille et à ses amis de ne pas s’embarrasser de la coutume de rendre une visite de condoléances, parce que la circulation à l’entrée et à la sortie de cette ville va du cauchemar à l’impossibilité en raison de l’abondance des points de contrôle locaux. Au lieu de cela, il s’est rendu à Ramallah pour une journée afin de recevoir des visiteurs.

Quelque 150 000 Palestiniens de Cisjordanie qui étaient légalement autorisés à travailler en Israël n’ont plus le droit de le faire depuis le 8 octobre. Les conséquences pour l’économie palestinienne (et israélienne) sont évidentes. De même, les conséquences de l’inactivité forcée de dizaines de milliers de personnes sont tout aussi claires et prévisibles. Une autre source de revenus pour de nombreux Palestiniens – la récolte des olives – a également été bloquée par la guerre. Les oliveraies jouxtant les colonies sont désormais totalement inaccessibles aux Palestiniens, même pas par le biais d’une « coordination » avec les autorités israéliennes, comme cela était possible les années précédentes. Résultat : environ un tiers de la récolte est resté sur les arbres à un moment où la plupart des autres revenus ont disparu.

Quel est le lien direct entre la récolte des olives en Cisjordanie et la guerre à Gaza ? Il n’y en a pas, mais la guerre a apparemment offert une grande opportunité aux colons et à leurs partenaires au sein du gouvernement. Une occasion que les colons de Cisjordanie n’attendaient que pour malmener des Palestiniens en toute impunité, leur rendre la vie intolérable, les déposséder et les humilier jusqu’à ce qu’ils s’enfuient ou soient chassés. Peut-être est-ce la raison pour laquelle les colons semblaient particulièrement joyeux cette semaine, à l’occasion de la fête [23-24 mars] de Pourim ?

***

L’un des phénomènes les plus graves concerne les autorités israéliennes qui empêchent les Palestiniens d’accéder à leurs terres et d’y travailler, parfois en prévision d’une expulsion. Dror Etkes, de l’organisation non gouvernementale Kerem Navot, qui surveille les politiques foncières d’Israël dans les territoires occupés, estime que les Palestiniens ont été privés d’au moins 100 000 dunams (25 000 acres, environ 101 km2) de pâturages et de terres agricoles depuis le 7 octobre – et il s’agit là d’une estimation précautionneuse, ajoute-t-il.

Dans le même temps, un transfert silencieux de population se poursuit, petit à petit mais systématiquement, en particulier pour les habitants les plus faibles – ceux des communautés pastorales, principalement – aux deux pôles de la Cisjordanie: la vallée du Jourdain au nord et les collines du sud de l’Hébron de l’autre côté. Dror Etkes, qui a une connaissance inégalée des colonies, note que les habitants de 24 communautés ont été expulsés ou forcés de quitter leurs maisons et leurs terres à cause de la terreur exercée par les colons depuis le 7 octobre. Tous les habitants de 18 d’entre elles ont fui, tandis que dans les six autres, seuls quelques habitants se sont sentis obligés de partir. Un transfert de population, bien que clandestin.

Il y a plusieurs mois, dans un article a fait état de l’une de ces enclaves abandonnées: Il était déchirant de voir les habitants emballer et charger leurs maigres biens dans quelques vieilles camionnettes, y compris leurs troupeaux, quittant, probablement pour toujours, la terre sur laquelle eux et leurs ancêtres sont nés, en direction d’un monde inconnu.

Un autre acte criminel a été révélé lorsque nous avons documenté la confiscation à leurs propriétaires de 700 moutons, confiscation effectuée par des colons-soldats sur ordre du Conseil régional de la vallée du Jourdain qui n’a techniquement aucune autorité coercitive sur les résidents palestiniens locaux. Le groupe de bergers misérables a été contraint de payer immédiatement 150 000 shekels (environ 41 000 dollars) pour récupérer son troupeau – une somme énorme qui est allée directement dans les coffres des colons. Quelques semaines plus tard, Hagar Shezaf, dans Haaretz, a rapporté que le conseiller juridique de l’administration civile – le bras local du gouvernement militaire israélien – a déclaré illégale l’action odieuse et méprisable des colons.

Le fait que des hordes de colons aient revêtu l’uniforme des FDI ne semble avoir fait qu’accroître leur violence. Au cours des derniers mois, les « escouades de sécurité d’urgence » créées à l’occasion de la guerre dans pratiquement toutes les colonies et tous les avant-postes, ainsi que la mobilisation de milliers de colons réservistes suite à un décret d’urgence, leur ont apparemment donné le droit d’intensifier leurs actes de violence contre les Palestiniens en tant que seigneurs de la terre, représentants ostensibles de la loi et de l’Etat. De nombreux Palestiniens ont décrit des incidents au cours desquels les colons ont déclenché de véritables pogroms, arrivant soudainement en uniforme dans des véhicules tout-terrain, semant la violence, faisant en sorte que les habitants se sentent encore plus impuissants. Il n’y a apparemment personne pour protéger les communautés pastorales, à l’exception d’une poignée de volontaires israéliens qui cherchent à obtenir justice.

Dror Etkes mentionne au moins 11 avant-postes [d’une colonie future] établis sans permis au cours des six derniers mois, dont deux sur des terres que les bergers palestiniens ont fuies ou dont ils ont été expulsés. Cette semaine, il en a découvert un autre. Le site d’information anti-occupation Local Call a rapporté que dix jours après avoir commencé à construire un avant-poste à proximité, les colons ont effrayé les habitants de l’une de ces communautés, qui ont fui en masse.

Un avant-poste de ce type n’est parfois rien de plus qu’une ferme – une cabane abritant quelques gangsters violents dont le seul but est de faire fuir les Palestiniens. Récemment, leur tâche a été rendue encore plus facile. Un rapport intérimaire établi par Dror Etkes, pour marquer six mois de guerre, fait état d’au moins dix routes, d’un certain nombre de vastes étendues de terre clôturées et même de barrages routiers, tous créés par les colons sans autorisation. De plus, le gouvernement israélien a déclaré terre d’Etat 2640 dunams près de la colonie urbaine de Ma’aleh Adumim, et 8160 dunams dans la ville d’Aqraba, près de Naplouse [1].

***

Des centaines de Palestiniens, principalement des enfants et des adolescents, ont été tués, la plupart sans raison apparente. Les soldats déployés en Cisjordanie semblent avoir la gâchette plus facile qu’auparavant. Peut-être sont-ils envieux de leurs camarades de Gaza, qui sont apparemment autorisés à tuer des gens sans discernement ? Les habitants de Cisjordanie ont-ils envie de se comporter comme eux, de se venger des Palestiniens en tant que tels, à cause des horreurs du 7 octobre ? Les FDI et la police des frontières ferment-elles plus qu’avant les yeux sur les événements violents qui se déroulent en Cisjordanie ?

Les données que nous présentons ci-dessous parlent d’elles-mêmes. La main sur la gâchette est légère et les commandants des FDI ainsi que le public israélien sont apathiques. Mais quiconque pense que cette violence de masse apparemment autorisée et que les morts resteront à l’intérieur des frontières de la Cisjordanie risque de se tromper.

En ce qui concerne les cas d’assassinats, beaucoup semblent non provoqués et criminels. Le 8 octobre déjà, des soldats ont tué Yasser Kasba, 18 ans, qui, selon l’armée, avait lancé un cocktail Molotov – personne n’a été blessé et il n’a mis personne en danger – au point de contrôle de Qalandiyah, près de Jérusalem. La fusillade a été retransmise en direct par la chaîne états-unienne de télévision par satellite en langue arabe Alhurra. Kasba a reçu une balle dans le dos alors qu’il s’enfuyait.

Cet incident a ouvert les vannes. Au cours des deux mois suivants, 31 personnes ont été tuées dans la région de Ramallah, dont une mère de sept enfants, sous les yeux de son mari et de ses enfants ; 42 personnes ont été tuées dans la région de Tulkarem au cours des six premières semaines, dont un handicapé mental de 63 ans et un adolescent de 15 ans qui a reçu deux balles dans la tête. Jusqu’à la fin du mois de février, 396 personnes au total ont été tuées en Cisjordanie, dont 100 enfants et adolescents – la grande majorité par des soldats – selon des données soigneusement vérifiées recueillies par l’organisation israélienne de défense des droits de l’homme B’Tselem. Plus de la moitié des mineurs, note B’Tselem, ont été tués dans des circonstances qui ne justifiaient pas l’utilisation d’armes létales.

***

Les jeunes résidents de Cisjordanie commencent à rédiger des documents qui ressemblent à leurs dernières volontés. Nous en avons rapporté un le mois dernier – celui d’Abdel Rahman Hamad, presque 18 ans, dont le rêve était d’étudier la médecine (Haaretz, 17 février 2024). Il a laissé des instructions détaillées sur ce qu’il faudrait faire s’il était tué : « Ne me mettez pas dans le réfrigérateur de la morgue », a-t-il écrit. « Enterrez-moi immédiatement. Allongez-moi sur mon lit, couvrez-moi de couvertures et transportez-moi pour l’enterrement. Lorsque vous me descendrez dans la tombe, restez à mes côtés. Mais ne soyez pas triste. Ne vous souvenez que des beaux moments que vous avez de moi et ne vous lamentez pas sur mon sort. »

Il y a également eu d’autres incidents. Deux jeunes de nationalité américaine ont été tués en l’espace de quelques semaines. Le jeune qui a été renversé de son vélo par une jeep militaire et abattu à bout portant. Les soldats et les colons qui, probablement ensemble, ont tiré une dizaine de balles sur un véhicule transportant deux jeunes en excursion, tuant l’un d’entre eux. Les 32 balles qui ont percuté une voiture transportant une famille – au cours de la poursuite par les forces de sécurité d’un véhicule qui avait franchi un poste de contrôle sans s’arrêter – tuant une fillette de 5 ans, dont le corps n’a été remis à la famille que 10 jours plus tard.

Un missile a tué sept jeunes hommes, dont quatre frères, à l’extérieur de Jénine. Un autre missile, tiré sur le centre du camp de réfugiés de Nur Shams [gouvernorat de Tulkarem], a tué six personnes et en a blessé sept, qui se sont vu refuser un traitement médical pendant plus d’une heure. Deux jeunes ayant des besoins spéciaux ont également été touchés, dont l’un mortellement. Trois frères qui rentraient chez eux après avoir cueilli des akoub, plantes comestibles ressemblant à des chardons, du côté israélien de la barrière de séparation, ont été victimes d’une chasse à l’homme au cours de laquelle les soldats ont tué deux des frères, blessé le troisième, puis arrêté un quatrième qui est arrivé sur les lieux plus tard. Tout aussi choquant est l’incident du garçon de 10 ans qui a été abattu dans le pick-up de son père et qui est tombé dans les bras de son frère de 7 ans, mort.

Et un mot sur les arrestations massives, dont on ne connaît même pas l’ampleur exacte. Au cours des deux premiers mois de la guerre, 4 785 personnes ont été arrêtées en Cisjordanie, selon les Nations unies. L’une d’entre elles, Munther Amira, était un détenu administratif (incarcéré sans procès), dont l’histoire, marquée par la torture, les coups et les humiliations à la prison d’Ofer, le « Guantanamo » israélien, a été racontée ici la semaine dernière [voir sur ce site la traduction, le 23 mars, de cet article]. Même cette prison cruelle avait un aspect très différent avant que la guerre n’éclate à Gaza. 

[1] Le 22 mars, lors de la visite du secrétaire d’Etat Antony Blinken, le ministre des Finances Bezalel Smotrich annonçait cette importante saisie de terre – la plus ample depuis la dite paix d’Oslo de 1993 – et la qualifiait « d’une nouvelle mesure spectaculaire et importante pour la colonisation » juive en Cisjordanie. (Réd)

Gideon Levy et Alex Levac
Article publié par Haaretzle 30 mars 2024 ; traduction rédaction A l’Encontre
http://alencontre.org/moyenorient/palestine/alors-que-la-guerre-fait-rage-a-gaza-la-cisjordanie-sest-metamorphosee.html

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2024-03-28 – Gaza : enquête sur le juteux business des passeurs

Pour mettre leurs proches à l’abri en Égypte, deux médecins franco palestiniens ont dû payer des sommes extravagantes à une agence de voyages. Un racket lucratif, qui prospère grâce à l’inaction des services consulaires français.

Publié le 28 mars 2024

Elisabeth Fleury

 

« Le problème, c’est qu’une fois qu’on a donné les identités de nos proches, on ne sait pas entre quelles mains elles peuvent tomber », explique Marwan, médecin franco palestinien.
AFP

Pour sa vieille maman, 6 500 euros. Pour son frère, son épouse et leur fils aîné, 18 000 euros. Pour chacun de leurs quatre enfants, tous âgés de moins de 16 ans, 3 000 euros. Pour sa nièce, dont il a la charge depuis la mort de son frère, et la mère de celle-ci, 10 000 euros.

Pour sa sœur et son époux, leur fils aîné et sa femme, ainsi que leurs deux fillettes, 32 500 euros. Ahmed 1, installé en France comme cardiologue depuis la fin des années 1980, a déboursé 79 000 euros pour que seize de ses proches, qui ont tout perdu depuis le 7 octobre, puissent franchir la frontière séparant Rafah de l’Égypte. Marwan, autre médecin franco palestinien exerçant en France, a déboursé 10 000 euros pour sa mère, impotente, et sa sœur.

Des tarifs qui ont quintuplé

Ces sommes, il a fallu les payer en liquide à Hala Consulting and Tourism. Une agence de voyages égyptienne, spécialisée dans ce business lucratif, que les Gazaouis connaissent depuis des années : propriété de l’homme d’affaires et milicien Ibrahim El Argani, proche de la famille Al Sissi et des services de renseignements égyptiens, cette officine est la principale pourvoyeuse des précieux sésames entre Gaza et l’Égypte. Ses tarifs, déjà élevés avant le 7 octobre, ont quintuplé depuis.

Des heures d’attente devant la petite porte de l’agence pour obtenir, finalement, un bout de papier et, contre le cash et la photocopie de leurs papiers d’identité, la promesse de voir ses proches bientôt inscrits sur une liste. « Il faut compter un mois d’attente, environ », dit Ahmed.

Détenteurs de passeports égyptiens, malades, étudiants… chaque groupe a sa propre filière, plus ou moins coûteuse, plus ou moins efficace. « Certains passent directement par des militaires ou des gardes-frontières égyptiens. Mais c’est plus aléatoire », affirme Ahmed. Avec Hala, assure-t-il, le passage est garanti. « Et même si le nombre d’intermédiaires varie, les prix sont fixes. » « Le problème, tempère Marwan, c’est qu’une fois qu’on a donné les identités de nos proches, on ne sait pas entre quelles mains elles peuvent tomber. »

« Par souci de sécurité », il a fait lui-même le voyage Paris-Le Caire pour remettre l’argent, en main propre, au guichet de l’agence. Ahmed, lui, a fait intervenir une relation sur place. Pour réunir les sommes exigées, certains sollicitent la générosité de donateurs anonymes via les réseaux sociaux et les cagnottes en ligne. Sur le site GoFundMe, les appels au secours se multiplient. Désespérés. Invérifiables.

« On ne réclame pas une faveur mais le respect d’un droit : celui de vivre en sécurité, ici, avec nos proches. »

D’autres, bien que fous d’inquiétude, refusent d’alimenter ce business honteux et accentuent la pression sur les services consulaires. Pendant ce temps, de l’autre côté de la frontière où l’on s’abrite des bombes sous des tentes, où le kilogramme de pommes de terre atteint 17 euros, les candidats au départ comptent les heures.

Une organisation bien rôdée sur WhatsApp

Tous les jours, environ 300 personnes sortiraient de Gaza via la « filière Hala », estime Ahmed. Comme Marwan, pendant des semaines, il a guetté les listes de noms publiées quotidiennement sur le groupe « les frontières de Rafah », la boucle WhatsApp mise en place par l’agence. « Chaque filière a son groupe, chaque groupe publie quotidiennement ses listes. » Quand son nom apparaît enfin, l’intéressé n’a plus qu’à prendre sa valise et à rejoindre le poste-frontière où un bus l’attend, direction Le Caire. « En janvier, Internet a été inaccessible pendant sept jours d’affilée, dit Marwan. On devenait fous. »

Une fois au Caire, c’est la débrouille. Ahmed a les moyens de louer quatre appartements en centre-ville, dans lesquels sa famille se partage une dizaine de chambres. Les quatre loyers, autour de 600 euros mensuels chacun, viennent s’ajouter à l’addition générale.

« Les Égyptiens nous sucent le sang jusqu’à la dernière goutte », résume le médecin. Marwan, lui, a fait le déplacement jusqu’au Caire pour pouvoir serrer sa vieille maman dans ses bras avant de retourner en France, le cœur gros. L’octogénaire partage un studio avec sa fille, infirmière de profession, qui ne la quitte pas d’une semelle. « Elles se font livrer les repas, elles ne sortent pas. »

Pendant les quatre premiers mois de l’offensive israélienne, comme beaucoup de Franco-Palestiniens, Ahmed et Marwan ont assailli la cellule de crise du consulat français de Jérusalem. « Ils répondent très vite, mais ils ne font rien. » On les rassure, on leur réclame les papiers de leurs proches, ils les envoient… et c’est la douche froide. La mère d’Ahmed « n’est pas éligible au départ, affirme le consulat. Seuls les enfants et les conjoints des ayants droit peuvent bénéficier d’une évacuation ».

Marwan, lui, obtient le droit de faire sortir sa mère, mais pas sa sœur. « Or, sans elle, ma mère ne peut rien faire. » Ahmed prend l’habitude, chaque lundi, d’écrire au consulat. « Nous poursuivons nos efforts. » « Nous vous informerons dès que nous aurons des éléments nouveaux. » « Si les critères changent, nous vous tiendrons informé », répond son anonyme interlocuteur qui, systématiquement, conclut ses messages d’un « Cordialement. La cellule de crise ».

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En mars, après avoir payé le prix fort, Ahmed et Marwan ont enfin mis leurs proches à l’abri au Caire. « Ils ne risquent plus d’être tués, c’est le principal », souffle Ahmed. Marwan, entre deux consultations, se démène pour tenter d’obtenir un visa pour sa sœur. « C’est comme si nous demandions l’impossible », constate-t-il désespéré. La réponse doit tomber dans les prochains jours. « On s’attend à tout. »

Mardi dernier, une cousine d’Ahmed, restée à Rafah, a été tuée par un bombardement avec sa fille de 18 ans, tout juste bachelière. Quatre jours plus tard, on est toujours sans nouvelles de son mari et de leurs quatre autres enfants. Marwan pense à ses frères et sœurs restés de l’autre côté de la frontière, qu’il n’a pas eu les moyens de faire venir en Égypte. « Ce qu’on vit est un cauchemar. On travaille en France, on y paie nos impôts. On ne réclame pas une faveur mais le respect d’un droit : celui de vivre en sécurité, ici, avec nos proches. »

  1. Les prénoms ont été modifiés ↩︎

Gaza : « Quand j’ai ma mère au téléphone, j’entends les tirs, les bombes »

Constituées en collectif, une quinzaine de familles franco palestiniennes espèrent accélérer les procédures d’évacuation de leurs proches.

Monde

4min

Publié le 28 mars 2024Mis à jour le 28 mars 2024 à 18:40

Elisabeth Fleury

 

À Jérusalem comme au Caire, les ambassades se déclarent incompétentes pour délivrer des visas.
AFP

Il y a ceux qui ont les moyens de payer des passeurs égyptiens. Et puis, il y a les autres. Ceux qui, par principe, refusent d’alimenter ce racket. Et ceux qui n’ont pas de quoi débourser les sommes nécessaires. Depuis six mois, ces Franco Palestiniens là vivent la pire des angoisses.

Chaque matin, au réveil, ils se demandent si ceux qu’ils aiment sont encore vivants. Chaque jour, ils se désespèrent de leur impuissance à leur venir en aide. « Quand j’ai ma mère au téléphone, j’entends les tirs, les bruits des bombes, raconte Amina 1, dont la famille vit depuis cinq mois sous des tentes à RafahElle me demande ce que je fais, pourquoi rien ne bouge, pourquoi elle est toujours bloquée là-bas. J’essaie de la rassurer mais je lui mens. En réalité, aucune de mes démarches n’aboutit jamais. »

D’abord sidérés par l’attaque du Hamas et l’ampleur de la riposte israélienne, les Franco Palestiniens installés en France se sont rapidement tournés vers la cellule de crise du consulat général à Jérusalem. Des échanges courtois mais sans effet. « Quasiment aucun d’entre nous n’a pu faire évacuer ses proches par ce biais », explique Adam S., qui a perdu trois membres de sa famille dans les bombardements.

Une situation d’autant plus inexplicable qu’une opération d’évacuation a été rondement menée, en février dernier, pour les 42 salariés de l’Institut français de Gaza et leur famille.  « Du jardinier au directeur, quel que soit leur type de contrat, quelle que soit leur nationalité, ils ont tous été rapatriés en France, s’étonne Adam. À nous, qui sommes franco palestiniens, on nous répond que c’est impossible. »

Des demandes restées lettres mortes

À Paris, le ministère de l’Intérieur est aux abonnés absents. Le Quai d’Orsay, après avoir promis des évacuations, multiplie les réponses laconiques. À Jérusalem comme au Caire, les ambassades se déclarent incompétentes pour délivrer des visas. « Tout le monde se renvoie la balle », constate Amina.

Leurs démarches individuelles ayant échoué, une quinzaine de ces Franco Palestiniens ont décidé de se regrouper, la semaine dernière, en un « collectif de ressortissants français demandant l’évacuation de leur famille de la bande de Gaza depuis octobre 2023 ».

Courriers, relances, alertes médiatiques… avec le soutien d’une poignée d’avocats, ils tentent de briser le silence. « Nos familles endurent des conditions de vie extrêmement précaires, ont-ils écrit au Quai d’Orsay. Chaque jour qui passe aggrave leur vulnérabilité. » Un article de Mediapart leur a appris que le blocage se situait Place Beauvau. « Il paraît qu’ils ciblent les demandes d’évacuation, ironise Amina. Il leur faut trois mois pour se rendre compte que ma mère, à 80 ans, n’est pas une terroriste ? »

L’ambassade de France au Caire ayant refusé d’enregistrer sa demande de visa, la jeune femme vient de saisir le tribunal administratif d’un référé suspension. Une démarche qu’elle qualifie elle-même de « dérisoire »« Face à l’urgence, au risque de mort imminente, j’ai du mal à expliquer à ma mère que ça peut être utile. »

  1. Les prénoms ont été changés.
  1. Gaza : Ibrahim Al-Argany, le lucre d’un profiteur de guerre
  2. La contrebande vers Gaza a permis à cet affairiste lié aux services égyptiens d’amasser une fortune prospère. Il fait aujourd’hui flamber sans scrupule le prix des transferts vers Le Caire de Palestiniens fuyant l’enclave bombardée par Israël.
  3. Monde
  4. 4min
  5. Publié le 28 mars 2024Mis à jour le 29 mars 2024 à 09:39
  6. Rosa Moussaoui
  7. Ibrahim Al-Argany est passé en quelques années de la prison aux arcanes du pouvoir égyptien.
    © Organi Group website
  8. Côté pile, il y a la personnalité publique : un enfant du Sinaï, dignitaire tribal influent, homme d’affaires prospère choyé par le régime du général Al-Sissi. Dans cet habit-là, Ibrahim al-Argany se consume de colère et d’indignation devant le martyre des Palestiniens de Gaza.
  9. « La justice de la cause palestinienne reste un test et une mesure de la justice des politiciens du monde (…). Patience et fermeté pour tout être qui porte en lui les constantes humaines et les défend contre la machine d’oppression et de destruction », écrit-il sur le réseau social X, en relayant les images des familles jetées dans un exode sans issue par les bombardements israéliens. Et puis côté face, il y a le parrain aux méthodes mafieuses associé des services de renseignement égyptiens, à qui le blocus de Gaza a permis d’amasser toute une fortune d’argent sale : contrebande, racket, trafic d’êtres humains.
  10. Une agence « composée en grande partie d’anciens officiers militaires égyptiens »
  11. Parmi les multiples sociétés que dirige al-Argany, celle qu’il a dédiée aux services touristiques, Hala Consulting and Tourism Services, connaît ces derniers temps un développement florissant. Avant l’offensive israélienne à Gaza, sa prestation de transfert en bus des habitants de l’enclave palestinienne vers Le Caire se monnayait 700 à 1 200 dollars par voyageur. Les prix ont été multipliés par cinq, au bas mot, depuis le 7 octobre.
  12. Cette agence « est composée en grande partie d’anciens officiers militaires égyptiens », relevait Human Rights Watch en 2022 dans un rapport consacré à Gaza. Un recrutement fort utile pour desserrer les contraintes bureaucratiques et passer les points de contrôle pendant le trajet.
  13. Al-Argany n’a pas toujours été dans les petits papiers du pouvoir égyptien. À la fin de l’année 2008, il a même été arrêté au cours d’affrontements entre les Bédouins du Sinaï et les forces de sécurité les accusant de complicités dans les attentats de Taba en 2004 et de Charm el-Cheikh en 2005. Le trafiquant, qui trempait déjà dans la contrebande de marchandises et d’armes à travers les tunnels creusés entre l’Égypte et la bande de Gaza, est alors incarcéré.
  14. À sa libération, à l’été 2010, il noue des liens étroits dans l’appareil militaire et policier. Etaprès le coup d’état de 2013, cette coopération s’affiche au grand jour : Al-Argany joue les médiateurs pour le compte de l’État égyptien, rackette les migrants en provenance d’Afrique de l’Est, supervise les milices tribales qui secondent les services de sécurité contre les groupes djihadistes dans la péninsule, partage avec les militaires les profits de la redevance imposée aux camions entrant dans la bande de Gaza (avant la guerre : 200 000 livres égyptiennes, soit plus de 11 000 dollars par passage).
  15. Il devient l’intime de Mahmoud al-Sissi, l’ombre de son père dictateur, aujourd’hui chef adjoint des renseignements égyptiens. Avec des hauts gradés, il fonde plusieurs sociétés, dont « Sons of Sinaï », qui gère tous les contrats liés aux efforts de « reconstruction » de Gaza dans le cadre d’un plan doté de 500 millions de dollars, soutenu par Israël et les Occidentaux. Transfert de marchandises, construction, transport : il bâtit un véritable monopole. Plus encore depuis le 7 octobre, Gaza, pour cet affairiste sans scrupule, est une poule aux œufs d’or.

 

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2024-03-30 Francesca Albanese : « Aucun État n’est au-dessus des lois »

| Par Rachida El Azzouzi

Dans un entretien à Mediapart, la rapporteure de l’ONU pour les Territoires palestiniens occupés revient sur son rapport accusant Israël d’actes de génocide ainsi que sur les nombreuses critiques qui lui sont adressées par certains États, dont la France. 

Rapporteure spéciale des Nations unies pour les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese a présenté mardi 26 mars à Genève (Suisse), devant le Conseil des droits de l’homme, l’organe des Nations unies qui la mandate, un rapport accusant Israël de commettre à Gaza trois actes de génocide envers le « groupe » que forment les Palestinien·nes : « meurtre de membres du groupe »« atteintes graves à l’intégrité physique et mentale de membres du groupe », « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ».

Dans un entretien à Mediapart, l’avocate italienne revient sur ses conclusions, rejetées par la représentation israélienne auprès des Nations unies, qui dénonce « une campagne visant à saper l’établissement même de l’État juif ». Elle répond également aux multiples critiques qui lui sont faites par certains États, dont la France.

Mediapart : Quels sont les éléments factuels qui vous permettent de conclure dans votre rapport que « le seuil indiquant qu’Israël a commis un génocide est atteint » à Gaza ?

Francesca Albanese : Pour qu’il y ait génocide, il faut démontrer que les auteurs des actes en question ont eu l’intention de détruire physiquement un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Mon rapport démontre qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’Israël a commis un génocide.

L’intention peut être directe, par des déclarations, des documents officiels de personnes détenant l’autorité de commandement, ou elle peut être déduite par la nature, l’ampleur des crimes, la façon de les conduire… Plus de 31 000 personnes, dont 70 % de femmes et d’enfants, ont été tuées. Ce qui ne veut pas dire que les 30 % d’hommes tués seraient tous des cibles légitimes.

À Gaza, les civils sont pris pour cibles à un niveau sans précédent. À la destruction des vies s’ajoute la destruction de tout : les écoles, les quartiers, les mosquées, les églises, les universités, les hôpitaux qui sont essentiels pour permettre à la vie de continuer, surtout dans une situation aussi catastrophique.

Nous ignorons combien de personnes vont mourir des suites de leurs blessures, mais nous savons qu’un très grand nombre d’entre elles ont dû être amputées. L’État d’Israël organise également la famine.

En refusant de fournir l’aide humanitaire qu’il est obligé de fournir, en tant que puissance occupante, en bombardant, en détruisant tout ce qui permet de survivre – les infrastructures, les terres arables –, en ciblant les convois humanitaires, il sait pertinemment qu’il va causer la mort de personnes, en particulier d’enfants.

Israël a dissimulé sa logique et sa violence génocidaires derrière des arguments du droit international humanitaire : en affirmant qu’il ne visait que des objectifs militaires, qui en fait étaient des civils, en caractérisant la population entière comme des boucliers humains ou des dommages collatéraux, en ciblant les hôpitaux ou les évacuations. Il a envoyé mourir les gens en ordonnant des évacuations massives pour ensuite transformer les zones de sécurité où la population se réfugie en zones de mort.

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Votre analyse est critiquée par plusieurs chancelleries, notamment en France, où le ministre des affaires étrangères, Stéphane Séjourné, affirme qu’« accuser l’État juif de génocide, c’est franchir un seuil moral ». Que leur répondez-vous ? 

Le génocide est défini par le droit international. Il n’est pas défini par des opinions personnelles ou par des expériences historiques douloureuses. Aucun État n’est au-dessus des lois. Que signifie dire : comment peut-elle accuser l’État d’Israël ? Pourquoi ne le pourrais-je pas ? J’entends les déclarations, les arguments du gouvernement français, et je suis profondément en désaccord avec sa lecture du 7 octobre 2023. Concluons que nous sommes d’accord pour ne pas être d’accord.

Le terme de « génocide » est au cœur de vives polémiques car c’est aussi une arme politique…

Pas pour moi ! L’apartheid est un crime. Le génocide aussi. J’utilise ces termes de la manière la plus stricte possible. Je sais qu’en Europe, des personnes s’en indignent parce que dans leur esprit, le seul génocide qu’elles puissent concevoir, auquel elles puissent s’identifier, c’est le génocide du peuple juif, la Shoah, même si nous avons eu d’autres génocides.

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Ma génération a vu au moins trois génocides reconnus comme tels : au Rwanda, en ex-Yougoslavie et en Birmanie. Nous sommes aussi concernés par ceux-là. L’Occident refuse de comprendre que le colonialisme de peuplement a nourri des pratiques et une idéologie génocidaires. Raphaël Lemkin, à qui l’on doit le concept de génocide, l’analysait lui-même il y a des décennies.

Je suis troublée par cette hypothèse dogmatique selon laquelle un État ne pourrait pas commettre certains crimes en raison de son histoire. Je rappelle aussi que la création de l’État d’Israël a été le résultat d’une catastrophe, d’une horreur qui s’est abattue sur le peuple juif, mais qu’elle a également provoqué une autre catastrophe, une autre tragédie. Les deux ne sont pas comparables. Pourtant, les Palestiniens, en tant que peuple, ont été dépossédés par la création de l’État d’Israël. Et c’est aussi une amnésie coloniale.

Tant que nous ne prendrons pas en compte les doléances du peuple palestinien, dont le déplacement forcé n’a jamais pris fin, nous continuerons à vivre dans cet état artificiel de déni qui n’aide ni les Palestiniens ni les Israéliens.

En vous appuyant sur une vidéo montrant quatre civils palestiniens tués par des drones israéliens, vous avez déclaré que « l’énorme quantité de preuves » liées aux crimes commis par Israël à Gaza depuis le 7 octobre 2023 pourrait occuper la Cour pénale internationale pendant les cinq prochaines décennies. Quels sont ces différents crimes ?

Je ne suis pas un tribunal, mais cela ne veut pas dire que je ne peux pas fournir de lecture juridique. J’ai analysé une fraction des preuves disponibles parce que je ne peux pas me rendre à Gaza, où personne ne peut entrer autrement que pour des raisons strictement humanitaires. Nous sommes face à un ensemble de crimes qui montrent que le but est de détruire les Palestiniens dans leur ensemble, ou en partie.

En attestent la façon dont les déclarations israéliennes incitant au génocide ont été intériorisées et mises en pratique par les troupes sur le terrain, l’avalanche de preuves qui ont été partagées, fournies par les soldats eux-mêmes, qui se vantent d’avoir détruit, puni la population de Gaza, lui infligeant une humiliation sans précédent parce qu’elle est palestinienne.

En attestent aussi la façon dont ont été ciblés des civils sans discernement, les enfants en particulier, de détruire des locaux civils ou des bâtiments protégés, le fait de causer la famine, d’infliger des traitements inhumains, de torturer, de procéder à des enlèvements, de dénier le droit à un procès équitable.

Il est facile de blâmer une rapporteure spéciale dont le seul travail et la seule responsabilité sont de rendre compte de la situation sur le terrain.

Vous avez critiqué sur le réseau social X les propos du président français Emmanuel Macron, qualifiant le 7 octobre de « plus grand massacre antisémite de notre siècle », ce qui a suscité une controverse. Que vouliez-vous dire ? 

Des dirigeants politiques me critiquent mais j’ai aussi le plaisir d’entendre dans divers pays des responsables me dire : « Je suis vraiment désolé que vous traversiez cela parce que nous sommes avec vous et vous avez raison. » Il est facile de blâmer une rapporteure spéciale dont le seul travail et la seule responsabilité sont de rendre compte de la situation sur le terrain.

Il m’apparaît dangereux de répéter sans cesse que le 7 octobre a été déclenché par l’antisémitisme. Des érudits juifs, réputés dans le domaine de l’antisémitisme et des études sur l’Holocauste, l’ont d’ailleurs dénoncé. Cette interprétation est dangereuse car elle décontextualise ce qu’Israël a fait et le déresponsabilise dans la création des conditions d’oppression et de répression des Palestiniens, qui ont ensuite conduit à cette violence.

En disant cela, est-ce que cela signifie que je suis en train de justifier la violence contre les civils israéliens ? Absolument pas. Je ne l’ai jamais tolérée, je l’ai toujours dénoncée. La violence génère et nourrit la violence, et celle-ci ne peut être arrêtée que si son cycle est interrompu.

Les violences sexuelles, en particulier les viols, sont des armes de guerre. Quelle est l’ampleur à ce stade des violences sexuellescommises contre les femmes israéliennes et palestiniennes depuis six mois ?

J’ai tout de suite exprimé ma solidarité avec toutes les femmes qui auraient pu subir des violences sexuelles, sans en avoir la preuve, car je sais combien celles-ci sont une arme de guerre. Que des preuves ne soient pas convaincantes ne constitue pas la preuve qu’il n’y a pas eu de crimes sexuels. J’attends les résultats des enquêtes de part et d’autre.

Je ne peux pas mener d’enquêtes sur les violations qui ont eu lieu en Israël. Une commission ainsi que d’autres organismes enquêtent. J’entends qu’il y a peut-être eu des cas de viol, mais il n’est pas clair qu’il s’agisse de viols massifs, systémiques. Je n’ai pas les éléments pour confirmer ou infirmer cela.

J’ai reçu, pour ma part, des allégations d’abus sexuels, de harcèlement sexuel, de viols et de menaces de viol, de pratiques et de traitements inhumains, à l’encontre de femmes et d’hommes détenus par l’armée israélienne. Nous restons très prudents en matière d’information, car la plupart se sentent encore menacés et craignent des représailles.

Ce sujet fait l’objet de vives polémiques et instrumentalisations. Qu’est-ce que cela révèle sur ce conflit ? 

Il y a toujours eu une guerre des récits. Pour moi, cela fait partie intégrante de la violence qui s’impose en premier lieu aux Palestiniens mais, cette fois aussi, aux Israéliens. Il est très irrespectueux envers les victimes d’instrumentaliser leurs plaintes pour viol sur la scène politique et de les entacher de propagande.

L’histoire des bébés décapités le 7 octobre, par exemple, a choqué le monde, témoigné de la sauvagerie et de la barbarie des brigades du Hamas et de tous ceux qui ont participé à l’attaque contre Israël ce jour-là, mais il s’est avéré ensuite que c’était totalement fabriqué. Ce n’est pas la première fois. Même lorsque la journaliste palestinienne Shireen Abu Akleh a été tuée par l’armée israélienne, les Palestiniens en ont été initialement blâmés.

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J’ai vu, dans certains pays d’Europe, une large couverture médiatique sur les otages et les personnes mortes en Israël, ce qui est une manière de ne pas déshumaniser les victimes. Mais je n’ai pas vu cette même couverture appliquée à Gaza, où les gens sont réduits au nombre. 14 000 enfants y ont été tués. C’est si épouvantable que mon esprit ne peut même pas le concevoir. Et il y a si peu de couverture médiatique sur qui ils étaient, ainsi que sur les ingénieurs, les artistes, le personnel médical, les universitaires, les scientifiques… Sur tous les civils qui ont perdu la vie.

Comment enquêter en tant qu’experte indépendante des Nations unies sur un tel terrain et alors que vous ne pouvez pas y accéder ?

Israël a annoncé en février 2024 qu’il m’interdisait le territoire. Mais en réalité, aucun rapporteur spécial de l’ONU pour les Territoires palestiniens occupés n’a été autorisé à entrer dans le pays au cours des seize dernières années.

Pour quelles raisons ? 

Parce qu’Israël agit au mépris du droit international et des règles de l’ONU de bout en bout, considérant que nous serions partiaux ou anti-israéliens, ce qui n’est pas vrai. Aucun de nous n’a jamais eu quoi que ce soit contre Israël. Nous voulons simplement qu’Israël se comporte conformément au droit international. Est-ce trop demander ? Il faut cesser de nier les comportements criminels imputables à Israël. À long terme, cela va être encore plus préjudiciable que cela l’a été jusqu’à présent, tant pour les Palestiniens que pour les Israéliens.

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2024-03-30 Il n’y a pas que la bande de Gaza qui a besoin d’être reconstruite – L’éthique israélienne aussi

Les images de la bande de Gaza en ruines sont incolores. Il n’y a que des nuances de gris, un fouillis de béton démoli, déraciné, bombardé et pulvérisé.

Les seules images de Gaza en ruines que les médias israéliens osent publier, prises par des drones ou par des équipes de photographes entrés dans la bande de Gaza embarqués dans l’armée, ne montrent aucun être vivant. Pas d’enfants orphelins qui pleurent, pas de femmes qui cherchent désespérément des herbes sauvages à manger qui ont peut-être germé là où il y avait autrefois de l’asphalte, pas de personnes âgées condamnées à passer leurs dernières années dans des souffrances inimaginables, dans une pauvreté abjecte.

Les images qui nous sont renvoyées de Gaza nous rappellent Dresde, Varsovie et le site du World Trade Center après l’attaque terroriste du 11 septembre 2001 : la même esthétique de ruine totale, de fin du monde.

Le sionisme, comme tous les mouvements nationaux, est fondé sur le mythe, le pathos et l’ethos. Le sionisme a de nombreux mythes, dont le plus significatif est le mensonge de « la terre sans peuple à un peuple sans terre ».

Le double mythe de l’exil et d’un désir continuel d’un retour juif et d’une terre vide en friche attendant ses propriétaires, informe le sioniste sur le déplacement d’un peuple réfugié qui a transformé (et continue de transformer) un autre peuple en réfugiés.

Les mythes de l’exode et des Maccabées, de Pourim et de Massada – tout cela fait partie du mythe plus vaste qui raconte aux Juifs israéliens l’histoire de leur existence sur cette terre. Il s’agit d’un tissu narratif qui assigne au monde entier des intentions génocidaires contre les Juifs, partout et en tout temps. (« À chaque génération, certains se sont levés contre nous pour nous exterminer », nous dit la Haggadah de Pessah.)

Les idées glanées dans le mythe israélien exigent la force et une force juive impitoyable.

« Si quelqu’un vient pour te tuer, lève-toi tôt et tue-le d’abord. »

Le pathos sioniste resserre le mythe, recrutant le public pour faire des sacrifices, instillant la suspicion et réduisant le spectre des possibilités à un choix binaire : les tuer ou être tués nous-mêmes.

Un exemple classique de cela est l’éloge funèbre de Moshe Dayan (lui-même un personnage mythique) pour Ro’i Rothberg, qui a été assassiné près de Nahal Oz en 1956 : « Des millions de Juifs, exterminés sans terre à eux, nous regardent depuis les cendres de l’histoire d’Israël et nous ordonnent de nous installer et de donner naissance à une terre pour notre peuple », a-t-il déclaré.

Mais au-delà du sillon frontalier, l’océan de haine et de vengeance se lève, attendant avec impatience le jour où la paix obscurcira notre préparation, jusqu’au jour où nous écouterons les émissaires de l’hypocrisie malveillante, nous appelant à déposer les armes. Le mythe et le pathos sionistes suivent les traces de la description mélancolique des Israélites du prophète biblique Balaam, « le peuple habitera seul, et ne sera pas compté parmi les nations », dictant pour nous, Juifs israéliens un programme nationaliste, militariste et ethnocratique.

À l’opposé, l’ethos sioniste – l’ensemble des valeurs et la vision du monde à laquelle la société israélienne prête allégeance – prétend englober en son sein des valeurs complexes.

Juive, mais aussi « démocratique ». La puissance militaire, mais aussi la pureté des armes.

Une souveraineté indépendante qui ne tolère aucun diktat extérieur, mais qui soit aussi « fidèle aux principes de la Charte des Nations Unies » (comme annoncé dans la Déclaration d’indépendance).

Et, bien sûr, l’éthos sioniste aspire à la paix. Il s’y efforce tellement que la lutte pour la paix est notre deuxième prénom. Je pourrais écrire 10 gros volumes décrivant les énormes écarts entre l’ethos israélien et la réalité, mais tant que l’ethos est là et que la société ne jure que par lui, son pouvoir moral est à l’œuvre, et même s’il ne l’emporte pas, il sert toujours de contrepoids au vecteur dicté par le mythe et le pathos.

L’ère Netanyahou sera jugée par l’histoire comme l’ère où chaque dernière composante de l’ethos israélien a été pulvérisée. D’abord, les valeurs administratives et politiques : l’intégrité morale, l’indépendance de la justice, la liberté de parole, le respect de l’État de droit par ceux qui sont au pouvoir – tout cela a été déchiqueté dans les bureaux du Premier ministre et du président de la Knesset. Vous n’entendrez plus Benjamin Netanyahou et ses sbires parler au nom de ces valeurs.

Deuxièmement, la pureté des armes. J’ai peut-être raté quelque chose, mais il me semble qu’il y a longtemps que je n’ai pas entendu parler de « l’armée la plus morale du monde ». Même les plus grands fans de l’armée israélienne ont du mal à répéter cette mantra avec un visage impassible ces jours-ci.

Une société qui détruit des villes et des villages, tuant 32 000 personnes (jusqu’à présent), pour la plupart des civils, est plongée jusqu’au cou dans l’incitation génocidaire. Sans réponse des autorités chargées de l’application de la loi, celles-ci transforment 1,5 million de personnes en réfugiés démunis, elles trafiquent (ouvertement !) leur faim et se contentent d’une réprimande du commandement à un officier qui, de sa propre initiative, a fait exploser une université – une telle société ne prétend plus adhérer à une notion de « pureté des armes ».

Sous le couvert d’une douleur et d’une rage justifiées face aux crimes horribles et impardonnables du Hamas, la droite a réussi à introduire une éthique alternative : « la force est le droit ». Mais l’exemple peut-être le plus flagrant de la pulvérisation des derniers vestiges de l’ethos israélien est le traitement accordé par le gouvernement israélien et ses partisans aux otages et à leurs familles.

Il est difficile de penser à un principe plus fondamental ou plus sacré pour une société que sa responsabilité envers son propre peuple en détresse. Nous avons tous grandi avec l’affirmation (tordue et exagérée, naturellement) selon laquelle « un homme tombe dans la rue à l’étranger et personne ne va vers lui, alors qu’en Israël tout le quartier viendra l’aider ».

La solidarité mutuelle est toujours importante, mais elle l’est doublement et triplement lorsque la détresse s’est abattue sur les citoyens en raison d’une terrible défaillance gouvernementale, résultat d’un abandon inconcevable de la part de ceux qui sont responsables de leur protection. Alors, quoi de plus bénéfique à la cohésion sociale que la rédemption des otages ? Le démantèlement de cette valeur est un dénouement du dernier fil qui rassemble les individus dans une société.

Il peut y avoir des situations où les otages ne peuvent pas être rachetés, et il peut y avoir des cas où le prix exigé pour leur libération crée un véritable dilemme. Mais dans notre cas, le prix n’est pas l’histoire, c’est l’alibi derrière lequel Netanyahou se cache, en abusant pour retarder un accord qui est très susceptible de briser le sien et sa coalition gouvernementale.

Et cet alibi est mis en pièces par le traitement criminel infligé aux familles des otages par le gouvernement et ses partisans, qui ont incité contre eux, les menaçant de ne pas trop critiquer le Premier ministre, les considérant comme des gêneurs, et les stigmatisant comme un groupe ayant des intérêts extérieurs au-delà de leur demande éminemment justifiable pour le retour immédiat de leurs proches.

À Bâle, en Suisse, Theodor Herzl a fondé l’État juif, et sur la place des Otages de Tel-Aviv, qui se vide lentement, il perd rapidement sa dernière valeur déclarée. Ainsi, l’aspect de Gaza en ruines n’est pas seulement une documentation de la réalité dans la bande de Gaza – c’est aussi une représentation adéquate de l’ethos de l’État d’Israël, une imagerie IRM terrifiante de notre âme idéaliste.

Il n’y a pas que Gaza qui a besoin d’être reconstruite, l’éthique israélienne aussi. Il faudra de nombreuses années pour les reconstruire tous les deux.

Michael Sfard
Haaretz, 30 mars 2024
L’auteur est avocat, expert en droit international, en guerre et en droits de l’homme.
https://www.haaretz.com/opinion/2024-03-31/ty-article-opinion/.premium/its-not-only-the-gaza-strip-that-needs-rebuilding-so-does-the-israeli-ethos/0000018e-90a4-d9a4-a7bf-dcfd7b000000
Communiqué par B. D.

Publié dans Articles de presse, Ressources, Textes | Commentaires fermés sur 2024-03-30 Il n’y a pas que la bande de Gaza qui a besoin d’être reconstruite – L’éthique israélienne aussi

2024-03-29 – L’écocide israélien à Gaza est un véritable crime de guerre

Le fait qu’Israël soit accusé de crimes de guerre n’est pas nouveau, et le régime a eu recours à des mesures illégales et inhumaines depuis le premier jour où il a commencé à s’emparer des terres palestiniennes. Pourtant, les dévastations observées dans des pans entiers de Gaza et le mépris croissant des dirigeants israéliens pour les condamnations internationales, ont mis la planète face à ce qui est incontestable : l’état sioniste se rend responsable de génocide et d’écocide

Une analyse satellite révélée au Guardian montre des fermes dévastées et près de la moitié des arbres du territoire rasés. Outre la pollution croissante de l’air et de l’eau, les experts affirment que l’assaut israélien sur les écosystèmes de Gaza a rendu la région invivable.

Dans un entrepôt délabré de Rafah, Soha Abu Diab vit avec ses trois jeunes filles et plus de 20 autres membres de sa famille. Ils n’ont pas d’eau courante, pas de carburant et sont entourés d’égouts qui se répandent et de déchets qui s’accumulent.

Comme le reste des habitants de Gaza, ils craignent que l’air qu’ils respirent soit chargé de polluants et que l’eau soit porteuse de maladies. Au-delà des rues de la ville s’étendent des vergers et des oliveraies rasés, ainsi que des terres agricoles détruites par les bombes et les bulldozers.

« Cette vie n’est pas une vie », déclare Abu Diab, qui a été déplacé de la ville de Gaza. « Il y a de la pollution partout – dans l’air, dans l’eau dans laquelle nous nous baignons, dans l’eau que nous buvons, dans la nourriture que nous mangeons, dans la région qui nous entoure ».

Pour sa famille et des milliers d’autres, le coût humain de l’invasion israélienne de Gaza, lancée après l’attaque du Hamas le 7 octobre, est aggravé par une crise environnementale.

L’étendue des dégâts à Gaza n’a pas encore été documentée, mais l’analyse des images satellite fournies au Guardian montre la destruction d’environ 38 à 48% de la couverture arborée et des terres agricoles.

Les oliveraies et les fermes ont été réduites à de la terre tassée ; le sol et les eaux souterraines ont été contaminés par des munitions et des toxines ; la mer étouffe sous les eaux usées et les déchets ; l’air est pollué par la fumée et les particules.

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A gauche : les destructions causées aux cultures arboricoles, et à droite,
les destructions causées aux cultures sous serre – Image : The Guardian

Les chercheurs et les organisations environnementales affirment que la destruction aura des effets dévastateurs sur les écosystèmes et la biodiversité de Gaza. L’ampleur et l’impact potentiel à long terme des dégâts ont conduit à demander qu’ils soient considérés comme un « écocide » et fassent l’objet d’une enquête sur un éventuel crime de guerre.

Il ne reste que de la terre
Des images satellite, des photos et des vidéos prises sur le terrain montrent à quel point les terres agricoles, les vergers et les oliveraies de Gaza ont été détruits par la guerre.

He Yin, professeur adjoint de géographie à la Kent State University aux États-Unis, qui a étudié les dommages causés aux terres agricoles en Syrie pendant la guerre civile de 2011, a analysé des images satellite montrant que jusqu’à 48% de la couverture arborée de Gaza avait été perdue ou endommagée entre le 7 octobre et le 21 mars.

Outre les destructions directes dues à l’assaut militaire, le manque de combustible a contraint les habitants de Gaza à couper des arbres partout où ils en trouvaient pour les brûler afin de cuisiner ou de se chauffer.

« Des vergers entiers ont disparu, il ne reste plus que de la terre, on ne voit plus rien », explique M. Yin.

Une analyse satellite indépendante réalisée par Forensic Architecture (FA), un groupe de recherche basé à Londres qui enquête sur la violence d’État, a abouti à des résultats similaires.

Avant le 7 octobre, les fermes et les vergers couvraient environ 170 km², soit 47% de la superficie totale de Gaza. À la fin du mois de février, la FA estimait, à partir de données satellitaires, que l’activité militaire israélienne avait détruit plus de 65 km², soit 38% de ces terres.

Outre les terres cultivées, plus de 7 500 serres constituaient un élément essentiel de l’infrastructure agricole du territoire.

Près d’un tiers d’entre elles ont été entièrement détruites, selon l’analyse de la FA, allant de 90% dans le nord de la bande de Gaza à environ 40 % autour de Khan Younis.

« Ce qui reste, c’est la dévastation
Samaneh Moafi, directrice adjointe de la recherche à la FA, décrit la destruction comme systématique.

Les chercheurs ont utilisé l’imagerie satellite pour documenter un processus répété dans de nombreux endroits, explique-t-elle : après les dommages initiaux causés par les bombardements aériens, les troupes au sol sont arrivées et ont complètement démantelé les serres, tandis que les tracteurs, les chars et les véhicules ont déraciné les vergers et les champs de culture.

« Ce qui reste, c’est la dévastation », dit Moafi. « Une région qui n’est plus vivable. »

L’enquête de la FA a porté sur une ferme située à Rast Jabalia, près de la frontière nord-est de Gaza, cultivée par la famille Abu Suffiyeh au cours de la dernière décennie. Cette famille a depuis été déplacée vers le sud. Leur ferme a été détruite et les vergers entièrement déracinés, remplacés par des remblais militaires et une nouvelle route qui les traverse.

« Il n’y a presque plus rien de reconnaissable là-bas », dit un membre de la famille. « Il n’y a plus aucune trace de la terre que nous connaissions. Ils l’ont totalement effacée. »

« C’est maintenant la même chose qu’avant : le désert… Il n’y a plus un seul arbre. Aucune trace de vie antérieure. Si j’y allais, je ne pourrais plus rien reconnaître ».

Israël a indiqué qu’il pourrait tenter de rendre certaines de ses démolitions permanentes, certains responsables proposant la création d’une « zone tampon » le long de la clôture entre Gaza et Israël, où se trouve une grande partie des terres agricoles.

Certaines démolitions ont déjà fait place à des infrastructures militaires israéliennes. Les enquêteurs de sources ouvertes Bellingcat affirment qu’environ 1740 hectares de terres semblent avoir été déblayés dans la zone située au sud de la ville de Gaza, où une nouvelle route, appelée Route 749 par Israël, est apparue, traversant toute la largeur du territoire.

L’armée israélienne affirme que cette route est une « nécessité militaire » construite pour « établir un point d’appui opérationnel dans la région et permettre le passage de forces et d’équipements logistiques ».

Depuis le début de la guerre, Israël a largué des dizaines de milliers de bombes sur Gaza. Des analyses par satellite effectuées en janvier indiquent qu’entre 50 et 62 % de tous les bâtiments ont été endommagés ou détruits.

Serres en 2022, avant la guerre –
Image : Forensic Architecture/Planet Labs PBC

En janvier 2024, le PNUE [UN Environment Programme] estimait que les bombardements avaient laissé 22,9 millions de tonnes de débris et de matières dangereuses, la plupart des décombres contenant des restes humains.

« Il s’agit d’une quantité extrêmement importante de débris, en particulier pour une zone aussi réduite », indique le rapport. « Les composants des débris et des décombres peuvent contenir des substances nocives telles que l’amiante, des métaux lourds, des contaminants d’incendie, des munitions non explosées et des produits chimiques dangereux. »

Des piles de déchets et de l’eau empoisonnée
Les alentours de l’entrepôt qu’Abu Diab loue avec sa famille sont un véritable champ de ruines. Les eaux usées s’écoulent d’une maison bombardée située à proximité et les déchets se sont accumulés, comme partout près de la ville méridionale de Rafah, qui accueille aujourd’hui la majeure partie de la population de Gaza.

« Les eaux usées et les déchets autour de la maison sont une véritable tragédie. Les chats et les chiens sont attirés par les immondices et les répandent dans les rues », explique-t-elle.

La poursuite du conflit et du siège a entraîné l’effondrement total de l’infrastructure civile déjà fragile de Gaza, notamment en ce qui concerne le ramassage des ordures, le traitement des eaux usées, l’approvisionnement en carburant et la gestion de l’eau.

Wim Zwijnenburg, qui étudie l’impact des conflits sur l’environnement pour l’organisation pacifiste néerlandaise PAX, déclare : « En général, la guerre fait tout s’effondrer. À Gaza, la population est exposée à des risques supplémentaires liés à la pollution, à la contamination des eaux souterraines. Il s’agit de la destruction de tout ce dont la population civile dépend ».

La municipalité de Gaza a dressé la liste des dommages causés aux infrastructures, notant que 70 000 tonnes de déchets solides s’étaient accumulées depuis le 7 octobre.

L’UNRWA, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, qui collecte les déchets dans les camps, est dans l’incapacité de fonctionner. M. Zwijnenburg indique que la PAX a identifié au moins 60 décharges sauvages dans le centre et le sud de la bande de Gaza.

Ameer, un habitant de Rafah, explique que les gens sont dépassés par la pollution de l’air, car ils utilisent n’importe quel bois ou plastique pour faire du feu, les voitures roulent à l’huile de cuisson, sans oublier les fumées laissées par les bombardements eux-mêmes.

« L’odeur est épouvantable et la fumée qui s’échappe des voitures est insupportable – j’en ai été malade pendant des jours », déclare-t-il. « L’odeur de la poudre à canon et ces gaz horribles provenant des bombardements en cours nuisent gravement à la population et à l’environnement. »

Lorsqu’Israël a coupé l’approvisionnement en carburant de Gaza après le 7 octobre, les coupures d’électricité qui en ont résulté ont empêché le pompage des eaux usées vers les stations d’épuration, ce qui a entraîné le déversement de 100 000 mètres cubes d’eaux usées par jour dans la mer, selon le PNUE.

Un acte d’écocide
L’ampleur et l’impact à long terme des destructions ont suscité des appels en faveur d’une enquête pour possible crime de guerre et d’une qualification d’écocide, qui couvre les dommages causés à l’environnement par des actions délibérées ou par négligence.

En vertu du statut de Rome, qui régit la Cour pénale internationale, le fait de lancer intentionnellement une attaque excessive en sachant qu’elle causera des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel constitue un crime de guerre.

Les conventions de Genève exigent que les parties belligérantes n’utilisent pas de méthodes de guerre qui causent « des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel ».

Saeed Bagheri, maître de conférences en droit international à l’université de Reading, estime que même s’il existe des désaccords sur la manière d’appliquer ces articles, il y a suffisamment de raisons pour enquêter sur les dommages causés à l’environnement de Gaza.

Abeer al-Butmeh, coordinateur du réseau des ONG environnementales palestiniennes, déclare : « L’occupation israélienne a complètement endommagé tous les éléments de la vie et tous les éléments environnementaux à Gaza – elle a complètement détruit l’agriculture et la faune. »

« Ce qui se passe est, sans aucun doute, un écocide », déclare-t-elle. « Cela endommage complètement l’environnement de Gaza à long terme, et pas seulement à court terme. »

« Le peuple palestinien a une relation très forte avec la terre – il est très lié à sa terre et aussi à la mer », dit-elle. « Les habitants de Gaza ne peuvent pas vivre sans pêche, sans agriculture. »

« La destruction des terres agricoles et des infrastructures à Gaza est un acte délibéré d’écocide. »

« Les fermes et les serres visées sont essentielles à la production alimentaire locale d’une population déjà soumise à un siège de plusieurs décennies. Les effets de cette destruction agricole systématique sont exacerbés par d’autres actes délibérés de privation de ressources essentielles à la survie des Palestiniens à Gaza. »

Kaamil Ahmed, Damien Gayle, Aseel Mousa
29 mars 2024 – The Guardian
Traduction : Chronique de Palestine
https://www.chroniquepalestine.com/ecocide-israelien-gaza-veritable-crime-de-guerre/

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