En Palestine, la Nakba continue depuis 76 ans // MERCREDI 15 mai à 18h au théâtre des arts à Rouen // rassemblement

En Palestine, la Nakba continue depuis 76 ans

  15 mai 2024

On appelle « Nakba » catastrophe en arabe, la période de 1947 à 1949 qui a vu nombre de Palestiniens perdre la souveraineté sur leur terre, processus jamais interrompu depuis. Et le 15 mai, le « jour de la Nakba », marque pour les eux l’affirmation de leur identité.

Le génocide des juifs par les nazis puis la création de l’État d’Israël le 14 mai 1948 ont pu figer la perception de ce qui est un processus colonial de longue date, une «  catastrophe  » commencée des décennies plus tôt et qui se poursuit actuellement.

Un peu d’histoire…

Entamée à la fin du XXIème siècle avec le mouvement sioniste de Herzl qui se glorifiait d’avoir, en 1897, «  fondé l’État juif  », la colonisation de peuplement juive en Palestine historique connaîtra différentes étapes.

D’abord la répartition de la région en 1916 entre la France et l’Angleterre – qui reçut de la Société des Nations un mandat sur la Palestine en 1920 –, puis la déclaration Balfour, antisémite notoire qui ne voulait pas de juifs en Grande-Bretagne et qui, en 1917, leur octroya le droit d’avoir un «  foyer juif  » en Palestine. Les colons s’y installèrent, achetèrent des terres aux grands propriétaires absents ou les dérobèrent. Le Fonds national juif gérait l’appropriation des terres. Dans les années 1930, l’arrivée au pouvoir des nazis en Allemagne précipita l’émigration des juifs, d’autant que les pays où ils souhaitaient s’installer, comme les USA, leur refusaient l’accueil. Le mandat britannique permit « des vagues d’émigrations, principalement de Russie, de Pologne et d’Allemagne. Les colons juifs mettent en place des structures étatiques  : une armée juive, une radio nationale, une université hébraïque, un système de santé, etc.  »

La colonisation anglaise – et juive – déclencha en 1929 et 1936-39 des révoltes palestiniennes violemment réprimées par les troupes anglaises. L’identité palestinienne s’affirmait, face aux deux occupations de la terre.

Puis vint la funeste résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations unies, le 29 novembre 1947, sous pression sioniste et des USA, qui décréta la partition de la Palestine [1].

En 1948, la Grande-Bretagne décida de remettre son mandat à l’ONU et, dès le départ des forces britanniques, le 14 mai, Ben Gourion, dirigeant du mouvement sioniste, déclara unilatéralement l’indépendance d’Israël sur la partie de la Palestine lui étant attribuée, déclenchant la réaction militaire de plusieurs pays arabes. La guerre, gagnée par Israël, prendra fin en 1949. Les gains territoriaux d’Israël laissèrent la Palestine dépecée.

Pendant cette période, de nombreux massacres furent commis par les milices Haganah, Irgoun, Lehi, qui deviendront l’armée israélienne, puis par les troupes israéliennes qui faisaient régner la terreur afin de chasser les Palestiniens pour s’emparer de la terre et des ressources. Quelque 600 villes, villages et quartiers furent rasés ou partiellement détruits, et environ 800 000 personnes sur 1,5 million furent déplacées de force, réduites à l’état de réfugié·es. Entreprise d’effacement de la mémoire palestinienne, les noms de lieux furent modifiés et «  des villages juifs ont été construits à la place des villages arabes. […] Il n’y a pas un seul endroit construit dans ce pays qui n’ait eu auparavant une population arabe.  » [2]

Le 10 mars 1948 les sionistes finalisèrent le plan Daleth qui visait à expulser les Palestiniens  : «  intimidations massives, siège et pilonnage de villages et de quartiers, incendie des biens immobiliers, expulsions, démolitions, pose de mines dans les décombres pour empêcher les retours   »  [3]. Selon Ilan Pappé, «  À vingt-neuf heures de la fin du mandat, presque tous les villages du nord-ouest de la Galilée – qui se trouvaient tous sur le territoire dévolu aux Arabes – avaient été détruits  » [4].

Les Palestiniens poussés à l’exil se réfugièrent dans des camps disséminés en Palestine et dans les pays voisins. Partis précipitamment, avec l’idée de revenir vite, ils emportèrent la clé de leur foyer, devenue symbole du retour.

Un autre événement majeur dans ce processus colonial fut la guerre de 1967 qui scella l’occupation de Gaza et de la Cisjordanie, dont Jérusalem, et qui mena à nouveau environ 300 000 Palestiniens vers l’exil, parfois pour la deuxième fois, et vers les camps de réfugiés. D’autres subirent le déplacement interne, sur le territoire occupé.

Les camps et le droit au retour

En décembre 1949, les Nations unies créèrent – pour un an – l’UNWRA [5], organisme dévolu aux réfugiés de Palestine afin de leur fournir des services de base, éducation, santé, aide financière. Soixante-quinze ans plus tard, l’UNWRA continue, malgré de nombreux obstacles, à jouer un rôle clé dans l’aide à une population très souvent paupérisée, vivant dans des conditions insalubres, frappée par le chômage dans des camps surpeuplés et souvent victime de discrimination dans les pays hôtes.

On compte aujourd’hui 58 camps de l’UNWRA et quelque 8 millions de réfugiés sur les 12 millions de Palestiniens dans le monde. Plus de 5 600 000 sont enregistrés par l’UNWRA, qui les définit comme «  les personnes dont le lieu de résidence normal était la Palestine durant la période du 1er juin 1946 au 15 mai 1948, et qui ont perdu leur maison et leurs moyens de subsistance en raison du conflit de 1948  », ainsi que leurs descendants.

Le droit au retour, inscrit dans le droit international [6], garantit aux réfugiés qu’ils pourront rentrer chez eux ou recevoir compensation. Israël a toujours refusé ce droit dont la reconnaissance implique d’accepter la responsabilité de la situation, du crime initial. Les réfugiés continuent d’exiger leur dû, alors que le processus colonial continue.

L’offensive coloniale actuelle

Tous les gouvernements israéliens ont fait de la colonisation leur priorité avec une constante  : il faut le plus de terre possible avec le moins de Palestiniens. Aujourd’hui, en Cisjordanie occupée, on compte près de 600 000 colons dont environ 200 000 à Jérusalem. Leurs exactions sont quotidiennes  : provocations à Jérusalem, violence intense contre les civils palestiniens, destruction des arbres etc., à quoi s’ajoutent les attaques récurrentes de l’armée d’occupation, bénéficiant d’une totale impunité. Le gouvernement vient en outre de légaliser des colonies «  sauvages  ». Pire encore, l’arrivée au pouvoir en Israël de l’extrême droite fascisante renforce cette violence, surtout à l’encontre des jeunes et des camps. Les raids militaires se multiplient, à Jénine, Naplouse, Shu’fat, dans la vallée du Jourdain, au sud d’Hébron (Masafer Yatta…) et les arrestations et les morts s’accumulent. À Jérusalem-Est aussi il faut faire taire toute résistance à l’occupation, faire plier et partir les Palestiniens par la terreur, les priver de leurs maisons et outils de travail, les priver de leur droit de résidence, empêcher leur mobilité, l’accès aux soins et à l’éducation. Il faut «  finir ce qui ne l’a pas été en 48  » comme disait Sharon.

La colonisation et l’apartheid qui l’accompagnent sont des crimes de guerre et même contre l’humanité, les criminels israéliens relèvent de la Cour pénale internationale. Pour mettre fin à cette Nakba qui continue, les États garants du droit, dont la France, doivent agir au lieu d’être «  consternés  ». Ils se déshonorent à déplorer des morts israéliens sans jamais un mot pour les dizaines de Palestiniens que l’occupation assassine quotidiennement. Ils se déshonorent à appuyer par leur silence la colonisation et les crimes qu’elle engendre.

[1] La résolution votée n’a pas de valeur contraignante, n’ayant pas été validée par le Conseil de sécurité. Au bout de deux votes et de nombreuses
pressions, notamment sur la France, 33 États sur les 57 membres votèrent pour, 13 contre, 10 s’abstenant.

[2https://www.monde-diplomatique.fr/mav/157/A/58325 : Déclaration de Moshé Dayan en 1969.

[3Atlas des Palestiniens, p13. Blanc/Chagnollaud/Souiah.

[4] Ibidem.

[5] United Nations Works and Relief Agency – Office des nations unies pour les réfugiés de Palestine

[6] Résolution 194 des Nations unies, Déclaration universelle des droits de l’homme.

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PALESTINE – OUVRONS LES YEUX – RAFAH, NE LAISSONS PAS FAIRE – SAMEDI 11 MAI 2024 – 15H METRO Saint Sever

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MANIFESTATION DU 1er MAI A ROUEN

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LE 1er MAI AVEC LA PALESTINE A ROUEN

2024-05-01 Un 1er mai de solidarité avec la Palestine et les travailleurs et travailleuses palestinien

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QUELQUES VIDEOS depuis le 7 octobre 2024

 

  • 2024-03-21 La Cour nationale du droit d’asile – CNDA juge que la Bande de Gaza connaît une situation de violence aveugle d’intensité exceptionnelle : Ce jugement doit faciliter l’obtention du droit d’asile par les gazaouis. Encore faudrait-il qu’ils puissent sortir sans être rackettés par l’Égypte…

http://www.cnda.fr/La-CNDA/Actualites/BANDE-DE-GAZA.-La-Cour-juge-que-la-Bande-de-Gaza-connait-une-situation-de-violence-aveugle-d-intensite-exceptionnelle

  • L’évangélisme sioniste et son influence sur la politique américaine au Proche Orient,  par Antoine Fleyfel, philosophe et théologien au Collège des Bernardins et à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth

 

https://www.youtube.com/watch?v=iOmLmM1IWew

 

  • stop arming

https://mail.google.com/mail/u/0/?pli=1#inbox/FMfcgzGxSRGfcSHXPCNzXHHjjJqpdplg?projector=1

 

  • Arrêt sur images : rechercher Israël/Palestine

https://www.arretsurimages.net/emissions/arret-sur-images/israel-palestine-la-musique-quon-entend-ne-tient-pas-compte-de-laspect-colonial

 

  • dans l’émission « En quête de politique » :L’antisionisme est-il forcément un antisémitisme ?
    Shlomo SandHistorien israélien spécialisé dans l’histoire contemporaine

Eva Illouz Sociologue

Pierre Stambul Auteur

René Guez Militant

PODCAST : 49 min
            https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/en-quete-de-politique/en-quete-de-politique-du-samedi-30-mars-2024-7417023

 

  • On peut voir la conférence publique à laquelle Francesca Albanese a participé à l’université de Genève, la veille de sa présentation à l’ONU, ici :

 

https://pressclub.ch/conflit-israelo-palestinien-lhumanitaire-face-aux-dereglements-du-monde-rencontre-avec-francesca-albanese/

 

  • 2024-04-01 hôpital al shifa

https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/en-images-guerre-a-gaza-decouvrez-l-ampleur-des-degats-a-l-hopital-al-chifa-apres-le-retrait-des-troupes-israeliennes_6460802.html

 

  • Naufrage médiatique

https://www.youtube.com/watch?app=desktop&si=tF9gqXyXgQU7O_3Y&v=e5WwkBARVPA&feature=youtu.be

 

 

  • 2024-03-31

https://www.chroniquepalestine.com/hasbara-la-desinformation-est-une-arme-israelienne-de-destruction-massive/

 

 

 

  • Action carrefour mont saint aignan samedi 6 avril 2024

 

https://www.youtube.com/watch?v=H8Ettxv3_vk&authuser=0

  • 3 articles

https://www.middleeasteye.net/fr/reportages/guerre-gaza-les-palestiniens-fouillent-les-decombres-mains-nues-pour-retrouver-leurs

https://www.middleeasteye.net/fr/opinion-fr/guerre-gaza-alors-que-tous-les-regards-sont-rives-sur-rafah-israel-renforce-son-controle

https://www.middleeasteye.net/fr/reportages/dans-une-colonie-de-cisjordanie-des-israeliens-elevent-des-vaches-rousses-et-planifient

https://www.amnesty.be/infos/actualites/civils-cibles-rafah?utm_source=email&utm_medium=email-newsletter&utm_campaign=2024-newsletter-article-03-15

  • une interview intéressante de Thomas Vescovi le 5 avril sur France Culture

Opposition grandissante en Israël : Netanyahou est-il vraiment menacé ?

 

 

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COMMUNIQUÉ DU PIPD Sondage d’opinion : comment 5 pays européens perçoivent les questions palestiniennes

>> Lire le communiqué et le rapport sur le site de l’AFPS

Ramallah – 16 Avril 2024

SONDAGE – La moitié des Français en âge de voter soutient l’interdiction du commerce des armes avec Israël (51%), un Francais sur trois (34 %) pense qu’il est vrai de dire qu’Israël mène un génocide contre le peuple palestinien (bien plus que ceux qui s’y opposent) selon un nouveau sondage réalisé par Yougov et commandé par l’Institut Palestinien Pour la Diplomatie Publique.

Le sondage, réalisé dans cinq pays européens (Belgique, France, Allemagne, Italie et Suède), auprès d’un échantillon représentatif de l’ensemble de la population, montre aussi que les jeunes (18-24 ans) sont d’autant plus sensibilisés à la violation des droits des Palestiniens (55% estiment qu’il est vrai de dire qu Israël commet un génocide, et parmi ceux qui sont au courant de l’allégation d’Apartheid, 70% pensent que c’est exact). Une différence générationnelle qui se dessine clairement, avec la fameuse « génération Z » qui pourrait marquer un tournant important à l’avenir.

Le sondage révèle également qu’une très faible minorité (8%) estime que le gouvernement a adopté la bonne position en ce qui concerne la situation actuelle à Gaza, et qu’une proportion significative (37 %) pense qu’il est probablement approprié de qualifier la politique et l’action d’Israël de « colonialisme ».

Dans l’ensemble, plus de la moitié des français déclarent manquer de connaissances et d’opinions sur la question (53% déclarent être peu ou pas du tout au courant sur les questions concernant les Palestiniens et leurs droits).

Alors que qualifier la politique d’Israël comme mettant en place un « apartheid » contre les Palestiniens n’est pas un fait bien connu comme le montrent les données (plus de 69% disent qu’ils n’ont jamais entendu cette affirmation ou ne savent pas), parmi les Français adultes qui ont un avis sur la question, la moitié considère la politique israélienne comme du colonialisme (58%) et de l’apartheid (47%).

Le sondage révèle également que parmi ceux qui expriment une opinion, la majorité (30 %) perçoit les médias comme étant biaisés en faveur d’Israël plutôt qu’impartiaux, tandis que la censure par les réseaux sociaux est également une tendance bien reconnue (45 % pensent que les réseaux sociaux restreignent le contenu palestinien ou le contenu critiquant Israël). Ces résultats corroborent les études quantitatives réalisées sur le biais des médias en France, aux États-Unis et au Royaume-Uni, ainsi que les rapports sur la censure considérables par les plateformes.

Des dizaines de milliers de personnes continuent de descendre dans la rue et se mobiliser pour dénoncer le génocide à Gaza et la complicité du gouvernment qui a choisi de continuer sa coopération et ses relations avec le régime israélien tout en criminalisant et réprimant la solidarité avec la Palestine. Le sondage et les données ne trompent pas : la politique du gouvernement n’est clairement pas en phase avec l’opinion publique » a déclaré Inès Abdel Razek, Directrice de l’Insstitute Palestinien pour la Diplomatie Publique.

Le soutien conséquent de la population adulte à l’interdiction du commerce des armes avec Israël est concomitant avec l’action en justice menée par plusieurs ONG françaises afin de suspendre les livraisons d’armes à Israël, révélée le 11 avril.

Les jeunes (18-24 ans) comprennent également mieux que les autres l’intersection des questions de justice sociale, avec une grande proportion de jeunes qui pensent que la Palestine et les droits des Palestiniens sont des questions liées à la lutte contre le racisme (62%), à la liberté (74%) et à la lutte pour l’égalité (63%), ce qui donne un grand potentiel pour des alliances plus larges et une mobilisation autour de valeurs partagées.

Dans l’ensemble, il reste encore beaucoup à faire en sorte que les gens soient mieux informés et éduqués sur les questions palestinienne, ce à quoi notre mouvement continuera de s’atteler.

A propos de l’enquête
Cette enquête a été réalisée au moyen d’entretiens en ligne avec des membres du panel YouGov Plc Global-Panels, composé de plus de 2.4 millions de personnes dans 55 pays ayant accepté de participer à des enquêtes. Les participants ont été sélectionnés au hasard dans le panel et invités par courrier électronique à participer, avec un lien vers l’enquête, conformément à la définition de l’échantillon(la définition de l’échantillon pouvait être « population adulte française » ou un sous-ensemble tel que « femmes adultes françaises »).

YouGov Plc obtient généralement des taux de réponse compris entre 35 % et 50 %, qui varient en fonction du sujet, de la complexité du questionnaire et de sa longueur.

L’échantillon total était composé de 1 283 adultes et a été pondéré pour être représentatif de tous les adultes en France (âgés de plus de 18 ans). L’échantillon a été pondéré pour correspondre au profil de la définition de l’échantillon, généralement dérivé du recensement ou de données acceptées par l’industrie.

L’enquête a été réalisée en ligne du 11 au 18 mars 2024. Tous les chiffres, sauf indication contraire, proviennent de YouGov Plc.

A propos du PIPD
Le Palestine Institute for Public Diplomacy (PIPD) est une organisation non gouvernementale indépendante qui se consacre à la diplomatie citoyenne du peuple palestinien pour a libération, et s’efforce de renforcer le mouvement Palestinien afin de faire face aux injustices subies, ainsi qu’aux systèmes, structures et arrangements géopolitiques qui les perpétuent.

Dans notre travail de sensibilisation et de campagne, nous privilégions une approche profondément collaborative, en nous engageant avec d’autres voix palestiniennes, des groupes organisés en Palestine et dans la diaspora, ainsi qu’avec des mouvements politiques et sociaux dans le monde entier. Nous renforçons notre stratégie de plaidoyer en nous engageant directement auprès des décideurs politiques internationaux, des leaders d’opinion et des médias, là où les Palestiniens peuvent construire et amplifier leur influence sur les transformations politiques et géopolitiques. En tant qu’acteur crédible, nous entretenons des contacts avec des diplomates, des parlementaires, des journalistes, des universitaires et d’autres acteurs dans le monde entier.

L’équipe et le conseil d’administration du PIPD, basés en Palestine et à l’étranger, s’efforcent d’adopter et de promouvoir un modèle institutionnel fondé sur des valeurs d’inclusion, d’équité, d’interdépendance et de solidarité.

Association France Palestine Solidarité (AFPS)
21 ter Rue Voltaire 75011 Paris
Tél. : 01 43 72 15 79
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Colonisation en Cisjordanie : l’article à lire pour comprendre pourquoi la guerre entre Israël et le Hamas a ravivé les tensions dans le territoire occupé

Fabien Magnenou  France Télévisions   Publié le 24/11/2023

Une vue de l’avant-poste israélien d’Eviatar, en Cisjordanie occupée, le 10 avril 2023. (JAAFAR ASHTIYEH / AFP)

Dans ce territoire occupé depuis 1967 par l’Etat hébreu, plus de 200 personnes ont été tuées par des colons et des soldats israéliens depuis les attaques du Hamas le 7 octobre, selon le bilan du ministère de la Santé palestinien.

Routes bloquées, raids armés, puits attaqués… Les Palestiniens des villages de Cisjordanie occupée disent subir le harcèlement croissant des colons israéliens, plus menaçants depuis le début de la guerre entre l’Etat hébreu et le Hamas. Ces violences replacent la question de la colonisation israélienne de ce territoire palestinien au centre de l’attention internationale, alors qu’en parallèle l’armée israélienne poursuit ses opérations dans la bande de Gaza.

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La Cisjordanie, située sur la rive occidentale du fleuve Jourdain, est morcelée depuis des décennies entre les communes palestiniennes et des colonies israéliennes toujours plus nombreuses. Les attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre et sa riposte depuis un mois et demi ont ravivé les tensions suscitées par ce mouvement de colonisation, considéré comme l’un des principaux obstacles à la paix dans la région. Franceinfo vous en expose les principaux enjeux.

Quelle est la situation en Cisjordanie depuis le 7 octobre ?

La Cisjordanie, où vivent 2,8 millions de Palestiniens, est un territoire occupé depuis 1967 par Israël. La situation y était déjà tendue avant le début de la guerre, avec des raids réguliers menés par les forces israéliennes. Mais l’attaque commise par le Hamas, qui s’est soldée par la mort d’au moins 1 200 Israéliens, et la réponse militaire de Tsahal dans la bande de Gaza, ont vu bondir les incidents entre colons israéliens et Palestiniens. Depuis le 7 octobre, le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaire (Ocha) recense en moyenne plus de six « incidents » par jour entre colons et Palestiniens, contre une moyenne de trois au cours des mois précédents.

« Les attaques de colons se sont multipliées depuis un ou deux ans alors que les périodes de confinement durant la pandémie de Covid-19 ont permis une colonisation accrue, analyse sur franceinfo l’historienne Stéphanie Latte Abdallah. Mais ce processus s’accélère depuis le 7 octobre avec des expulsions, notamment de populations bédouines. » L’armée israélienne, par exemple, a coupé les accès nord et sud de la localité de Huwara, conséquence des opérations punitives menées ces derniers mois par les colons.

Les diplomaties européennes et américaine ont condamné à plusieurs reprises la hausse des violences des colons israéliens contre les civils palestiniens. Depuis le 7 octobre, plus de 200 Palestiniens ont été tués par des colons et des soldats israéliens en Cisjordanie, selon le ministère de la Santé palestinien. A ce stade, ces chiffres ne peuvent pas être confirmés par une source indépendante.

Quelle partie de la Cisjordanie est administrée par Israël ?

En 1993, les accords d’Oslo ont mis en place une Autorité palestinienne. Et deux ans plus tard, un accord intérimaire a réparti les rôles entre les deux parties, afin d’initier un processus transitoire aboutissant à deux Etats. L’Autorité palestinienne a reçu la charge d’assurer la sécurité et l’administration d’une zone A (voir la carte ci-dessous), composée notamment des grandes villes. Elle gère également l’administration de la zone B, dont la sécurité est en revanche confiée à Israël. L’Etat hébreu, quant à lui, assure les deux missions dans la zone C, qui couvre 60% du territoire de la Cisjordanie.

Carte de la Cisjordanie occupée. (PAULINE LE NOURS / FRANCEINFO)

Mais l’idée était alors « d’aboutir à un Etat palestinien, avec une évacuation progressive par les Israéliens », rappelle Jean-Paul Chagnollaud, président de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient (Iremmo). Un calendrier de cinq ans avait d’ailleurs été prévu à cet effet. Mais ce processus a volé en éclats avec l’assassinat du Premier ministre israélien Yitzhak Rabin, en 1995, le refus du Hamas de reconnaître ces accords, la poursuite de la colonisation israélienne et la seconde intifada (2000-2005). Ce qui devait être provisoire a donc perduré.

Quelle est l’ampleur de la colonisation ?

Au total, 146 colonies de peuplement sont implantées en Cisjordanie, selon l’ONG israélienne PeaceNow, qui se décrit comme un mouvement sioniste de gauche prônant une solution à deux Etats. Il faut également y ajouter 144 « avant-postes », des colonies qui ne sont pas reconnues par l’administration israélienne.

Plus de 470 000 personnes vivent dans les colonies israéliennes de Cisjordanie. Cela représente aujourd’hui 5% de la population israélienne, et le nombre d’habitants dans ces implantations progresse, selon les chiffres du Bureau central des statistiques israélien, au rythme moyen de 10 000 nouvelles personnes par an.

Certaines colonies peuvent atteindre plusieurs dizaines de milliers d’habitants, quand d’autres s’apparentent à de simples lotissements. Avant le 7 octobre, Israël poursuivait notamment la construction de 6 300 unités, ce qu’avait dénoncé fin septembre le Coordonnateur spécial des Nations unies pour le processus de paix, Tor Wennesland.

Comment les colonies ont-elles vu le jour ? 

En Israël, la Cisjordanie est désignée comme la Judée-Samarie, en référence aux deux provinces antiques du peuple juif. Les premières colonies juives se sont développées au début du XXe siècle, dans ce qui deviendra Israël, à la suite des différents pogroms perpétrés en Europe de l’Est. Après la fin du mandat britannique, en 1948, la région a été annexée par la Jordanie, et la Cisjordanie a fait juridiquement partie du royaume hachémite de Jordanie. Lors de la guerre des Six Jours, en 1967, Israël a occupé la Cisjordanie, la bande de Gaza, le Sinaï et le Golan. La même année, une première colonie juive est apparue à Hébron (sud de la Cisjordanie), avec une communauté juive qui préexistait à la création d’Israël.

Mais la colonisation s’et développée en particulier avec l’arrivée au pouvoir en Israël de Menahem Begin, en 1977. « Celui-ci mise sur l’appui électoral des Mizrahim [les Juifs orientaux], qui avaient été délaissés par le pouvoir travailliste, dominé par les Ashkénazes », les Juifs originaires d’Europe centrale ou orientale, explique Riccardo Bocco, professeur émérite à l’Institut de hautes études internationales et du développement (Iheid).

En 1995, 134 000 personnes vivaient dans des colonies reconnues par Israël en Cisjordanie, selon le Bureau central des statistiques israélien (en PDF). Une population qui atteignait 280 000 personnes en 2008, 465 400 en 2021 et 478 600 fin 2022, selon les derniers chiffres disponibles (plus de 700 000 en intégrant Jérusalem-Est).

Quelles sont les conséquences au quotidien pour les Palestiniens ?

Cette colonisation, aussi éclatée soit-elle, suit une certaine logique. « Il s’agit d’ensembles cohérents, la plupart du temps en haut des collines, qui encerclent les Palestiniens considérés comme des minorités », détaille Jean-Paul Chagnollaud, spécialiste du sujet. Ce principe était déjà présent dans le plan de Menahem Begin, à la fin des années 1970. Avec, en arrière-plan, des considérations militaires pour assurer la sécurité d’Israël.

Une route sinueuse en Cisjordanie occupée, entre la colonie israélienne de Givat Zeev (à gauche) et un village palestinien proche de Ramallah (à droite), le 8 septembre 2023. (AHMAD GHARABLI / AFP)

Une barrière de séparation a par ailleurs été construite par les Israëliens. Elle s’étire partiellement sur la ligne de démarcation (la « ligne verte ») issue de l’armistice de 1949 et des accords de 1967. Mais elle s’enfonce également dans le territoire cisjordanien, pour intégrer des colonies israéliennes.

Au début de l’année, l’Ocha recensait 565 obstacles à la circulation (postes de contrôle, barrages, barrières, tranchées…). « Vous savez quand vous partez de la maison le matin, mais vous ne savez pas quand vous rentrerez, résume le sociologue Riccardo Bocco. Un agriculteur peut mettre des heures pour faire le détour nécessaire, quand il possède un champ situé 300 mètres après la séparation. » 

Depuis le 7 octobre, « les restrictions d’accès, généralement imposées par les autorités israéliennes, se sont [encore] intensifiées dans toute la Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est », souligne l’Ocha. « Les colons ont également imposé des restrictions de déplacements, bloquant les routes d’accès aux communautés palestiniennes. » Et ce, alors que la saison de la récolte des olives, qui représente une source de revenus important dans le territoire palestinien, bat son plein.

Qui sont les colons israéliens ?

« Certains colons se transfèrent en Cisjordanie parce que l’Etat israélien crée des conditions économiques favorables, permettant par exemple d’avoir une maison et d’accéder à une classe moyenne », explique Riccardo Bocco.

Certaines colonies sont également fondées par des ultra-orthodoxes et/ou des nationalistes, pour des raisons idéologiques fondées sur l’idée d’un « Grand Israël ». « Si on prend la Bible, on peut s’en servir comme GPS. Toutes ces collines qu’on voit, ce sont des endroits qui sont cités dans la Bible », déclarait en 2020 à franceinfo Laly Derai, conseillère régionale à l’époque, aujourd’hui membre du comité central du Likoud, le parti de Benyamin Nétanyahou.

Mais « les typologies sont très évolutives », nuance toutefois Jean-Paul Chagnollaud. « Ce qui est marquant aujourd’hui, c’est la présence de colons très durs idéologiquement, qui ne veulent pas imaginer la moindre concession. Certains ont un esprit d’impunité, car ils sont sûrs de leur bon droit. »

Des colons israéliens durant une prière, pendant une tentative d’établir un avant-poste près de la colonie de Talmon, le 20 juillet 2022 en Cisjordanie occupée. (GIL COHEN-MAGEN / AFP)

« Nous, les Juifs, sommes les souverains de l’Etat d’Israël et de la terre d’Israël. Ils doivent l’accepter », résume encore Daniella Weiss, une figure du mouvement de colonisation, dans un entretien accordé au New Yorker. « C’est le début de la renaissance de la nation juive dans cette patrie », ajoute cette ancienne maire de la colonie de Kedumim. Elle a cofondé le mouvement Nachala, qui organise des collectes pour fonder des avant-postes illégaux, y compris au regard du droit israélien.

Enfin, les « Jeunes des collines », un mouvement radical et suprémaciste qui ne rassemble que quelques centaines d’éléments, défraient régulièrement la chronique pour leur violence et la création d’avant-postes illégaux.

Cette colonisation est-elle légale au regard du droit international ?

L’ONU – exception faite des Etats-Unis, qui s’abstiennent – considère ces colonies de peuplement comme illégales au regard du droit international. Depuis 1967, l’assemblée générale des Nations unies a d’ailleurs adopté une dizaine de résolutions pour condamner la construction de ces colonies. En 2016, notamment, le Conseil de sécurité de l’ONU avait dénoncé « une violation flagrante du droit international », réclamant l’arrêt immédiat et complet de toutes les activités de colonisation, y compris à Jérusalem-Est. La quatrième Convention de Genève interdit également le transfert de population vers des territoires occupés.

L’Etat hébreu reconnaît-il ces colonies ?

Si les colonies sont toutes illégales au regard du droit international, Israël choisit tout de même d’en reconnaître certaines, même si toutes les installations ne sont pas officialisées de fait. Les avant-postes, créés ici et là, doivent d’abord être enregistrés dans le cadre d’une procédure, afin de devenir officiellement des colonies. Il arrive que certaines implantations soient détruites, après décision de la Cour suprême israélienne.

Le gouvernement lui-même peut également lancer des programmes de colonisation. Et certaines colonies, du fait de leur taille, sont aujourd’hui reconnues comme des villes à part entière. Ariel, Beitar Illit, Maale Adumim et Modiin Illit regroupent à elle seules 200 000 habitants, soit près de la moitié des colons de Cisjordanie occupée.

La colonie de Beitar Illit, deuxième plus grande implantation en Cisjordanie occupée, avec plus de 63 000 habitants. Ici en février 2018. (MENAHEM KAHANA / AFP)

Les bases juridiques ont par ailleurs évolué dans le temps. Dans les années 1970, seules les terres confisquées pour des « raisons de sécurité » étaient reconnues par les autorités israéliennes. A partir de 1977, le ministre de l’Agriculture Ariel Sharon a classé en « terres domaniales » des terrains palestiniens jugés abandonnés, alors qu’ils étaient en jachère. Les réserves naturelles sont également intégrées, ainsi que des terrains militaires. En somme, résume Jean-Paul Chagnollaud, « le droit israélien résulte d’un compromis au sein d’une assemblée », or « le Parlement est aujourd’hui composé majoritairement de partisans convaincus de la colonisation ».

Quel est le poids politique des colonies en Israël ?

« Beaucoup de gens aujourd’hui au gouvernement sont nés ou ont de la famille dans ces colonies », souligne Jean-Paul Chagnollaud. « Deux personnalités ont contribué à mettre le feu aux poudres en Cisjordanie », ajoute Riccardo Bocco, à commencer par le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, qui a grandi à Bet El et vit à Kedumim, la colonie de Daniella Weiss évoquée plus haut. Cofondateur du parti Mafdal, parti sioniste religieux, il considère l’existence du peuple palestinien comme une « invention ». En février, il a remporté son bras de fer contre le ministère de la Défense. Il supervise, depuis, la colonisation en Cisjordanie occupée, et tente notamment de simplifier les procédures d’enregistrement des avant-postes sauvages.

Autre soutien de poids à la colonisation : le ministre de la Sécurité nationale israélien, Itamar Ben Gvir. Trois jours après les attaques du Hamas en Israël, il a distribué des fusils d’assaut à des colons. Il a également annoncé l’achat de 10 000 armes, afin de créer « une équipe de protection civile ».

Le ministre de la Sécurité nationale israélien, Itamar Ben Gvir, devant des fusils d’assaut distribués à des groupes volontaires civils, le 27 octobre 2023 à Ashkelon (Israël). (HANNIBAL HANSCHKE / MAXPPP)

Le port d’armes est également encouragé auprès des civils et le délai d’obtention a été raccourci. Pas moins de 40 000 demandes ont déjà été validées. Ces dernières années, plusieurs personnalités israéliennes issues de l’extrême droite et de la droite dure ont même réclamé l’annexion pure et simple de la Cisjordanie.

Je n’ai pas eu le temps de tout lire, pouvez-vous me faire un résumé ?

La colonisation de la Cisjordanie par Israël s’est réellement développée dans les années 1970 et n’a jamais cessé depuis. Au total, près de 480 000 Israéliens vivent aujourd’hui dans ce territoire palestinien (plus de 700 000 en incluant Jérusalem-Est), en infraction avec le droit international. Les implantations se développent notamment dans la zone C du territoire occupé, dont l’administration et la sécurité étaient confiées provisoirement à Israël (voir notre carte plus haut), selon les accords d’Oslo signés en 1995. Les colonies, le plus souvent situées sur les hauteurs, sont accompagnées de postes de contrôle et de différents obstacles qui compliquent la circulation entre les communes palestiniennes.

Le gouvernement israélien est favorable à ce mouvement. Il abrite en son sein des partisans d’une ligne dure, à commencer par les ministres Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir, issus de l’extrême droite. Ces derniers souhaitent aujourd’hui accélérer la reconnaissance des avant-postes, ces colonies qui ne sont pas encore enregistrées officiellement par les autorités israéliennes.

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Dévasté par la guerre, le patrimoine ancien de Gaza trouve une planche de salut en Suisse AFP / le 15 avril 2024

Le « palais de Napoléon », détruit. Le site de l’antique Anthédon, ravagé. Le seul musée privé, incendié. Le patrimoine de Gaza paye un lourd tribut à la guerre, mais par un curieux retournement de situation, une partie de ses trésors reste à l’abri en Suisse.

Chaque jour, au gré de l’accès à l’électricité et internet, l’archéologue palestinien Fadel al-Otol reçoit sur WhatsApp des photos montrant en quasi temps réel l’état des lieux des sites anciens.

Adolescent, M. Otol étudiait les pierres, avant de travailler pour des missions archéologiques européennes. Aujourd’hui, le quadragénaire formé à Genève et au Louvre, est la tour de contrôle d’un vaste réseau d’archéologues à Gaza: une quarantaine de jeunes formés pour fouiller le sol, recomposer le passé en 3D et préserver le patrimoine.

Dans la foulée de la campagne militaire lancée par Israël sur la bande de Gaza, en représailles à l’attaque du mouvement islamiste palestinien Hamas le 7 octobre, les sites archéologiques ont encaissé un coup dur, l’Unesco disant avoir confirmé jusqu’à présent des dommages sur 41 sites en se basant sur des images satellitaires. L’équipe de M. Otol, elle, travaille à ras de terre.

« Tous les vestiges archéologiques dans le nord de Gaza ont été touchés. Le site de Blakhiya (l’ancienne ville grecque d’Anthédon, NDLR) a été directement bombardé. Il y a un énorme trou. La partie du site que nous n’avions pas commencé à fouiller a été touchée », explique M. Otol à propos de ce site situé à proximité de casernes du Hamas.

Côté israélien, l’attaque du 7 octobre a entraîné la mort de plus de 1.170 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l’AFP à partir de données officielles israéliennes. Dans la bande de Gaza, les représailles israéliennes ont fait plus de 33.700 morts, surtout des civils, selon le ministère de Santé du Hamas. Et entraîné des destructions énormes.

« Du chamboulement »

« Dans la vieille ville de Gaza, le palais al-Bacha est complètement détruit. Il y a eu des bombardements et les bulldozers sont passés dessus. Il y avait des centaines d’objets anciens et de magnifiques sarcophages », dit M. Otol, joint par téléphone, avant de partager des photos récentes des lieux en ruines.

Ce palais de pierre sable ocre avait été érigé à partir du XIIIe siècle et était connu par les Palestiniens de Gaza pour avoir hébergé à la toute fin du XVIIIe siècle Bonaparte lors de la campagne d’Egypte.

« Nos meilleures trouvailles avaient été exposées dans le Bacha. Quelqu’un a-t-il sorti des objets avant d’exploser le bâtiment? Nous ne savons que très peu de choses » à ce stade, souligne Jean-Baptiste Humbert, de l’Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem (Ebaf).

En Israël et dans les Territoires palestiniens, l’archéologie est un sujet hautement politique, de nombreuses découvertes ayant été instrumentalisées pour justifier les revendications des uns et des autres.

Si Israël dispose d’un arsenal d’archéologues qui rend compte d’un nombre impressionnant de trésors antiques, ce secteur est resté davantage en friche à Gaza, et ce malgré un riche passé qui s’étire sur des millénaires et dont des vestiges étaient stockés à l’entrepôt de l’Ebaf et au musée du palais al-Bacha.

Les soldats israéliens sont entrés dans l’entrepôt de l’Ebaf dans la ville de Gaza, le directeur des Antiquités israéliennes, Eli Escusido, postant sur Instagram une vidéo de militaires entourés de vases et de poteries anciennes, ce qui a suscité de vives réactions palestiniennes accusant l’armée de piller le site.

« Mes collègues ont pu retourner sur les lieux. Il y a eu du chamboulement. Les soldats ont ouvert des caisses. On ne sait pas s’ils ont pris quelque chose », explique à l’AFP l’archéologue et chercheur à l’Ebaf, René Elter, disant toutefois ne pas avoir constaté une volonté de « pillage d’Etat ».

« Tous les jours lorsque Fadel m’appelle, j’ai peur qu’il m’apprenne qu’un de nos collègues est décédé ou qu’il me dise que tel site a été détruit », dit-il.

« Le sang du Christ »

Seul mouillage offrant une protection naturelle entre le Sinaï et le Liban, Gaza a été pendant des siècles un carrefour des civilisations, un relais entre l’Afrique et l’Asie, une plaque tournante du commerce de l’encens, suscitant tour à tour les convoitises des Egyptiens, des Perses, des Grecs, des Romains, des Ottomans…

Au cours des dernières décennies, ce passé glorieux a été foré par les ouvriers de Jawdat Khoudary, un collectionneur privé. Dans les années 1990, après les accords d’Oslo et la création de l’Autorité palestinienne, Gaza a connu un boom immobilier.

Or, lorsque les ouvriers piochent le sol, ils découvrent des objets antiques. Magnat local du BTP, M. Khoudary accumule des objets dans sa résidence, un trésor qu’il ouvre aux archéologues étrangers sur place parmi lesquels le dominicain Jean-Baptiste Humbert, pilier des fouilles d’Anthédon.

En 2004, le Frère Humbert invite à Gaza son collègue Marc-André Haldimann, alors conservateur du Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH), fasciné par des fouilles ayant permis d’exhumer à la cathédrale Saint-Pierre de Genève des amphores anciennes venant de Gaza, car au début de la chrétienté, rappelle-t-il, « c’était le vignoble le plus proche de Jérusalem et donc représentant le mieux le sang du Christ ».

Colonnes byzantines

Arrivé à Gaza, dans les jardins de M. Khoudary, l’archéologue genevois n’en croit pas ses yeux. « On s’est retrouvé devant 4.000 objets dont une allée de colonnes byzantines », dit-il à l’AFP.

Une idée se concrétise alors: organiser une grande exposition du passé gazaoui au MAH, puis construire à Gaza un musée pour que les Palestiniens puissent s’approprier leur propre patrimoine.

Fin 2006, environ 260 objets de la collection Khoudary quittent Gaza pour Genève. Et au printemps, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, y inaugure l’exposition regroupant la collection Khoudary et des objets anciens présentés des années plus tôt à l’Institut du monde arabe (IMA) à Paris.

L’exposition est un succès. Mais la géopolitique change en cours de route. Juin 2007, le Hamas chasse l’Autorité palestinienne de Gaza. Et Israël impose son blocus.

Résultat: les objets gazaouis ne peuvent plus rentrer chez eux et restent coincés à Genève tandis que le projet de musée archéologique s’évanouit faute de relais politique à Gaza pour le mettre en oeuvre.

Mais M. Khoudary ne désespère pas. Il construit lui-même un lieu d’exposition qui prendra la forme d’un musée-hôtel, al-Mathaf (« musée », en arabe), situé sur le bord de la Méditerranée, au nord de la ville de Gaza.

Or, l’offensive israélienne menée après l’attaque du 7 octobre commence justement par le nord de Gaza. « Al-Mathaf est resté des mois sous contrôle israélien. Dès qu’ils sont partis, j’ai demandé à des gens de s’y rendre pour voir dans quel état étaient les lieux. Et j’ai été choqué. Il manquait plusieurs objets et le hall a été incendié », affirme à l’AFP M. Khoudary, qui a quitté Gaza pour l’Egypte.

Et sa maison de Cheikh Radwane, quartier du nord de la ville de Gaza théâtre de violents affrontements, a été détruite: « les Israéliens ont aplani le jardin avec des bulldozers (…). Je ne sais pas si des objets ont été enfouis (par les bulldozers) ou si les colonnes de marbre ont été brisées ou pillées. Je ne trouve pas les mots ».

Interrogée, l’armée israélienne n’a pas commenté ces destructions spécifiques, mais plutôt accusé le Hamas d’utiliser des hôpitaux, des écoles et des sites patrimoniaux à des fins militaires. « Israël respecte ses engagements envers le droit international, notamment en garantissant la protection spéciale (au patrimoine, ndlr) », a-t-elle ajouté dans un communiqué.

« Lieu lumineux »

Si une partie de la collection locale de M. Khoudary est perdue, celle en Suisse reste intacte. Une demande en 2016 de restitution à l’Autorité palestinienne des objets encore à Genève n’a pu se concrétiser malgré un travail pour y donner suite, explique à l’AFP Béatrice Blandin, actuelle conservatrice au MAH.

« On a fait un inventaire, on a rédigé un protocole d’accord précisant les conditions du retour. On a restauré certaines pièces en bronze qui étaient légèrement corrodées et on a tout remballé et mis en caisse. Il y avait 106 caisses qui étaient prêtes au départ », détaille-t-elle: « Il fallait juste avoir l’assurance que le convoi ne soit pas bloqué puisqu’il devait traverser le territoire israélien (…). On attendait ce feu vert mais on ne l’a pas eu encore ».

Loin de la guerre qui fait rage à Gaza, « les objets sont toujours en bonne condition », assure Mme Blandin, précisant que des « discussions étaient en cours » pour sortir ce patrimoine de l’ombre et organiser une nouvelle exposition en Suisse.

Au bout du fil, en Egypte, M. Khoudary trépigne à l’idée: « la plus importante collection d’objets sur l’histoire de Gaza est à Genève. S’il y a une nouvelle exposition cela permettra au monde entier de connaître notre histoire ».

« C’est quasiment une ironie de l’Histoire », renchérit M. Haldimann. « Une nouvelle expo Gaza permettrait de montrer à nouveau que Gaza est un lieu lumineux (…), que c’est tout sauf un trou noir », dit-il en se mobilisant pour permettre à son ami Fadel al-Otol de quitter Gaza pour gagner la Suisse.

 

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Yanis Varoufakis : le discours prévu à Berlin avant que la police ne mette fin au congrès sur la Palestine

14.04.24

Le discours que je n’ai pas pu prononcer parce que la police allemande a fait irruption dans notre salle à Berlin pour mettre fin à notre congrès sur la Palestine (dans le style des années 1930). Jugez par vous-même du type de société que l’Allemagne est en train de devenir lorsque sa police interdit les propos suivants.

Mes amis,

Félicitations et remerciements sincères pour votre présence, malgré les menaces, malgré le dispositif policier renforcé devant cette salle, malgré la panoplie de la presse allemande, malgré l’État allemand, malgré le système politique allemand qui vous diabolise pour votre présence.

« Pourquoi un Congrès sur la Palestine, M. Varoufakis ? », m’a demandé récemment un journaliste allemand. Parce que, comme l’a dit Hanan Asrawi : « Nous ne pouvons pas nous appuyer sur les personnes réduites au silence pour nous faire part de leurs souffrances ».

Aujourd’hui, la réponse d’Asrawi est confortée de manière déprimante : nous ne pouvons pas compter sur les personnes réduites au silence, qui sont également massacrées et affamées, pour nous parler des massacres et des privations de nourriture.

Mais il y a aussi une autre raison : parce qu’un peuple fier et respectueux, le peuple allemand, est entraîné sur la voie périlleuse d’une société sans cœur en étant lui-même associé à un nouveau génocide.

Je ne suis ni Juif ni Palestinien. Mais je suis incroyablement fier d’être ici parmi des Juifs et des Palestiniens – de mêler ma voix pour la paix et les droits humains universels aux voix juives pour la paix et pour les droits humains universels – aux voix palestiniennes pour la paix et pour les droits humains universels. Le fait d’être ensemble, ici, aujourd’hui, est la preuve que la coexistence est non seulement possible, mais qu’elle est déjà présente !

« Pourquoi pas un congrès juif, M. Varoufakis ? », m’a demandé le même journaliste allemand, s’imaginant être intelligent. J’ai bien accueilli sa question.

Car si un seul Juif est menacé, où que ce soit, simplement parce qu’il est juif, je porterai l’étoile de David à ma boutonnière et j’offrirai ma solidarité – quoi qu’il en coûte.

Alors, soyons clairs : si les Juifs étaient attaqués, n’importe où dans le monde, je serais le premier à demander un congrès juif pour exprimer notre solidarité.

De même, lorsque des Palestiniens sont massacrés parce qu’ils sont Palestiniens – en vertu d’un dogme selon lequel les morts sont forcément des membres du Hamas – je porterai mon keffieh et j’offrirai ma solidarité, quoi qu’il en coûte.

Les droits humains universels sont universels ou ils ne signifient rien.

C’est dans cet esprit que j’ai répondu à la question du journaliste allemand par quelques unes de mes propres questions :

  • Est-ce que 2 millions de Juifs israéliens, qui ont été chassés de leurs maisons et enfermés dans une prison à ciel ouvert il y a 80 ans, sont toujours détenus dans cette prison à ciel ouvert, sans accès au monde extérieur, avec un minimum de nourriture et d’eau, sans aucune chance d’avoir une vie normale, ni de voyager, et bombardés périodiquement depuis 80 ans ? Non.
  • Est-ce que les Juifs israéliens sont intentionnellement privés de nourriture par une armée d’occupation, leurs enfants à même le sol, hurlant de faim ? Non.
  • Est-ce qu’il y a des milliers d’enfants juifs blessés, sans parents survivants, qui rampent dans les décombres de ce qui était leurs maisons ? Non.
  • Est-ce que les Juifs israéliens sont aujourd’hui bombardés par les avions et les bombes les plus sophistiqués du monde ? Non.
  • Est-ce que les Juifs israéliens subissent un écocide complet du peu de terre qu’ils peuvent encore appeler leur terre, qu’il ne reste plus un seul arbre sous lequel chercher de l’ombre ou dont ils peuvent goûter les fruits ? Non.
  • Est-ce que des enfants Juifs israéliens sont tués aujourd’hui par des tireurs d’élite sur ordre d’un État membre de l’ONU ? Non.
  • Est-ce que les Juifs israéliens sont aujourd’hui chassés de leurs maisons par des bandes armées ? Non.
  • Est-ce qu’Israël se bat aujourd’hui pour son existence ? Non.

Si la réponse à l’une de ces questions était oui, je participerais aujourd’hui à un congrès de solidarité avec les Juifs.

Mes amis,

Aujourd’hui, nous aurions aimé avoir un débat décent, démocratique et mutuellement respectueux sur la manière de ramener la paix et les droits humains universels pour tous, Juifs et Palestiniens, Bédouins et Chrétiens, du Jourdain à la Méditerranée, avec des personnes qui pensent différemment de nous.

Malheureusement, l’ensemble du système politique allemand a décidé de ne pas le permettre. Dans une déclaration commune, non seulement la CDU-CSU ou le FDP, mais aussi le SPD, les Verts et, fait remarquable, deux dirigeants de Die Linke, ont uni leurs forces pour faire en sorte qu’un tel débat civilisé, dans lequel nous pouvons être en désaccord, n’ait jamais lieu en Allemagne.

Je leur dis : vous voulez nous faire taire. Nous interdire. Nous diaboliser. Nous accuser. Vous ne nous laissez donc pas d’autre choix que de répondre à vos accusations par nos accusations. C’est vous qui avez choisi cela. Pas nous.

Vous nous accusez de haine antisémite

  • Nous vous accusons d’être les meilleurs amis des antisémites en mettant sur le même plan le droit d’Israël à commettre des crimes de guerre et le droit des Juifs israéliens à se défendre.

Vous nous accusez de soutenir le terrorisme

  • Nous vous accusons de mettre sur le même plan la résistance légitime à un État d’apartheid et les atrocités commises contre des civils, que j’ai toujours condamnées et que je condamnerai toujours, quels qu’en soient les auteurs – Palestiniens, colons Juifs, membres de ma propre famille, qui que ce soit.
  • Nous vous accusons de ne pas reconnaître le devoir de la population de Gaza d’abattre le mur de la prison à ciel ouvert dans laquelle elle est enfermée depuis 80 ans, et de mettre sur le même plan cet acte d’abattre le mur de la honte – qui n’est pas plus défendable que ne l’était le mur de Berlin – et des actes terroristes.

Vous nous accusez de banaliser la terreur du 7 octobre

  • Nous vous accusons de banaliser les 80 années de nettoyage ethnique des Palestiniens par Israël et la construction d’un système d’apartheid inflexible en Israël et Palestine.
  • Nous vous accusons de banaliser le soutien à long terme de Netanyahou au Hamas comme moyen de détruire la solution à deux États que vous prétendez favoriser.
  • Nous vous accusons de banaliser le terrorisme sans précédent déclenché par l’armée israélienne sur la population de Gaza, de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est.

Vous accusez les organisateurs du congrès d’aujourd’hui de, je cite, « ne pas être intéressés par la discussion sur les possibilités de coexistence pacifique au Proche-Orient dans le contexte de la guerre à Gaza ». Êtes-vous sérieux ? Avez-vous perdu la tête ?

  • Nous vous accusons de soutenir un État allemand qui est, après les États-Unis, le plus grand fournisseur d’armes que le gouvernement Netanyahou utilise pour massacrer les Palestiniens dans le cadre d’un grand plan visant à rendre impossible la solution à deux États et la coexistence pacifique entre Juifs et Palestiniens.
  • Nous vous reprochons de ne jamais répondre à la question pertinente à laquelle tout Allemand doit répondre : combien de sang palestinien doit couler avant que votre culpabilité, justifiée, à l’égard de l’Holocauste ne soit effacée ?

Soyons donc clairs : nous sommes ici, à Berlin, avec notre Congrès sur la Palestine parce que, contrairement au système politique et aux médias allemands, nous condamnons les génocides et les crimes de guerre, quels qu’en soient les auteurs. Parce que nous nous opposons à l’apartheid sur la terre d’Israël-Palestine, quel que soit celui qui a le dessus – tout comme nous nous sommes opposés à l’apartheid dans le Sud américain ou en Afrique du Sud. Parce que nous défendons les droits humains universels, la liberté et l’égalité entre les Juifs, les Palestiniens, les Bédouins et les Chrétiens sur cette terre historique qu’est la Palestine.

Et pour que nous soyons encore plus clairs sur les questions, légitimes comme pernicieuses, auxquelles nous devons toujours être prêts à répondre :

Est-ce que je condamne les atrocités du Hamas ?

Je condamne toute atrocité, quel qu’en soit l’auteur ou la victime. Ce que je ne condamne pas, c’est la résistance armée à un système d’apartheid conçu dans le cadre d’un programme de nettoyage ethnique lent mais inexorable. En d’autres termes, je condamne toute attaque contre des civils et, en même temps, je rends hommage à tous ceux qui risquent leur vie pour ABATTRE LE MUR. :

Israël n’est-il pas engagé dans une guerre pour son existence même ?

Non, ce n’est pas le cas. Israël est un État doté de l’arme nucléaire, avec l’armée peut-être la plus avancée technologiquement au monde avec toute la panoplie de la machine militaire américaine à ses côtés. Il n’y a pas de comparaison avec le Hamas, un groupe qui peut causer de graves dommages aux Israéliens, mais qui n’a absolument pas la capacité de vaincre l’armée israélienne, ni même d’empêcher Israël de continuer à mettre en œuvre le lent génocide des Palestiniens dans le cadre du système d’apartheid mis en place avec le soutien de longue date des États-Unis et de l’Union européenne.

Les Israéliens ne sont-ils pas en droit de craindre que le Hamas veuille les exterminer ?

Bien sûr ! Les Juifs ont subi un Holocauste qui a été précédé de pogroms et d’un antisémitisme profondément ancré en Europe et en Amérique depuis des siècles. Il est tout à fait naturel que les Israéliens vivent dans la crainte d’un nouveau pogrom si l’armée israélienne se replie. Cependant, en imposant l’apartheid à ses voisins, en les traitant comme des sous-hommes, l’État israélien attise les feux de l’antisémitisme, renforce les Palestiniens et les Israéliens qui veulent s’anéantir les uns les autres et, en fin de compte, contribue à la terrible insécurité qui consume les Juifs en Israël et dans la diaspora. L’apartheid contre les Palestiniens est la pire forme d’autodéfense des Israéliens.

Qu’en est-il de l’antisémitisme ?

Il s’agit toujours clairement d’un danger. Il doit être éradiqué, en particulier dans les rangs de la gauche mondiale et des Palestiniens qui luttent pour les droits civiques des Palestiniens, partout dans le monde.

Pourquoi les Palestiniens ne poursuivent-ils pas leurs objectifs par des moyens pacifiques ?

Ils l’ont fait. L’OLP a reconnu Israël et a renoncé à la lutte armée. Et qu’ont-ils obtenu en échange ? Une humiliation absolue et un nettoyage ethnique systématique. C’est ce qui a nourri le Hamas et l’a élevé aux yeux de nombreux Palestiniens comme la seule alternative à un lent génocide sous l’apartheid israélien.

Que faut-il faire maintenant ? Qu’est-ce qui pourrait apporter la paix en Israël-Palestine ?

  • Un cessez-le-feu immédiat.
  • La libération de tous les otages : ceux du Hamas et les milliers d’autres détenus par Israël.
  • Un processus de paix, sous l’égide des Nations unies, soutenu par un engagement de la communauté internationale à mettre fin à l’apartheid et à garantir des libertés égales pour tous.
  • Quant à ce qui doit remplacer l’apartheid, il appartient aux Israéliens et aux Palestiniens de choisir entre la solution des deux États et celle d’un État fédéral laïque unique.

Mes amis,

Nous sommes ici parce que la vengeance est une forme lâche du deuil.

Nous sommes ici pour promouvoir non pas la vengeance, mais la paix et la coexistence en Israël et Palestine.

Nous sommes ici pour dire aux démocrates allemands, y compris à nos anciens camarades de Die Linke, qu’ils se sont couverts de honte depuis assez longtemps – que « deux fautes ne font pas une juste » – que permettre à Israël de commettre des crimes de guerre n’améliorera pas l’héritage des crimes commis par l’Allemagne contre le peuple juif.

Au-delà du congrès d’aujourd’hui, nous avons le devoir, en Allemagne, de changer de discours. Nous avons le devoir de persuader la grande majorité des Allemands honnêtes que les droits humains universels sont ce qui compte. Que « plus jamais ça » signifie « plus jamais ça ». Pour tous, Juifs, Palestiniens, Ukrainiens, Russes, Yéménites, Soudanais, Rwandais – pour tous, partout.

Dans ce contexte, j’ai le plaisir d’annoncer que MERA25, le parti politique allemand de DiEM25, participera à l’élection du Parlement européen en juin prochain, en sollicitant le vote des humanistes allemands qui ont besoin d’un député européen représentant l’Allemagne et dénonçant la complicité de l’UE dans le génocide – une complicité qui est le plus grand cadeau de l’Europe aux antisémites d’Europe et d’ailleurs.

Je vous salue tous et vous propose de ne jamais oublier qu’aucun d’entre nous n’est libre si l’un d’entre nous est enchaîné.

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2024/04/09 Arié Alimi : « C’est parce que je suis juif français que j’ai renoncé à mon identité sioniste »

Figure de la gauche antiraciste, l’avocat Arié Alimi s’ouvre sur la « déflagration » ressentie le 7 octobre et tente de réarticuler ses identités d’homme juif, français, de gauche.

« J’avais forgé le désir de vivre en Israël. Mais il y a eu un moment de bascule qui a été très important dans ma vie », explique l’avocat Arié Alimi.

IDENTITÉS – En écrivant Juif, français, de gauche… dans le désordre, Arié Alimi voulait « purger quelque chose de personnel », mais pas seulement. Pour l’avocat, membre dirigeant de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), militant antiraciste, connu pour son combat contre les violences policières, il s’agissait aussi de « susciter un dialogue ».

Celui qui a compté Jean-Luc Mélenchon parmi ses clients, y décrit la « déflagration du 7 octobre », quand des partis politiques qu’il considérait comme des « compagnons de lutte », notamment le NPA, ont tenté de légitimer les attaques du Hamas. « Mon deuil à peine entamé, on me sommait de choisir mon camp. Moi qui m’étais toujours efforcé de laisser mes identités cohabiter », écrit-il dans son essai publié aux éditions La Découverte.

Au fil des pages, il tente de comprendre ses « propres cohérences et incohérences » et de réconcilier ses identités de Français juif, de gauche, dont le rapport au sionisme a évolué au fil des années. Auprès du HuffPost, il revient sur cet « écheveau d’identités » pour « permettre à tout le monde de s’emparer de ces questions ».

Le HuffPost. Vous décrivez dans le livre votre identité de « juif de gauche à visage découvert, un juif à part, coupé de sa communauté ». Pour vous, être juif et de gauche, aujourd’hui, c’est se couper de sa communauté ?

Arié Alimi. À une époque, ça allait de soi d’être juif et de gauche, y compris pour les institutions communautaires. Aujourd’hui, c’est de plus en plus difficile. Il y a eu un décalage de la communauté juive et le regard porté par ses membres sur les juifs de gauche est celui de l’étrangeté et du soupçon.

Pourquoi cela ?

Il y a un discours qui repose sur des choses vraies mais qui est malheureusement totalisant : celui de l’assimilation entre l’antisémitisme et l’antisionisme. L’antisionisme, qui veut dire beaucoup de choses, est une lutte de l’extrême gauche et est au cœur de la pensée anti-impérialiste. Le problème est qu’il y a eu un sophisme totalisant. Or, s’il est vrai qu’il y a une matrice spécifique de l’antisémitisme qui peut émaner des luttes anti-impérialistes et notamment de l’antisionisme, toute la pensée antisioniste n’est pas antisémite.

Vous qualifiez les discours autour de l’antisionisme et de l’antisémitisme de « spirale infernale de contre-vérités ». Qu’est-ce que vous entendez par cela ?

Chacun a une définition de ces mots et il y a des langues différentes selon les camps. Dans le camp sioniste, le mot sioniste est un mot nécessaire, un mot de survie. Dans le camp antisioniste, c’est un mot de mort, un mot de fascisme. Ce sont deux regards radicalement différents sur le même mot. Le but du livre est d’appeler tout le monde à revoir les mots et rediscuter.

Si le camp décolonial pouvait appréhender que le sionisme était aussi un mouvement ethnique d’autodétermination d’un peuple sans terre, opprimé depuis toujours. Et se dire qu’il y avait plusieurs visions du sionisme à l’origine. Si on pouvait simplement se dire ça, on aurait déjà compris qu’il y a un langage commun qui est possible, et qu’on peut travailler sur cette question pour le futur.

Pareil pour l’antisionisme. Si la communauté juive ou d’autres arrêtaient de considérer que l’antisionisme impliquait ipso facto la destruction de l’État d’Israël ou la remise en cause du projet qui consistait pour les Juifs à avoir un foyer. Ce que ce livre veut encourager, ce sont des pas de côté pour ces camps idéologiques.

Vous-même avez vécu une évolution dans votre rapport au sionisme. Vous parlez dans le livre d’une prise de conscience lors d’un séjour en Israël à l’époque de vos études. Comment est advenue cette évolution ?

Je suis un enfant juif de Sarcelles qui a eu une éducation extrêmement religieuse. Un enfant juif qui a été irrigué politiquement par le sionisme socialiste. J’avais pour vocation de devenir moi-même israélien. J’avais forgé le désir de vivre en Israël et de porter cet idéal sioniste. Mais il y a eu un moment de bascule qui a été très important dans ma vie. J’allais souvent en Israël et j’aimais prendre le thé dans le souk de Jérusalem et rencontrer les gens qui y étaient, à savoir des Palestiniens. Et notamment Hadil, avec qui je parlais tous les samedis.

C’est cette rencontre qui a brisé l’idéologie totalisante que je pouvais avoir, qui m’a montré l’envers du décor du sionisme, ce qu’il était devenu, ce qu’était la réalité israélienne. Une réalité qui certes pouvait être confortable pour beaucoup de juifs, mais qui ne l’était pas pour le reste de la population, qui était même un calvaire et un cauchemar. Je ne pouvais plus concevoir la possibilité de vivre dans ce pays qui ne portait pas ce qui était en train de se créer en moi en tant qu’étudiant en droit à l’époque, c’est-à-dire à un mélange universel d’humanisme, de liberté, d’égalité. C’est parce que je suis juif français que j’ai renoncé à mon identité sioniste à ce moment-là, parce que ça ne pouvait plus résonner.

Vous dites aussi dans le livre que vous dénoncez « le massacre des Gazaouis, la colonisation de la Cisjordanie […] en tant qu’homme de gauche, mais également en tant que juif ». Être juif pour vous, c’est devoir dénoncer ce qui se passe à Gaza aujourd’hui ?

Oui, pleinement. Ce qui est fascinant, c’est que le sionisme tel qu’il est devenu a écarté peut-être les valeurs les plus humanistes du judaïsme. C’est dans le message universel et dans les principes fondamentaux tels que je les ressens du judaïsme que je vois une contradiction fondamentale avec ce qui est fait à Gaza aujourd’hui.

Dans le livre vous parlez du choc du 7 octobre et en particulier de la réaction de certains groupes politiques dont vous étiez proches comme le NPA ou LFI, mais aussi de mouvements juifs comme Tsedek ou l’UJFP. Qu’est ce qui vous a choqué dans leurs réactions ?

Il y en a beaucoup qui interprètent ça comme de l’antisémitisme, je n’irais pas jusque-là. Je parle plutôt d’insensibilité idéologique. Ce sont des communiqués par exemple, pour certains, qui parlent de « résistance armée », de « processus de lutte armée ». Des textes qui portent un choix politique de légitimation de l’acte. Sauf que cet acte, c’est le meurtre de civils et de masse. Autant la lutte armée est reconnue légalement par le droit international lorsqu’on est occupé, et c’est le cas du peuple palestinien, autant les modalités de mise en œuvre de la lutte armée ne peuvent pas viser les civils. C’est cet antagonisme que j’ai avec le regard porté par des formations politiques avec lesquelles j’avais l’habitude de travailler.

Évidemment, c’est parce que je suis juif que j’ai immédiatement été sensibilisé et outré par cette approche, mais pas que. En tant que juriste, je ne peux pas concevoir qu’on puisse considérer que viser des civils est une modalité acceptable alors qu’elle est contraire à tous les textes internationaux. La fin ne justifie jamais les moyens.

Vous parlez aussi de la manière dont l’antisémitisme est devenu un outil de communication politique notamment pour l’extrême droite…

Il ne faut pas être naïf et ne pas voir que juifs et musulmans, antisémitisme et sionisme, tous ces concepts et ces communautés sont devenues des variables d’ajustement utilisées dans le cadre d’un rapport de force politique et discursif en France. Il n’y a qu’à voir la façon dont l’extrême droite se positionne par rapport à la question de l’antisémitisme, alors même qu’on connaît son histoire et qu’on connaît son idéologie. Ou il n’y a qu’à voir les étoiles de David sur les murs, faites, on le sait maintenant, dans le cadre d’une opération de l’intelligence russe en vue de fracturer la société française, parce qu’ils savent que la question de l’antisémitisme est un levier politique fondamental en France. Mais poser les mots et dire qu’il peut y avoir une instrumentalisation politique de l’antisémitisme, ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’antisémitisme ou que l’antisémitisme n’augmente pas. Il y a les deux.

 

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